Fatigue
Un des premiers signes rapportés, avec ou sans hormonothérapie, est la fatigue, qui est souvent mal comprise par l’entourage. Celle-ci semble nettement améliorée lorsque, pendant les traitements, notamment la chimiothérapie, la pratique d’une activité physique a pu être mise en œuvre, et ce malgré la tendance au renfermement spontané rapporté par les patientes. Il faut donc valoriser toute activité, que ce soit seule ou en groupe souvent, et les pouvoirs publics et associations de patientes ont fait de nombreuses avancées en ce sens, allant jusqu’à prescrire le sport sur ordonnance.32-34 Il faut en parler et inciter à cette pratique, même si cela peut paraître déplacé lors des entretiens initiaux définissant le programme personnalisé de soins. Cela a le mérite de ne pas faire de cette période une parenthèse de vie, synonyme de repli sur soi et d’isolement.
Cette fatigue est également le corollaire des effets indésirables des traitements reçus ou en cours, avec la place importante des troubles climatériques chez les femmes non ménopausées lors du diagnostic, qu’elles reçoivent ultérieurement ou non une hormonothérapie complémentaire.
Il importe de caractériser la fatigue, car sous ce symptôme peuvent se dissimuler beaucoup d’autres causes :35 dépression réactionnelle, perte de confiance en soi, tant auprès de collègues de travail qu’auprès des siens, par incapacité de reprendre l’activité domestique antérieure, celle de mère sursollicitée par leurs enfants, celle d’épouse ayant peur de ne plus être la femme que le conjoint a aimée et désirée.36
Prise de poids
Elle est fréquente, liée aux traitements en cours de chimiothérapie, au changement de statut hormonal et à d’autres facteurs comportementaux. Elle confère une perte d’estime de soi et un découragement, et nécessite écoute, à défaut de solutions miracles : les plus efficaces sont la décision de s’adonner au sport, en groupe de préférence, en utilisant le temps libre avant une reprise de travail. L’activité physique, la lutte contre la sédentarité, l’amaigrissement programmé et le suivi, le changement d’habitudes alimentaires sont efficaces chez les patientes que l’on arrive à convaincre, mais il faut y mettre une vraie conviction et y revenir sans cesse.37 D’où l’efficacité de débuter tôt, en cours de traitement, et il ne faut pas hésiter à confier les patientes à des psychologues habitués à ces états post-traitements, favoriser les rencontres avec d’autre patientes dans le cadre des associations de patients. Trouver un nouvel enjeu, comme l’art graphique, l’écriture, le chant ou la relaxation,constitue une proposition qui est très efficace, pour peu que l’on y croie et que l’on en parle.
Troubles de la concentration
Ces troubles, souvent allégués après chimiothérapie, effraient les patientes, notamment dans la perspective de reprise de responsabilités professionnelles. Il faut arriver à les faire formuler et orienter, si nécessaire, vers des consultations dédiées de plus en plus développées dans les soins de support.38 Il est important de les considérer dans un cadre global de fin de traitements, souvent angoissant et relié à un sommeil altéré et à une fatigue banalisée. Il est difficile de ne pas comparer l’avant, toujours idéalisé, et l’après, vu subjectivement. Mais, et c’est la force de l’exercice de la médecine générale de pouvoir comparer, beaucoup de symptômes sont communs à une tranche d’âge, et ne sont pas nécessairement à terme imputables aux traitements reçus.
Signes liés aux traitements antihormonaux
Les effets indésirables différés des traitements effectués et ceux des traitements antihormonaux en cours se conjuguent et nécessitent davantage de temps que de connaissances, pour les entendre et les identifier.39 Les reconnaître et les analyser représentent la moitié du chemin, dans le cadre d’une réhabilitation progressive. Une équipe, partant du constat de la difficile adhésion des patientes aux thérapeutiques antihormonales, initiale et au cours du temps, a exploré le rôle que peut jouer le médecin traitant à l’aide de support social, à travers des interviews semi-structurées de 22 patientes, réparties harmonieusement en âge de moins de 45 ans à plus de 65 ans. Le rôle du médecin traitant apparaît fondamental dans la réexplication des traitements à l’aide de supports d’information, rappelant sans cesse le but et les bénéfices en termes de diminution du risque global de récidives, en écoutant avec empathie et en conseillant associations de patientes et activités physiques ou mentales adaptées.40, 41 On n’insistera jamais assez sur le rôle, au fil des années, du médecin traitant sur la question fondamentale de l’incitation à la poursuite des traitements, pour lesquels lassitude, diminution de la peur de la récidive et perte de motivation sont en cause dans l’abandon des traitements.42 Cela représente un des atouts majeurs dans l’après-cancer, d’autant plus efficace qu’il aura été mis en place un suivi en alternance.
Patientes sans traitement ultérieur
C’est le cas des tumeurs ne présentant pas de récepteurs hormonaux (RH-). S’il n’y a pas de surexpression de la protéine HER2, ces tumeurs sont volontiers appelées « triples négatives » (RE-, RP-, HER2-).
Le fait d’avoir reçu une chimiothérapie induit le plus souvent, chez une femme non ménopausée, un arrêt plus ou moins temporaire du fonctionnement ovarien, que la patiente n’identifie pas forcément, compte tenu du nombre grandissant de femmes n’ayant plus de règles du fait de leur contraception. Ces signes s’additionnent à ceux déjà évoqués plus haut, mais nécessitent d’être explicités, surtout si la probabilité est forte que ce soit définitif (fréquent après 40 ans).
Chez une femme déjà ménopausée, ces signes climatériques ne sont pas présents, mais il est fréquent que ceux liés à la chimiothérapie soient au premier plan, avec fatigue, arthralgies, problèmes cutanés et dysesthésies. Vérifier le taux de vitamine D est toujours utile, nombreuses sont les femmes en vraie carence et qui bénéficient grandement de la supplémentation.43
Patientes jeunes sous traitement par tamoxifène
La prise du tamoxifène, dont les explications sur le mécanisme d’action et surtout le bénéfice en termes de pronostic peuvent manquer, va souvent majorer ces signes, devenant une raison de consultation précoce après les traitements. Les explications du mode d’action, et de la situation hormonale sont indispensables, un arrêt très temporaire peut même être envisagé, pour y voir plus clair dans les troubles allégués. Par définition, il s’agit d’une patiente non ménopausée lors du diagnostic, cumulant les signes liés à la toxicité ovarienne de la chimiothérapie (qu’il ne faut pas assimiler à une ménopause) et les signes du traitement, qui peuvent être majorés par des avis circulant sur les blogs ou lors de rencontres entre patientes, et par l’état décrit précédemment de fatigue et de perte de confiance.42
Les cycles peuvent reprendre ou se poursuivre sous tamoxifène, qui agit en compétition avec les estrogènes. Il n’est pas contraceptif, et peut donner lieu à des kystes ovariens, le plus souvent asymptomatiques et spontanément régressifs. Ressemblant à un estrogène, il en partage le risque aggravé de phlébites. Il ne nécessite pas autre chose qu’un suivi gynécologique annuel ; les cancers de l’endomètre redoutés par les patientes n’existent pas chez les femmes non ménopausées, à la posologie actuelle de 20 mg.41
Patientes ménopausées au diagnostic sous traitement par inhibiteurs de l’aromatase
Si les inhibiteurs de l’aromatase sont généralement bien supportés, ils peuvent induire, dans 30 à 40 % des cas, une altération majeure de la qualité de vie en raison d’une perte de tonus et d’énergie, s’accompagnant de douleurs ostéoarticulaires très vives, ubiquitaires, inquiétantes dans le contexte par leur intensité. Dans ces cas de figure, il faut prendre le temps de définir avec la patiente le type de troubles ressentis, tenter les « petits moyens » La communication optimisée avec l’oncologue ou la personne coordinatrice du parcours de soins devrait permettre de répondre aux symptômes persistants. Une ostéodensitométrie est toujours réalisée en début de traitement compte tenu de l’effet délétère des inhibiteurs de l’aromatase sur la densité osseuse, agissant en supprimant toute source d’estrogènes résiduelle (surrénale et tissu graisseux).41