Face au nombre croissant d’allergiques et à la pénurie d’allergologues en France, la télé-expertise représente une solution supplémentaire proposée aux professionnels de santé pour pallier les longs délais de rendez-vous. Comment ça marche en pratique ?

Le principe requérant-requis (figure)

Cette nouvelle stratégie de télémédecine permet à un « requérant » professionnel de santé, médecin ou non, de solliciter à distance, par l’intermédiaire d’une plateforme sécurisée, l’avis d’un médecin spécialiste « requis ». Cet acte doit s’inscrire dans le parcours de soins du patient coordonné par le médecin traitant. À la demande seront ajoutés tous les éléments pouvant aider à donner un avis (examens biologiques, radiologies, iconographies du patient ainsi que ses références administratives, etc.). Au préalable, le consentement écrit ou oral du patient doit figurer dans le dossier médical avec respect de la confidentialité. Tous les patients peuvent bénéficier d’une téléexpertise depuis le 1er avril 2022 et l’avenant 9 à la convention médicale. La réponse de l’allergologue requis, sous forme écrite, est indiquée dans le dossier médical du patient, avec si nécessaire la proposition d’une consultation avec examens complémentaires (prick-test, examen clinique en présentiel, test de provocation orale en milieu hospitalier).

L’acteest pris en charge directement par l’Assurance maladie avec un tarif de 10 euros pour le médecin requérant et 20 euros pour le spécialiste, dans la limite de quatre avis annuels pour un même patient.

L’inscription sur les plateformes de télé-expertise est soit gratuite soit estimée sur devis : il vaut mieux se renseigner au préalable ! Pour certains centres hospitaliers, on peut trouver les informations directement sur leur site.

Un début timide en allergologie

Beaucoup moins développée qu’en dermatologie ou dans d’autres spécialités, la télé-expertise en allergologie fait ses premiers pas.

En 2023, dans une thèse consacrée à ce sujet, l’auteur a analysé les 115 réponses d’un questionnaire en ligne adressé aux médecins généralistes exerçant sur le littoral nord de la France. Les données recueillies résument les motivations des requérants : obtenir une réponse rapide (80 %), manque de disponibilité des spécialistes dans le territoire (56,7 %), adressage facilité (50 %). Quant aux spécialités sollicitées, ce sont les questions en dermatologie, cardiologie et rhumatologie qui priment. L’allergologie est absente.

L’expérience de terrain

Trois spécialistes allergologues libéraux et un praticien hospitalier nous livrent leur expérience dans ce domaine.

Qui sont les requérants régionaux ?

Le Dr Edouard Sève (Île-de-France), qui a débuté la télé-expertise en 2021, précise que ses requérants locaux sont des médecins généralistes (85 %), des pédiatres (10 %) et des IDE (5 %). Le Dr Éric Fromentin (Hauts-de-France) et le Dr Pauline Pralong (PH au CHU Grenoble) sont essentiellement sollicités par les médecins généralistes de leurs régions. Quant au Dr Sarah Court, qui exerce dans l’Est, elle est sollicitée dans 90 % des cas par des médecins généralistes et de PMI et dans 10 % par un infectiologue libéral.

Quelles sont les raisons des demandes ?

Pour les trois spécialistes libéraux, les motifs sont variés : réactions médicamenteuses chez l’enfant (surtout aux antibiotiques), allergies croisées (allergie alimentaire non sévère, quel bilan ?), allergies alimentaires chez les tout-petits, épisodes d’urticaire.

Côté hospitalier, le Dr Pralong énumère des demandes d’avis pour allergie médicamenteuse, eczéma de contact, urticaire, anaphylaxie.

Quelles suites ?

Après téléexpertise, deux scénarios sont possibles :

  • compte rendu ajouté au dossier du patient, pour suivi ;
  • nécessité d’une convocation pour consultation en présentiel : cela représente 70 % des télé-expertises pour le Dr Pralong du CHU Grenoble et entre 35 et 50 % des cas pour les médecins en ville.

Faciliter la prise en charge

Pour le Dr Fernandez, présidente du Syndicat français des allergologues (SYFAL) : « Autrefois, pour obtenir un avis, les praticiens devaient consacrer du temps au téléphone, souvent en dehors de leurs heures de travail. La télé-expertise permet aujourd’hui de reconnaître et de valider les demandes des confrères, facilitant ainsi la prise en charge des patients. Cependant, il est essentiel de rester vigilant afin d’éviter une surcharge de travail supplémentaire ou des demandes inadaptées. Un encadrement rigoureux est donc nécessaire : aussi, la télé-expertise ne doit pas remplacer une consultation ou des bilans essentiels pour le patient. Nous avons encore trop peu d’allergologues en France, la télé-expertise doit être perçue comme un complément et non une solution définitive. Au sein du SYFAL, nous travaillons actuellement à l’amélioration du parcours de soins du patient allergique et la télé-expertise aura toute sa place dans nos discussions. »

Encadre

Services hospitaliers réalisant la TLE en allergologie (liste non exhaustive)

CHU Rennes

CH Sud Seine-et-Marne

CHU Toulouse

CHRU Nancy

CHU Grenoble Alpes, service de dermatologie, allergologie et photobiologie

CHU Poitiers

Le service hospitalo-universitaire d’allergologie et d’immunologie clinique de l’hôpital Lyon Sud

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