L’œil est exposé aux ondes électromagnétiques solaires, de l’ultra- violet (UV) à l’infrarouge, mais aussi aux sources de lumière artificielle : éclairages domestiques, publics ou professionnels, écrans et objets munis de lampes…
Les effets de l’éclairage sont liés :
– à la source : puissance, intensité lumineuse, spectre, papillotement (scintillement perceptible ou non par l’œil résultant d’une fluctuation de tension électrique), température de couleur, rendement énergétique, variation temporelle ;
– à sa perception par l’utilisateur : luminance, indice de rendu de couleur (indicateur de la propension d’une source lumineuse à bien restituer les couleurs ; par exemple, avec certaines lampes, les couleurs semblent jaunes par rapport à l’éclairage naturel), éblouissement, papillotement.
La cornée et le cristallin absorbent la majeure partie des rayonnements UV (dont l’excès endommage la cornée – kératites solaires – et induit des cataractes). Seuls ceux compris entre 380 et 780 nm (dits visibles) atteignent la rétine et sont convertis par les photorécepteurs en influx nerveux.
La proportion de lumière bleue transmise décroît avec l’âge, étant d’autant plus absorbée par le cristallin vieillissant qui devient jaune (fig. 1).
L’énergie d’une onde électromagnétique étant inversement proportionnelle à sa longueur, la lumière bleue (400- 460 nm) en porte plus que la rouge (800 nm). Le risque de toxicité pour la rétine est lié à la production de radicaux libres oxygénés par l’épithélium pigmentaire lors de l’absorption des photons.
En application de la directive européenne n° 2005/32/CE sur l’écoconception, le retrait du marché des lampes à incandescence et halogènes classiques a induit un fort développement des éclairages à diode électroluminescente (LED [light-emitting diode]). Ces derniers ont une composition spectrale différente de celle de la lumière naturelle et des autres sources de lumière (à incandescence, halogènes, fluocompactes… )1 avec un net enrichissement en lumière bleue (fig. 2).

Quelles normes ?

Les ampoules destinées au public sont classées en 4 groupes (tableau) :
– 0 : aucun risque ;
– 1  : risque faible (pas de danger en conditions d’utilisation normales) ;
– 2 : modéré ;
– 3 : élevé même pour des expositions courtes et momentanées (ne sont pas sur le marché de l’éclairage domestique en France mais peuvent être utilisées dans certains cadres professionnels (milieu du spectacle : projecteurs).
La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) a fixé la valeur limite d’exposition à la lumière bleue à 2,2 J/cm2. Ainsi, une ampoule à risque 0 atteint cette dose en plus de 10 000 s (tableau). Toutefois, ces directives ne s’appliquent qu’aux expositions aiguës (uniques et inférieures à 3 h) et aux éclairages domestiques et professionnels. Jouets, lampes torches, objets de décoration… échappent à la réglementation.

Led : quels risques ?

En 2019, l’Anses a publié un nouveau rapport d’expertise sur les effets sanitaires liés à la lumière bleue (phototoxicité, perturbation des rythmes circadiens), au déséquilibre spectral (rapport des intensités lumineuses entre le bleu et le rouge) et à d’autres caractéristiques de l’éclairage à LED (éblouissement, modulation temporelle de l’intensité lumineuse).
Le risque phototoxique d’une surexposition aiguë est avéré. De ce fait, les lampes de niveau de risque 2 devraient être retirées du marché français de l’éclairage domestique. Cependant, les phares automobiles et certaines lampes torches font partie de cette classe.
Concernant l’exposition cumulée, aucune étude prospective n’a montré une association à des pathologies oculaires. Les arguments expérimentaux et les méta-analyses récentes plaident pour un rôle favorisant de la lumière solaire dans la DMLA.2 Des études sur des sujets vivant dans des conditions extrêmes (guides de haute montagne, pêcheurs de la baie de San Francisco, nones irlandaises) semblent confirmer cette hypothèse. Or, dans ces rayonnements, la composante phototoxique est liée au spectre bleu. Le cumul du stress oxydatif induit par l’exposition serait un des facteurs impliqués dans le vieillissement pathologique de la rétine.
Les risques de perturbation des rythmes circadiens sont établis. La stimulation des cellules ganglionnaires à mélanopsine par la lumière bleue (460-480 nm) réprime la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale, favorisant l’éveil et inhibant le sommeil.
L’exposition à des lampes à LED, même à très faible luminance (tablette, smartphone, veilleuse…), le soir ou la nuit peut perturber l’endormissement, altérer la qualité du sommeil, retentir sur les fonctions physiologiques rythmiques.
Les enfants seraient particulièrement à risque.3
La modulation temporelle de la lumière (perçue comme un papillotement), due à une sensibilité des LED aux variations des courants d’alimentation, provoque des fatigues visuelles et des céphalées.
Enfin, le lien entre composition spectrale de la lumière et myopie est étudié depuis longtemps. Encourager les jeunes enfants à sortir à la lumière du jour et éviter une exposition intense aux lampes artificielles4 seraient des mesures efficaces contre la progression de la myopisation.

En pratique : comment se protéger ?

Il est recommandé d’utiliser des lampes à LED toujours recouvertes d’une enveloppe qui cache la diode (ce qui n’est pas le cas de certaines torches). Il faut aussi privilégier des luminaires à éclairage indirect ; limiter le nombre de lampes décoratives dans les pièces. La luminance doit être confortable. Préférer une lumière blanc chaud (2 700-4 000 kelvin) plutôt que blanc froid.
Éviter au maximum les écrans avant de dormir ou utiliser les logiciels qui permettent de les jaunir. Plusieurs sont disponibles gratuitement, ils réduisent l’émission de bleu en fonction de l’horaire (la géolocalisation permettant de s’adapter au fuseau horaire). Pour les enfants : pas de veilleuses et autres jouets qui émettent de la lumière bleue la nuit ou le soir ; les exposer à la lumière du jour, à différentes heures de la journée. Les verres (lunettes et lentilles) dits protecteurs ont des performances variables, rendant le choix difficile.
Selon l’Anses, les lunettes spécifiques de protection ont une efficacité de filtrage plus importante que les verres ophtalmiques traités. Aucun de ces deux systèmes ne peut être considéré comme un équipement de protection individuelle contre le risque de phototoxicité rétinienne aiguë après exposition prolongée à une LED intense. Selon les moyens testés, la capacité de filtrage du rayonnement bleu dans la bande mélanopique est très variable : très faible pour les verres traités voire inexistante, malgré les revendications des fabricants ou distributeurs de ces produits. Impossible d’affirmer que ce filtrage est suffisant pour empêcher l’effet de l’exposition vespérale sur la mélatonine ainsi que le retard à l’endormissement. Pour les écrans testés revendiquant une limitation de l’émission de lumière bleue, aucune efficacité réelle n’a été observée. La baisse de la température de couleur (passage au blanc chaud) et de la luminosité des écrans a montré une certaine efficacité sur la diminution de la quantité de bleu dans le spectre.
Références
1. Behar-Cohen F, Martinsons C, Viénot F, et al. Light-emitting diodes (LED) for domestic lighting: any risks for the eye? Prog Retin Eye Res 2011;30:239-57.
2. Sui GY, Liu GC, Liu GY, et al. Is sunlight exposure a risk factor for age-related macular degeneration? A systematic review and meta-analysis. Br J Ophthalmol 2013;97:389-94.
3. Lee SI, Matsumori K, Nishimura K, et al. Melatonin suppression and sleepiness in children exposed to blue-enriched white LED lighting at night. Physiol Rep 2018;6:e13942. doi:10.14814/phy2.13942
4. Ho CL, Wu WF, Liou YM. Dose-response relationship of outdoor exposure and myopia Indicators: a systematic review and meta-analysis of various research methods. Int J Environ Res Public Health 2019;16:2595.

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essentiel

Une surexposition aiguë à la lumière bleue peut être phototoxique pour la rétine.

pourrait contribuer à la survenue d’une DMLA.

perturbe le sommeil et les rythmes circadiens, particulièrement chez les enfants.