La prévalence des allergies ne cesse d’augmenter depuis une trentaine d’années. Le mode de vie « occidental » est souvent incriminé, mais le rôle de l’alimentation n’est pas clair. Une revue systématique – incluant grandes cohortes internationales et essais randomisés – pointe du doigt les aliments ultratransformés.

L’Académie européenne d’allergie et immunologie clinique (EEACI) a publié une revue systématique des études explorant le lien entre la consommation d’aliments ultratransformés (AUT) et la survenue de diverses allergies chez les enfants.

Elle a inclus 55 études menées dans les Amériques (Brésil, Colombie, Canada, États-Unis), en Europe (France, Royaume-Uni, Finlande, Hollande, Danemark) et en Asie (Corée, Chine) :

  • 26 études concernant les effets cliniques des AUT (boissons sucrées, confiseries, barres chocolatées, margarines, pains et biscuits, voire des ingrédients précis comme le glutamate monosodique) sur les symptômes allergiques tels que l’asthme, la rhinite allergique, le wheezing, l’eczéma atopique et les manifestations d’allergies alimentaires ; la quasi-totalité étaient des études observationnelles – une seule était interventionnelle – menées sur de vastes cohortes de plusieurs milliers d’enfants ou de femmes enceintes ;
  • 19 études concernant les possibles mécanismes sous-jacents (observationnelles et interventionnelles, dont 3 essais randomisés) : 16 s’intéressaient à l’effet de ces produits ou de leurs composés (émulsifiants, édulcorants…) sur le microbiote intestinal et 3 à leurs effets sur des paramètres immunologiques.

Consommation d’AUT et symptômes allergiques

Les études recensées exploraient, d’une part, l’effet du régime alimentaire de la mère pendant la grossesse sur la survenue ultérieure d’allergie chez l’enfant et, d’autre part, l’effet du régime alimentaire de l’enfant sur ses propres symptômes.

Si les résultats n’étaient pas tous concordants selon les cohortes, la consommation d’AUT était associée, de façon générale, à une fréquence et/ou une sévérité accrue des symptômes d’asthme, de rhinite allergique et de dermatite atopique chez les enfants.

Plus précisément, les données pointaient vers :

  • une association entre la consommation pendant la grossesse de fructose et des sucres libres (contenus dans les AUT) et un risque accru d’asthme chez l’enfant, ainsi qu’une association entre la consommation de boissons gazeuses sucrées pendant la grossesse et une prévalence accrue d’asthme et de rhinite allergique chez les enfants ;
  • une association entre la consommation pendant la petite enfance d’aliments commerciaux pour bébés et la survenue d’allergies alimentaires à l’âge de 2 ans (confirmées par test de provocation orale) ;
  • une association entre la consommation régulière durant l’enfance et l’adolescence de boissons contenant du fructose libre, y compris celles à base de fruits, et une fréquence accrue (autodéclarée) de symptômes allergiques et de la prévalence de l’asthme ;
  • une association entre la consommation d’AUT riches en glucides et une augmentation de la gravité de l’asthme pédiatrique ;
  • concernant des ingrédients spécifiques : la restriction de la consommation de glutamate monosodique pourrait améliorer les symptômes de la dermatite atopique chez les enfants ; l’exposition aux produits de glycation avancée (retrouvés en grandes quantités dans les AUT en raison de leur forte teneur en sucre) pourrait faciliter la sensibilisation allergique et la survenue de dermatite atopique, rhinite allergique, asthme et allergies alimentaires.

Quels mécanismes ?

Les données issues de ces travaux montrent des altérations dans la composition et le métabolisme du microbiote intestinal, dans la barrière épithéliale intestinale et la fonction immunitaire chez les personnes consommant des quantités élevées d’AUT par rapport aux personnes en consommant peu. Les produits et ingrédients les plus impliqués étaient les boissons sucrées, les viandes transformées, les édulcorants artificiels et les émulsifiants.

Certaines de ces altérations pourraient jouer un rôle dans le développement des allergies. Ces études ont notamment montré que :

  • sur la dysbiose intestinale : la consommation d’AUT induit :
    • une réduction des bactéries bénéfiques (Bacteroidetes, Faecalibacterium prausnitzii, Ruminococcus) au profit d’espèces pro-inflammatoires (Prevotella) ;
    • une dégradation du métabolisme bactérien, avec une production réduite de métabolites immunorégulateurs tels que les acides gras saturés, entraînant notamment une perte de la tolérance immunitaire et une inflammation.
  • sur l’altération de la barrière épithéliale : la consommation d’émulsifiants tels que le polysorbate et la carboxyméthylcellulose est associée à une perturbation de cette barrière, ce qui pourrait aussi modifier la tolérance et induire des réponses inflammatoires locales et systémiques.
  • sur le système immunitaire directement : la consommation élevée d’AUT a été associée à une augmentation de marqueurs inflammatoires tels que la CRP, l'IL- 6 et l’IL- 8 ; les édulcorants et les produits de glycation avancée affectaient particulièrement les réponses des cellules T.

Qu’en retenir ?

Ces données suggèrent que la consommation d’AUT pourrait faciliter la survenue de pathologies allergiques.

Davantage d’études sont nécessaires pour mieux comprendre ces associations, d’autant plus que les travaux recensés dans cette revue systématique comportaient des biais limitant la portée de ses conclusions : autodéclaration des symptômes ou des pathologies sans vérification médicale dans certains cas, hétérogénéité dans la façon d’évaluer les consommations, non prise en compte de facteurs confondants comme l’IMC ou les comorbidités.

Les altérations du microbiote intestinal et de la fonction immunitaire sont des pistes possibles d’explication. Toutefois, il est encore difficile de savoir si l’association entre les AUT et les allergies est due majoritairement à ces mécanismes spécifiques ou à la moindre qualité nutritionnelle de ces produits et des régimes qui leur accordent une place trop importante (un régime nutritionnel diversifié, incluant des produits frais comme les fruits et légumes est, en effet, associé à une réduction des allergies, notamment alimentaires).

L’EEACI conclut que, dans l’ensemble, ces études suggèrent qu’on peut considérer les AUT comme un facteur environnemental contribuant à la prévalence croissante des allergies pédiatriques. Toutefois, leur rôle doit être pris en compte dans un ensemble comprenant les facteurs génétiques et d’autres facteurs environnementaux, y compris les facteurs socio-économiques.

Pour en savoir plus
Berni Canani R, Carucci L, Coppola S, et al. Ultra-processed foods, allergy outcomes and underlying mechanisms in children: An EAACI task force report. Pediatr Allergy Immunol 2024;35(9):e14231.

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