La diversité de profils au sein de notre patientèle contribue à la beauté de notre exercice. Impossible de s’ennuyer quand on mélange une variété quasi infinie de motifs de consultation avec des personnalités et traits de caractère aussi variés que l’humanité veut bien en compter. Et nous n’avons évidemment pas de petit descriptif, comme dans certaines boîtes de chocolats !

Démarrons par le patient chronophage : il est en général très respectueux et plein de gratitude. On a pris l’habitude de lui réserver un créneau plus large (non justifié médicalement) et on anticipe la fin de la consultation par plein de petites phrases destinées à abréger la litanie de questions qui surviennent quand le dialogue paraît terminé (expérience que l’on peut aussi vivre lors d’appels téléphoniques de certains proches !).

Le hasard fait qu’on enchaîne parfois avec le patient qui a un problème de santé sérieux et qui craint toujours de déranger. On le lui a répété de nombreuses fois : « N’hésitez pas à m’appeler, je suis là pour ça » (arrêt de travail à prolonger après une chimiothérapie, besoin d’un rendez-vous rapide après une hospitalisation…). Mais non, rien n’y fait, il attend trois semaines pour son rendez-vous, s’excuse en arrivant, s’étonne de ne pas avancer de frais grâce à l’ALD et nous demande au passage comment on va et si on n’est pas trop fatigué, avec tous les patients que l’on reçoit !

Il vaut mieux ne pas recevoir, juste après, celui qui vient avec sa liste de courses. La consultation a souvent été précédée d’un appel : « Docteur, ça va être rapide, il me faut “ juste ” une ordonnance. » À cet instant, on peut être sûr de deux choses : 

  • 1. ça énerve 100 % des médecins ; 
  • 2. ce sera tout sauf rapide… 
 

À chacun de trouver sa méthode pour éconduire la demande (la patience et la souplesse qu’on y met étant inversement proportionnelles aux nombres d’années d’installation et aux nombres de jours restant avant nos prochaines vacances !).

Il y a ensuite celui qui n’en a rien à faire des règles hygiénodiététiques alors qu’il est diabétique, hypertendu et obèse : on passe du temps à lui expliquer la nécessité de l’arrêt du tabac, les bienfaits du sport… Il est évidemment parfaitement au courant et opine du chef pour ne pas nous vexer. Il est en général assez au clair sur son manque de motivation. Certains vont jusqu’à nous rétorquer qu’ils n’ont pas prévu de vivre au-delà d’un certain âge et ne voient donc pas l’intérêt de préserver leur santé. Difficile d’oser alors évoquer le risque de handicap après un AVC par exemple ; jusqu’à quel point a-t-on le droit d’être intrusif et inquiétant ?

L’alcoolique chronique : il nous est très fidèle, on l’a vu traverser de nombreux hauts et bas, de nombreuses cures de sevrage, de nombreux essais de suivi addictologique... On sait qu’il minimise, on l’a parfois vu passer d’une addiction à une autre. On voit apparaître les conséquences médicales les unes après les autres, on n’a malheureusement aucun espoir de guérison, au fond de nous… On espère juste qu’il ne s’en rend pas compte.

Un grand classique : le patient qui a posé son propre diagnostic grâce à internet. En réalité, tous les patients font des recherches en ligne, mais il y a ceux qui sont tellement stressés par les réponses trouvées qu’ils annoncent tout de suite la couleur : « Docteur, je n’aurais pas dû aller voir, mais… » Petite séance de déconstruction en vue pour rassurer…

Je finirai sans légèreté, malheureusement, par le patient qui nous met en échec. La consultation est difficile à décrire et il faut l’avoir expérimentée pour bien comprendre. Les problématiques sous-jacentes sont multiples, et les psychiatres à tendance psychanalytique s’en délecteraient…

Comme lorsqu’on est déçu par le chocolat qu’on a pioché, il faut parfois savoir passer vite au suivant… !