Le paracétamol est considéré comme un médicament sûr pendant la grossesse. En effet, aucun risque de malformation ou de toxicité foetale ou néonatale n’a été décrit. Toutefois, récemment, certaines études animales et observationnelles ont suggéré un possible rôle favorisant dans l’apparition de troubles neurodéveloppementaux (trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDAH] et troubles du spectre autistique). Elles manquent néanmoins de solidité pour établir une corrélation, notamment parce qu’elles reposent sur l’évaluation par la mère de sa consommation de paracétamol. Pour dépasser cette difficulté méthodologique, des chercheurs américains se sont intéressés à CANDLE, une cohorte de dyades mère-enfant aux États-Unis, déjà utilisée pour d’autres études médicales. Dans cette cohorte, 450 femmes enceintes afro-américaines (24,8 ans d’âge moyen) avaient eu un prélèvement de plasma au deuxième trimestre de grossesse (en moyenne à 22,8 semaines d’aménorrhée), pour une analyse des métabolites primaires. C’est ainsi que les chercheurs ont déduit la consommation maternelle réelle de paracétamol. Dix ans plus tard, ils ont déterminé, lors d’une visite de suivi, la présence de TDAH parmi 307 enfants issus de ces grossesses (âgés en moyenne de 9,1 ans). Les résultats de cette analyse sont parus en février 2025 dans Nature Mental Health. Les auteurs ont pris en compte dans leurs analyses statistiques différents facteurs confondants (éducation maternelle, indice de masse corporelle, âge, revenus du foyer, maladies mentales, etc.). Des analytes de paracétamol ont été retrouvés dans le plasma au deuxième trimestre de grossesse chez 62 mères (20,2 % des 307 dyades sélectionnées). La prise de paracétamol au deuxième trimestre était associée à un risque multiplié par trois d’avoir un enfant atteint de TDAH lors de la visite de suivi (odds ratio [OR] = 3,15 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % = 1,20 - 8,29). Ce risque semblait encore plus élevé chez les filles (OR = 6,16 ; IC à 95 % = 1,58 - 24,05), peut-être en raison d’un plus faible échantillon. Pour les auteurs, ces résultats sont cohérents avec ceux des deux seules autres études ayant évalué le lien entre TDAH et prise de paracétamol sur la base de biomarqueurs du médicament. Si des travaux complémentaires sont nécessaires pour établir une relation de cause à effet, la prudence est de mise : les femmes enceintes devraient privilégier un usage raisonné du paracétamol et toujours consulter un professionnel de santé avant de prendre un médicament pour qu’il puisse en évaluer le rapport bénéfice/risque.
Références
Nat Mental Health 2025;3:318-31. Baker BH, Bammler TK, Barrett ES, et al. Associations of maternal blood biomarkers of prenatal APAP exposure with placental gene expression and child attention deficit hyperactivity disorder.
6 février 2025.