Le « tri médical », ou triage, est une notion inconfortable et polémique dont les critères de priorisation, dans une situation de crise, dépendent des valeurs morales et du contexte socioculturel du groupe ethnique considéré. Souvenons-nous de l’indignation qu’a pu susciter le terme de « tri médical » utilisé pendant la pandémie de Covid- 19. La pédiatrie est particulière car souvent monopathologique, et la tension éthique liée au triage pourrait paraître plus simple à analyser, à la différence des autres âges dont la vulnérabilité est souvent attachée aux polypathologies, aux comorbidités et à la sénescence. Si, en urgence, la notion de triage est visible et plus facilement acceptée, en dehors de l’urgence, le contexte de ressources contraintes constitue un principe de réalité et les critères médicaux ne sont plus seuls à être considérés. Alors qui décide du triage, sur quels critères, comment et avec quelle évaluation ?Le contexte actuel économico-sanitaire est en tension, les progrès technologiques et médicaux sont de plus en plus coûteux et les déserts médicaux progressent. Les stratégies utilitaristes – sauver le plus de vies mais par le sacrifice de quelques-unes – et égalitaristes, selon la stratégie du premier arrivé-premier servi, sont, toutes les deux en définitive, sources d’inégalité. En dehors de l’urgence, les critères médicaux sont moins présents et laissent la place à d’autres méthodes de sélection très discutables comme l’heure d’arrivée, l’argent, les relations, la connaissance du terrain ou de l’équipe. Où est donc la justice collective ?Ainsi, la notion même de triage devrait être revisitée, non seulement dans les situations critiques comme la réanimation néonatale ou les urgences pédiatriques, mais également dans les situations quotidiennes du parcours de soins, à partir du simple « coupe-file ». Est-ce là le début d’un micro-tri ?

Catherine Adamsbaum, ancienne cheff e de service de radiologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre et référente du groupe de réflexion éthique au sein de la Société française de radiologie (SFR), professeure émérite à la faculté Paris-Saclay, France

8 avril 2025