Dans le numéro de janvier 2022 de La Revue du Praticien, une association de patients présentait les résultats d’une enquête consacrée au vécu et au ressenti des personnes dialysées ou greffées de rein, en fonction de leurs traitements respectifs. Tous reconnaissent que ces thérapeutiques sont efficaces dans la mesure où elles leur permettent d’être vivants. Mais la réalité de leur survie, ou de leur plaisir à vivre, est radicalement différente selon le type de traitement subi, même si tous décrivent une certaine anxiété pour leur devenir.
La question que nous posent, en tant que médecins, non seulement les malades du rein mais aussi, en pratique, tous les patients est claire : « Une fois votre diagnostic posé et votre traitement réalisé ou votre ordonnance rédigée, savez-vous, ou vous souciez-vous, au sortir de votre cabinet ou de votre service, de ce qu’est ou va devenir notre vie à court ou à long terme ? » Autrement dit, notre rôle de médecin se résume-t-il à dispenser les soins qui nous paraissent les plus adaptés pour traiter une maladie ? Ou doit-il aller au-delà et « traiter » la santé des malades telle que l’Organisation mondiale de la santé la définit : « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » ?
Au cours des soixante dernières années, la médecine et la société ont considérablement changé. Les exigences en termes de santé, qui s’expriment notamment par l’intermédiaire des associations de patients, s’accroissent, et le simple bienfait de survie ne suffit plus. Le rôle du médecin a peu à peu évolué vers la prise en charge de maladies chroniques dont les traitements ont sans cesse prolongé la survie sans toutefois les guérir ; il persiste un ressenti, parfois important, d’altération de la qualité de vie pour lequel les malades se retourneront de plus en plus vigoureusement contre les médecins si rien ne change, en considérant que leur traitement n’est pas adapté.
Il apparaît donc de plus en plus évident que le médecin doit adopter la posture d’un véritable prestataire de santé. Pour cela, le corps médical devra écouter davantage et travailler réellement avec les associations de malades (au risque d’entrer en conflit), tenir compte de la démocratie en santé et de la notion de décision médicale partagée. Il s’agit en effet de mieux analyser la vie des malades au jour le jour, d’en mieux comprendre les difficultés et les enjeux et de mettre en place, avec eux et leurs associations, des protocoles de recherche pour améliorer leur quotidien. C’est toute une nouvelle médecine collaborative et de recherche, d’égal à égal, hors les murs du savoir traditionnel et de nos cabinets de soins, qui doit non pas être créée, car elle existe parfois déjà, mais se déployer et s’accélérer si l’on veut améliorer non seulement la qualité de vie et le bien-être des malades, mais aussi notre image, toujours plus remise en question. Malgré les difficultés, nous serons tous gagnants !