La lecture de ce titre a – je pense – engendré chez 100 % des lecteurs l’image du smiley « petit diable machiavélique », suivi du smiley qui lève les yeux au ciel, suivi du smiley qui soupire… J’ai souvent entendu mon père dire qu’à chaque fois qu’il voyait son médecin, celui-ci se plaignait de la Sécu ; je le cataloguais donc du côté des médecins aigris (et âgés, ne nous voilons pas la face !). Alors maintenant, quand je m’entends faire certaines réflexions concernant ladite Sécu, je me fais peur... car je ne m’estime, bien sûr, ni aigrie ni âgée ( !).

Les liens avec la CPAM* me paraissent désormais inévitables. Les premières années d’installation, j’ai soigneusement retorqué au délégué qui m’appelait pour venir me montrer « des camemberts », comme dit mon associé (c’est-à-dire nos prescriptions transformées en tableaux et graphiques divers et variés, souvent aussi peu pertinents qu’intéressants) : « Je crois que cette visite n’est pas obligatoire, je vais donc passer mon tour. »

Puis sont arrivés la ROSP*, l’OPTAM*, le Ségur... Avec cette tutellisation à outrance du cahier des charges à respecter, il devient utopique de se tenir complètement éloigné des injonctions de cette institution. De toute façon, en recevant le SNIR*, le RIAP*, les mails d’ameli... impossible de faire comme si cela n’existait pas.

Concernant les avantages (eh oui, j’en ai trouvé !) qui découlent de ce chaperonnage, des efforts sont fournis pour la dématérialisation. En une dizaine d’années, le papier a disparu pour presque toutes les démarches. Alors, certes, ce n’est pas parfait, il y a bien plus de bugs et de lenteurs que sur nos logiciels à financement privé, il faut tout le temps se reconnecter, mais la sécurité des données est un vrai enjeu, de nos jours. On peut donc saluer les efforts réalisés, même si on aimerait forcément davantage de moyens encore.

Le deuxième avantage, plus évident, ce sont les rémunérations complémentaires, qui comportent deux pôles principaux : la rétribution en tant que médecin traitant et les atteintes de certains objectifs – cliniques ou d’informatisation et dématérialisation justement. Le système est, bien sûr, imparfait, mais il serait hypocrite de ne pas reconnaître le complément de revenu que cela représente, sans efforts démesurés.

Cependant, ces quelques avantages ne permettent malheureusement pas de compenser les crispations (version politiquement correcte) et les sentiments d’agacement, incompréhension, injustice... engendrés par les injonctions des CPAM.

Tout d’abord, je ne peux me défaire du sentiment de ne pas être libre de mes prescriptions : c’est particulièrement flagrant pour les arrêts de travail. Comment est il possible qu’aucun décisionnaire ne conçoive une seconde (apparemment), que la hausse actuelle des indemnités journalières soit la conséquence d’une augmentation du nombre de gens en souffrance (notamment au travail, post-Covid...) et que le postulat soit plutôt que les médecins prescrivent sciemment plus d’arrêts ?

Le plus triste, c’est qu’une majorité d’entre nous, ayant bien conscience de la nécessité de préserver économiquement notre système de santé, serait tout à fait à même d’aider les décisionnaires si le lien humain (que ce soit avec les médecins-conseils ou les personnels administratifs) existait.

Ce manque de communication entre les médecins de terrain et leur mère nourricière engendre des incompréhensions responsables d’un rejet des décisions prises par les administrateurs. La CPAM pourrait répondre qu’elle fait tout pour communiquer avec nous : plusieurs canaux de communication – en apparence –, les sacro--saintes visites des délégués bien sûr, la messagerie d’amelipro…  

Manquant de place dans ce numéro, je vous laisse patienter jusqu’au mois prochain pour la suite de ce poème : « Les médecins généralistes aiment leur liberté de soin, les caisses primaires prennent leurs décisions dans leur coin ! » 

* Définitions des acronymes à retrouver dans l’encadré. 
Encadre

Vive les acronymes...

CPAM : caisse primaire d’assurance maladie

OPTAM : option pratique tarifaire maîtrisée

RIAP : relevé individuel d’activité et de prescriptions

ROSP : rémunération sur objectifs de santé publique

SNIR : système national inter-régimes