Bien que la prévalence de l’eczéma (dermatite atopique) soit estimée mondialement à 8 - 9 % chez les enfants de 6 - 7 ans et à 10 % chez ceux de 13 - 14 ans2, les mécanismes biologiques de cette pathologie demeurent mal connus. Des études épidémiologiques3 - 5ont suggéré une association entre stress prénatal et surrisque de développer un eczéma, mais sans démonstration de lien de causalité.
Une expérience in vivo a été menée sur des souris gestantes qui ont été soumises à un stress répété (contrainte physique et exposition lumineuse pendant 30 minutes trois fois par jour) entre le 13e et le 18e jour de grossesse, période de formation du système immunitaire et nerveux de la peau chez la souris, correspondant au 2e trimestre chez l’humain. Les souris contrôle ont été laissées libres. Une augmentation du taux de cortisol a été observée dans le sang et le liquide amniotique des souris stressées. Une fois les souriceaux nés, les conditions d'humidité et de friction rencontrées par les nourrissons humains – notamment dues aux couches, vêtements et plis cutanés – ont été reproduites en appliquant des compresses humides sur le dos et en provoquant une abrasion des zones soumises à des contraintes mécaniques (cou, plis du coude et des genoux).
Les souriceaux qui avaient subi du stress prénatal ont développé des éruptions cutanées et une hypersensibilité (symptômes de l’eczéma) tandis que l’épiderme des souriceaux contrôle était intacte. Les cellules cutanées des souriceaux ont ensuite été analysées par séquençage ARNet par microscopie confocale en fluorescence. Les résultats montrent que les mastocytes des souriceaux ayant subi un stress prénatal sont plus activés par rapport au contrôle, produisant donc davantage d'histamine – molécule provoquant rougeurs et démangeaisons. Un autre groupe de souris gestantes génétiquement modifiées pour être dépourvues de mastocytes (modèles transgéniques) a été étudié dans les mêmes conditions de stress que le groupe précédent. Leur progéniture n’a pas développé d’eczéma, soulignant le rôle des mastocytes dans les réactions cutanées observées.
Les résultats montrent également que le stress maternel modifie les gènes des neurones sensoriels (qui relient la peau à la moelle épinière) dont plusieurs sont associés à la douleur et aux démangeaisons, indiquant une sensibilité cutanée accrue chez ces souriceaux.
Des études complémentaires, notamment in utero, devront évaluer la transposabilité de ces observations chez l’humain. Cette étude invite à une réflexion plus large pour mieux comprendre de quelle manière l'expérience des femmes enceintes influence la santé des enfants.
2. ISAAC. International Study of Asthma and Allergies in Childhood.
3. INSERM. Dermatite atopique (eczéma atopique) : une maladie chronique inflammatoire de la peau fréquente. 1er mars 2016.
4. Smejda K, Polanska K, Merecz-Kot D, et al. Maternal stress during pregnancy and allergic diseases in children during the first year of life. Respir Care 2018;63(1):70-6.
5. Letourneau NL, Kozyrskyj A, Cosic N, et al. Maternal sensitivity and social support protect against childhood atopic dermatitis. Allergy Asthma Clin Immunol. 2017;13(26).