Edmond, 43 ans, vomit depuis 3 jours, il est dyspnéique au moindre effort.

Ses antécédents chirurgicaux sont lourds. Opéré d’une hernie hiatale en 1999 puis d’une éventration 1 an plus tard, il a subi une gastrectomie totale en 2008 après un ulcère perforé.

à l’examen, le murmure vésiculaire est très diminué dans tout l’hémichamp pulmonaire droit. L’abdomen est souple, dépressible et indolore. L’arrêt des selles est avéré depuis 2 jours (persistance des gaz).

Le bilan révèle un syndrome inflammatoire avec hyperleucocytose à 12 900/mm3 (N < 10 000) et CRP à 133 mg/L (N < 5) ; une insuffisance rénale aiguë avec urée à 2,10 g/L (N < 0,6) et créatinine à 75 mg/L (N < 12,5). Il n’y a ni cytolyse hépatique ni cholestase.

La radiographie de thorax (fig. 1) met en évidence une forte « ascension diaphramatique » à droite. Le scanner sans injection (fig. 2) montre des anses grêles dans l’hémithorax droit avec signes d’occlusion sans perforation.

Adressé en chirurgie, Edmond a eu des suites opératoires simples et a pu sortir à J14.

discussion

Le viscérothorax est rarissime dans sa forme primaire consécutive à une hernie diaphragmatique congénitale (affection rare). Il est plus souvent secondaire à une rupture de ce muscle lors d’un geste chirurgical ou d’un traumatisme violent : 5 % des polytraumatisés en sont victimes.1 C’est une séquelle classique des traumatismes de l’abdomen (3 %), 2 fois plus fréquente lorsque ceux-ci sont pénétrants. Ils exigent une réparation immédiate même dans les formes asymptomatiques en raison du risque de complications, toujours sévères.
Celles-ci sont consécutives à l’incarcération thoracique d’une anse grêle ou colique, sous la poussée de la pression abdominale : dilatation aiguë, obstruction ou strangulation des viscères herniés. Au stade nécrotique, le segment digestif perforé s’ouvre dans la plèvre, le médiastin ou le péricarde, provoquant une infection à germes intestinaux de mauvais pronostic.
Les accidents de la voie publique avec brutale hyper-pression abdominale sont des « grenades dégoupillées » : 10 à 20 % des ruptures diaphragmatiques passent inaperçues lors du bilan initial car l’imagerie est alors normale. Les mouvements incessants de la respiration élargissent plus ou moins rapidement la brèche, expliquant que le diagnostic soit retardé parfois de plusieurs années. Il est fait presque toujours à l’occasion une complication, à un stade préoccupant.
Les signes respiratoires sont ceux d’une compression pulmonaire, plus ou moins dyspnéisante. Ils peuvent à l’extrême mimer un pneumothorax sous tension : détresse respiratoire aiguë, disparition du murmure vésiculaire, chute de la saturation en O2, cyanose et choc cardiogénique. Pour éviter un décès imminent, on est tenté de traiter immédiatement sans confirmation radiologique : l’insertion d’un drain pleural perfore l’anse et disperse les fécès sans réduire la compression asphyxique.2
La symptomatologie thoraco-abdominale n’étant pas spécifique, son apparition de novo justifie une radiographie de contrôle sur le seul argument d’un antécédent chirurgical ou d’impact à forte énergie.
Le traitement consiste à réduire la hernie en réintégrant les viscères dans l’abdomen et à obturer l’orifice de pénétration diaphragmatique. Cela peut être fait par cœlioscopie, vidéo- thoracoscopie ou chirurgie ouverte, abdominale ou thoracique. Les suites opératoires sont généralement simples et les récidives exceptionnelles.
Pour en savoir plus
1. Legras A, Mordant P, Pimpec-Barthes FL, Riquet M. Hernies diaphrag-matiques à manifestations respiratoires de l’adulte. EMC (Elsevier SAS Paris), Pneumologie, 2016 [Article 6-048-C-10].

2. McCann B, O’Gara A. Tension viscerothorax : an important differential for tension pneumothorax. Emerg Med J 2005;22:220-1.

– Le Pimpec-Barthes F, Legras A, Pricopi C, et al. Pathologies diaphragma-tiques de l’adulte. Rev Prat 2016;66:773-6.

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