Des maladies infectieuses émergentes (MIE) peuvent être responsables d’épidémies, voire de pandémies, bouleversant les sociétés et provoquant des crises nationales et internationales. De nombreux facteurs sont à l’origine de la propagation de pathogènes émergents ou réémergents comme les SARS-CoV, MERS-CoV, Ebola, Zika, grippe ou encore, plus récemment, SARS-CoV-2 et Monkeypox.Depuis vingt-cinq ans, des crises sanitaires se sont succédé, faisant évoluer notre système de soins et de recherche. À l’épisode de la vache folle en 1996 succède le chikungunya en 2005-2006, avec de manière inhabituelle des formes sévères de la maladie, des transmissions materno-foetales et des formes cliniques invalidantes. La grippe pandémique H1N1 en 2009-2010 a révélé qu’en France il n’existait pas de dispositifs institutionnels et financiers permettant d’implémenter et de financer rapidement les recherches nécessaires pour faire face à des situations exceptionnelles. Ainsi a été mis en place, début 2012, un consortium appelé REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases), réseau multidisciplinaire rassemblant les groupes de recherche français d’excellence afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face à une menace qui n’est pas encore arrivée et qui est donc, par nature, imprévisible.Malgré des moyens limités (pas de financement par l’Agence nationale de la recherche [ANR] malgré deux demandes) et une certaine indifférence de la part du ministère de la Recherche, REACTing a débuté ses premières actions et le soutien de projets lors de l’épidémie de chikungunya aux Antilles et en Guyane françaises et en Amérique du Sud en 2013.L’épisode Ebola à partir de juin 2014 a mobilisé REACTing, avec la mise en place d’essais thérapeutiques, l’étude du vaccin Prevac, une collaboration avec les organisations non gouvernementales (ONG) impliquées et la mise en évidence du virus dans le laboratoire lyonnais P4 Mérieux-Inserm.REACTing s’est aussi mobilisé pour lutter contre la menace du virus Zika en Amérique latine et dans les Caraïbes, et avant les premiers cas aux Antilles françaises :– mise en place d’études observationnelles incluant les conséquences de l’infection à virus Zika au cours de la grossesse et chez les nouveau-nés ;– constitution de ZIKAlliance, consortium de recherche pluridisciplinaire et multinational coordonné par l’Inserm, avec un soutien de 12 millions d’euros de l’Europe.Bien que REACTing ait montré l’intérêt d’un tel réseau multidisciplinaire, la pandémie à Covid-19 en a souligné les limites. Avec cette pandémie, les efforts de REACTing pour assurer une bonne coordination des projets de recherche portés par les différentes institutions françaises, et inciter les équipes à se rapprocher en cas de redondance, se sont heurtés aux limites de son périmètre institutionnel, n’ayant ni les missions ni les outils pour procéder à une régulation des projets et des essais cliniques, que ce soit au niveau réglementaire ou financier. Si la production scientifique française a été de qualité, la recherche française n’a pas permis la conception de vaccins ou de traitements spécifiques. Dès lors, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a exprimé la volonté d’intégrer l’ANRS et le consortium de l’Inserm REACTing dans une nouvelle agence afin d’optimiser la réponse française aux crises pandémiques : l’ANRS maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE). Cette agence autonome de l’Inserm a pour missions l’animation, l’évaluation, la coordination et le financement de la recherche sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose et les maladies infectieuses émergentes et réémergentes (notamment les infections respiratoires émergentes, dont le Covid-19, les fièvres hémorragiques virales, les arboviroses).L’objectif est aussi de permettre une meilleure fluidité dans la transmission des données issues de Santé publique France et de développer les réseaux de recherche clinique impliquant les généralistes, de rapprocher les équipes de recherche fondamentale et les entreprises en biotechnologies et d’augmenter de manière substantielle la part du produit intérieur brut (PIB) investie dans la recherche biomédicale.
Jean-François Delfraissy, président du CCNE, ancien président du Conseil scientifique Covid-19.
6 décembre 2022