Des études précédentes ont trouvé la présence de HPV dans certaines lésions dermatologiques néoplasiques ou prénéoplasiques – telles que la kératose actinique (KA) –, notamment chez les personnes immunodéprimées, mais la relation entre les deux (causale ou non) n’est pas clairement établie. Par ailleurs, plusieurs études de cas ont déjà rapporté une régression de telles lésions après vaccination HPV.
Le premier essai randomisé à évaluer l’efficacité de ce vaccin dans cette indication vient de paraître dans le JAMA.
Les lésions de KA régressent davantage chez les vaccinés
L’essai VAXAK est une étude randomisée, à double insu, contrôlée contre placebo, ayant inclus 70 patients immunocompétents dans un centre de santé au Danemark. Les participants avaient un âge moyen de 75,5 ans et 67 % étaient des hommes. À l’inclusion, ils devaient avoir au moins 15 lésions de KA sur une surface de 50 à 100 cm2 sur la tête, le tronc ou les extrémités – la « surface test » qui a ensuite servi pour évaluer la progression des lésions durant l’étude (critère principal de jugement).
Après randomisation 1 :1, les participants du groupe traité ont reçu trois doses de vaccin HPV nonavalent à M0, M2 et M6. Les autres ont reçu un vaccin placebo à la même fréquence et sur le même site (IM dans le deltoïde). Les lésions de KA les plus sévères (grade II et III d’Olsen) ont été traitées par cryothérapie à M6 et M9, mais le reste des lésions sur la « surface test » n’ont pas été traitées ; la plupart des participants ont par ailleurs reçu un traitement standard pour les autres lésions de KA situées ailleurs que dans la « surface test », de la même manière dans les deux groupes.
Pendant un suivi de 12 mois, la régression des lésions a été plus importante dans le groupe vacciné :
- au 2e mois : réduction médiane de lésions de 35 % chez les vaccinés contre 25 % dans le groupe placebo (P = 0,03) ;
- au 6e mois : 47 % contre 29 % (P = 0,01) ;
- au 9e mois : 58 % contre 42 % (P = 0,09) ;
- au 12e mois : 58 % contre 47 % (P = 0,05).
Le nombre total de lésions de KA, y compris des plus sévères, était aussi significativement plus faible lors des suivis à 6 et 12 mois chez les personnes vaccinées contre le HPV.
En revanche, aucune différence significative n’a été observée dans les taux d’apparition de nouvelles lésions de KA (1 à 2 par mois dans les deux groupes) ni de carcinomes épidermoïdes, que ce soit en comparant les groupes entre eux ou l’évolution de chaque sujet pendant l’étude à celle des années précédentes.
Ces résultats suggèrent que la vaccination contre les HPV pourrait être utilisée comme un traitement complémentaire dans la prise en charge des kératoses actiniques, qui sont les lésions précancéreuses les plus fréquentes chez les personnes à phototype clair. Son effet sur le développement des carcinomes épidermoïdes reste toutefois incertain et requerra davantage d’études avec un suivi plus long.
Quels mécanismes ?
L’étude ne permettait pas de comprendre comment un vaccin destiné à prévenir l’infection des muqueuses par des HPV peut contribuer à faire régresser des lésions dermatologiques, mais les chercheurs avancent plusieurs hypothèses. Il pourrait s’agir d’une stimulation immunitaire non spécifique, mais aussi d’une stimulation spécifique des cellules T contre des kératinocytes présentant des antigènes viraux des HPV dans les lésions de KA – de précédents travaux ayant montré que la réponse immunitaire T contre des HPV ayant un tropisme cutané contribue à la suppression de cellules cancéreuses.
À lire aussi :
Brunet-Possenti F, Descamps V. Kératoses actiniques : dépistage et suivi en MG. Rev Prat (en ligne) 12 juillet 2022.