Pendant la pandémie de Covid- 19, nous avons oscillé entre deux valeurs éthiques : l’autonomie (liberté individuelle) et la solidarité collective (s’occuper des plus fragiles). Cette crise a montré que l’on ne pouvait parfois se passer de la restriction de liberté.Les grandes décisions impliquent la conjonction des visions citoyenne, des sachants et des politiques et conduisent à plus ou moins de confiance. En réalité, il faut y ajouter l’intervention des médias et des réseaux sociaux qui ne s’appuient pas sur la science.Trois confinements ont eu lieu (printemps 2020, automne 2020 et avril-mai 2021). La campagne de vaccination a démarré en décembre 2020. L’ouverture générale de la vaccination a été mise en place fin mai 2021 avec l’annonce en juillet du pass sanitaire par le président de la République.Des mesures particulières ont été prises à destination des soignants. En août 2021, l’obligation vaccinale a été mise en place pour certaines branches professionnelles puis elle a été très stricte avec une longue période de débat pour convaincre l’ensemble des personnels de santé et un pourcentage non négligeable de non-vaccinés demeurait au printemps 2021.La vaccination de la population avait quatre objectifs : protéger les plus fragiles et les plus âgés contre les formes graves, éviter l’infection, limiter la transmission, contribuer à l’immunité de la population.Les objectifs concernant les professionnels de santé (1,3 million de personnes sans les administratifs) n’étaient pas tout à fait les mêmes : il s’agit de protéger pour soigner. L’obligation est parfaitement légitime quand on n’a pas réussi à convaincre. Les résultats ont montré une grande efficacité sur les formes graves bien que l’efficacité soit plus faible mais réelle sur la transmission (moins durable selon l’âge et le type de vaccin).Il existait chez les soignants une faible proportion de personnes anti-vaccination mais surtout des interrogations pour une fraction non négligeable (15 %). Moins ils étaient formés et plus ils s’interrogeaient. Il est donc indispensable de centrer l’essentiel des efforts sur la stratégie de formation des soignants. Tout ceci conduit à une série de questionnements. La discussion est-elle déontologique (impliquant la responsabilité du métier choisi) ou éthique (mettant en jeu la responsabilité individuelle, la non-nuisance et le soin des plus fragiles) ?Le Comité consultatif national d’éthique a beaucoup travaillé sur la vaccination des professionnels de santé. Dans son rapport figurent des recommandations non seulement sur la vaccination mais aussi sur les autres pratiques (masque…). Il faut distinguer le contexte de crises et les situations courantes.Autre frein, la vaccination n’est pas toujours considérée comme un enjeu majeur dans les groupes hospitaliers par les administratifs ni même par les médecins chefs de service.
Jean-François Delfraissy, Comité consultatif national d’éthique. Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine
8 octobre 2024