objectifs
Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des anti-phospholipides.
Décrire les principes du traitement et de la prise en charge au long cours.
Le lupus érythémateux systémique (ou disséminé) est une maladie auto-immune touchant préférentiellement la femme jeune, et responsable d’une atteinte polyviscérale (ou multisystémique).
L’atteinte d’un ou plusieurs « systèmes » peut être simultanée ou apparaître au fur et à mesure. L’évolution se fait par poussées. Le lupus systémique est une maladie chronique prise en charge dans le cadre des 30 affections de longue durée, au titre de l’ALD21.

Épidémiologie

L’incidence du lupus est de 3 à 4 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants. Le lupus touche préférentiellement la femme jeune. En Afrique, aux Caraïbes et en Asie, l’incidence est 9 fois plus fréquente que dans les pays européens. Il existe 5 % de formes familiales. Certains facteurs aggravants sont connus : la prise d’œstrogènes, la grossesse, l’exposition au soleil, notamment aux ultraviolets (UV)B, et à un moindre degré les infections virales, le tabagisme.
Des traitements peuvent déclencher des lupus (lupus induits) : anticonvulsivants (phénytoïne)*, isoniazide, sulfasalazine, quinidine, minocycline, chlorpromazine*, D-pénicillamine*, bêtabloquants (acébutolol, practolol), antithyroïdiens de synthèse (PTU), alphaméthyldopa*, interféron a, anti-TNFa. Certains (*) sont peu ou plus utilisés actuellement.
La survie est de 95 % à 5 ans. La mortalité est liée aux infections favorisées par les traitements immunosuppresseurs, aux thromboses, et à l’athérosclérose accélérée.
La fréquence des manifestations cliniques et des anomalies biologiques est rapportée dans le tableau 1 à titre indicatif.

Manifestations articulaires

Elles sont inaugurales dans 50 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’arthralgies touchant préférentiellement les articulations métacarpo-phalangiennes, interphalangiennes proximales, les genoux, les chevilles ou de façon plus rare des arthrites pouvant ressembler à une polyarthrite rhumatoïde. À la différence de la polyarthrite rhumatoïde, les déformations sont exceptionnelles (main de Jaccoud) et il n’y a jamais d’érosions ou de destruction articulaire. Les anticorps antipeptides citrullinés (anti-CCP), marqueurs caractéristiques de la polyarthrite rhumatoïde, sont absents au cours du lupus.
Les ostéonécroses aseptiques (tête humérale ou fémorale) surviennent dans 10 % des cas et sont essentiellement la conséquence de la corticothérapie, mais doivent faire rechercher la présence d’anticorps antiphospholipides.

Manifestations cutanées

Les manifestations cutanées sont la deuxième atteinte la plus fréquente, après l’atteinte articulaire. Elles touchent jusqu’à 75-80 % des patients au cours du lupus érythémateux systémique et sont révélatrices dans 20 % des cas. Cependant, certains patients présentent une atteinte cutanée isolée appelée lupus érythémateux cutané. La photosensibilité, fréquente, est plus le fait des ultraviolets de type B (UVB) que des UVA. Les atteintes cutanées spécifiques sont classées en lupus aigu, subaigu et chronique.
Le lupus aigu se présente le plus souvent par une atteinte du visage, œdémato-papuleuse, en aile de papillon (ou vespertilio), parfois discrètement squameuse siégeant sur le visage dans les régions malaires (fig. 1). En cas d’atteinte diffuse, les lésions touchent souvent le dos des mains en respectant la zone inter- articulaire. Une association à un lupus systémique s’observe dans plus de 95 % des cas.
Le lupus cutané subaigu est caractérisé par des lésions papulo- squameuses ou annulaires, photosensibles, prédominant le plus souvent dans le dos, sur le tronc et les parties externes des bras. (fig. 2) L’atteinte du visage est possible, mais la zone centrale du visage est le plus souvent épargnée. Les anticorps anti-SSA sont présents dans 80 % des cas. L’association à un lupus systémique s’observe dans environ 50 % des cas et l’atteinte systémique est souvent de gravité modérée.
Le lupus discoïde est la principale forme de lupus chronique. Il se présente par une éruption érythémato-squameuse, infiltrée et à évolution cicatricielle et atrophique par rapport aux autres sous-types de lupus cutané. Il peut se voir dans des lupus essentiellement cutanés et prédomine sur le visage.
L’alopécie cicatricielle est habituellement la conséquence d’une localisation du lupus discoïde du cuir chevelu ; elle est circonscrite en plaques (fig. 3). Le lupus aigu est responsable d’une alopécie diffuse (effluvium télogène).
Les atteintes muqueuses sont des ulcérations buccales ou nasales.
D’autres manifestations cutanées non spécifiques sont décrites : le syndrome de Raynaud, l’urticaire ainsi que le livedo et des lésions de vascularite, en particulier la vascularite urticarienne, et de façon exceptionnelles les vascularites distales des mains.
La biopsie de lésions cutanées spécifiques met en évidence une dermite d’interface et un infiltrat inflammatoire lymphocytaire périvasculaire et péripilaire. L’étude en immunofluorescence révèle des dépôts d’immunoglobulines et de complément à la jonction dermo-épidermique en peau malade et en peau saine exposée (bande lupique).

Manifestations rénales

Les néphropathies lupiques sont associées à une augmentation de la morbi-mortalité, avec une évolution vers l’insuffisance rénale chronique terminale estimée à 20 % à 10  ans, ce qui en fait l’une des atteintes d’organe les plus graves dans le lupus érythémateux disséminé. L’atteinte histologique est très fréquente (70-80 % des lupus) lorsque des biopsies rénales sont réalisées de façon systématique (ce qui n’est pas justifié en l’absence de point d’appel). L’atteinte rénale survient dans les premières années d’évolution (plus de 50 % la première année). Il s’agit essentiellement de glomérulopathies révélées par une protéinurie (allant jusqu’au syndrome néphrotique), une hématurie et plus rarement une insuffisance rénale, une hypertension artérielle. Les signes orientant vers une forme grave d’atteinte rénale (glomérulonéphrite proliférative) sont la présence d’une hématurie, d’une insuf­fisance rénale ou d’une hypertension artérielle associée à une augmentation des anticorps anti-ADN et un abaissement du complément (C3). Cependant, il n’y a pas de corrélation absolue entre la clinique, la biologie et l’histologie, d’où l’intérêt de réaliser une biopsie rénale en cas d’insuffisance rénale ou d’anomalie du sédiment urinaire (protéinurie, hématurie).
Six stades d’atteinte rénale sont décrits (tableau 2), avec leurs présentations cliniques (tableau 3). La gravité vient des formes prolifératives de stades III et IV avec une évolution possible vers l’insuffisance rénale terminale. Le traitement est fondé sur l’asso­ciation de corticoïdes et d’immunosuppresseurs (le mycophénolate tend à remplacer le cyclophosphamide).

Atteintes des séreuses

La pleurésie est habituellement unilatérale. La ponction pleurale montre un exsudat lymphocytaire, les anticorps antinucléaires (AAN) sont augmentés dans le liquide pleural et le complément y est abaissé.
La péricardite est responsable de douleurs thoraciques et est objectivée par l’échographie cardiaque. Elle est exceptionnellement compliquée de tamponnade ou de constriction. Une myopéricardite doit être absolument recherchée, bien qu’exceptionnelle, car il s’agit d’une complication sévère. Il existe une élévation de la troponine ultrasensible. L’examen de référence est alors l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque qui permet d’évaluer la viabilité du myocarde.

Manifestations neuropsychiatriques

Ce sont les crises comitiales, des troubles psychiatriques (psychose) et des complications du syndrome des antiphospholipides (accident vasculaire cérébral, chorée, migraines, myélopathie). D’autres manifestations sont plus rares (méningite aseptique sous anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], trouble de l’humeur et du comportement). Les neuropathies périphériques sont exceptionnelles (tableau 4).

Autres signes cliniques

Ce sont la fièvre, mais sa présence doit faire rechercher en premier lieu une complication infectieuse, des adénopathies, une splénomégalie qui sont cependant rarement au premier plan et rarement volumineuses.

Anomalies biologiques

Syndrome inflammatoire

Des anomalies biologiques non spécifiques sont présentes : le syndrome inflammatoire est absent ou modéré. La CRP est habituellement normale ou peu élevée sauf dans les atteintes des séreuses. Une CRP très élevée (>100 mg/L) doit faire rechercher une infection (favorisée par le traitement corticoïde et immunosuppresseur).

Marqueurs immunologiques

La sensibilité des anticorps antinucléaires (AAN) est élevée au cours du lupus, mais leur spécificité faible alors que la sensibilité des anti-ADN est moins élevée, mais leur spécificité meilleure. L’absence d’AAN élimine quasiment le diagnostic de lupus systémique. La présence d’anticorps anti-Sm est pathognomonique du lupus (spécificité 100 %), mais leur sensibilité est faible. Les anticorps anti­nucléosomes sont présents chez 80-90 % des lupiques et notamment dans les formes sans anti-ADN, ils sont très spécifiques.
La présence d’anticorps antiglobules rouges détectée par le test de Coombs (test à l’antiglobuline direct) (habituellement de de type immunoglobuline de type G [IgG] et complément) est responsable d’une anémie hémolytique auto-immune (anémie régénérative avec baisse de l’haptoglobine, augmentation des lactates déshydrogénases [LDH] et de la bilirubine libre). La présence d’anticorps antineutrophiles ou lymphocytes (non recherchés en pratique) explique la leucopénie, la neutropénie, et la lymphopénie (très fréquente). La présence d’anticorps antiplaquettes peut être à l’origine d’une thrombopénie périphérique semblable au purpura thrombopénique immunologique.
Le complément augmente dans tout syndrome inflammatoire. Sa diminution est observée au cours du lupus en cas d’atteinte rénale, notamment la fraction C3, ou du fait de la présence d’une cryoglobulinémie : baisse du C4. Le C3 est inversement corrélé au degré d’insuffisance rénale et à la protéinurie. La baisse du C3 et l’augmentation des anticorps anti-ADN sont prédictifs d’une atteinte rénale. Les déficits congénitaux en certaines fractions complément sont associés au lupus : le déficit en C4 s’observe dans 50 % des lupus, le déficit en C2 est plus rare et essentiellement le fait de lupus familiaux

Diagnostic et diagnostics différentiels

Le diagnostic est établi sur l’association de manifestations cliniques et biologiques : 4 critères de classification de l’American College of Rheumatology (ACR) sont requis (tableau 6). Ces critères ont été modifiés en 2012 (tableau 7). Le diagnostic peut être posé en cas de glomérulonéphrite lupique associé à la présence d’anti­corps antinucléaires (AAN) ou d’anti-ADN. À un instant donné, toutes les manifestations ne sont pas présentes mais elles peuvent apparaître au cours de l’évolution. Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic devant un certain nombre de situations : polyarthrite, glomérulopathie, cytopénie auto-immune, sérite… Se pose alors le problème des diagnostics différentiels de ces atteintes (tableau 8). Certaines anomalies sont très spécifiques du lupus érythémateux systémiques : anti-ADN et anti-Sm, baisse du C3, dépôts d’immuno­globulines et de complément sur la biopsie cutanée et rénale.

Lupus, contraception et grossesse

Les œstrogènes et la grossesse entraînent des poussées lupiques. Le lupus peut être révélé au cours d’une grossesse ou dans le post-partum.
Habituellement, la fertilité des patientes lupiques est similaire à celle de la population générale, en dehors des traitements par cyclophosphamide ou en cas d’insuffisance rénale sévère. L’augmentation des pertes fœtales est essentiellement la conséquence d’un syndrome des antiphospholipides associés.
Une grossesse au cours du lupus est possible, mais elle doit être programmée. Un délai de 1  an après une poussée viscérale sévère notamment rénale, et uniquement si la poussée est contrôlée, est indispensable. La grossesse est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère, d’hypertension artérielle non contrôlée et d’hypertension artérielle pulmonaire. Les traitements du lupus (prednisone et hydroxychloroquine) ne doivent pas être arrêtés, mais les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et le mycophénolate mofeétil sont contre-indiqués pendant la grossesse. Le seul immunosuppresseur autorisé en cas de grossesse lupique est l’azathioprine.
La contraception est indispensable surtout lorsque la maladie n’est pas contrôlée et sous immunosuppresseurs (cyclophosphamide et mycophénolate mofétil).
La contraception œstroprogestative est contre-indiquée ; seuls sont autorisés les macroprogestatifs. (acétate de chlormadinone [Luteran]) et en second lieu les microprogestatifs. Le stérilet au cuivre est plutôt déconseillé du fait du risque infectieux sous corticothérapie et traitement immunosuppresseur et du risque hémorragique sous anticoagulant (en cas de syndrome des anti­phospholipides [SAPL] associé). Le stérilet à la progestérone et les implants progestatifs sont autorisés. Le traitement hormonal substitutif de la ménopause est contre-indiqué (risque de poussée lupique et risque thrombotique).
Les enfants nés de mère lupique ont plus de risque d’être hypotrophes ou de développer dans certains cas un lupus néonatal. Le lupus néonatal, lié au passage transplacentaire des auto-anticorps, associe des lésions cutanées (éruption, photo­sensibilité), des atteintes hématologiques survenant habituellement entre la 2e et la 5e semaine de vie et régressant dans les 6 mois. La présence d’anticorps anti-SSA chez la mère expose à la survenue d’une myocardite fœtale avec bloc auriculoventriculaire (BAV) pouvant aboutir soit à une mort fœtale, soit à un BAV irréversible. Le risque est faible : (1 % des femmes ayant des anti-SSA) mais il augmente à 15-20 % en cas d’antécédent de BAV néonatal lors d’une précédente grossesse .
Une surveillance de l’échographie cardiaque fœtale est nécessaire entre la 16e et la 26e semaine d’aménorrhée, afin de détecter l’atteinte cardiaque à un stade précoce et d’envisager un traitement par corticoïdes fluorés (bétaméthasone), qui passent la barrière placentaire mais dont l’efficacité est discutée.
Le seul immunosuppresseur autorisé en cas de grossesse lupique est l’azathioprine.

Traitement

Le traitement du lupus est fondé sur l’hydroxychloroquine qui doit être prise au long cours et sur la corticothérapie générale qui est utilisée à la dose minimale efficace.
L’arrêt brutal du traitement, par défaut d’adhésion thérapeutique, peut être responsable de poussées sévères de la maladie.
La surveillance est décrite dans le tableau 9.
Les corticoïdes ont une action rapide. Ils sont utilisés à des poso­logies variables suivant le type d’atteinte : prednisone 0,5 mg/kg/j dans les atteintes des séreuses (plèvre, péricarde), 1 mg/kg/j dans les manifestations hématologiques, et en association avec les immunosuppresseurs dans l’atteinte rénale et du système nerveux central. La méthylprednisolone en intraveineux à de fortes posologies (500-1 000 mg/j pendant 1 à 3 jours,) permet d’avoir une action rapide dans les formes graves. Au long cours, la posologie de prednisone ne doit pas dépasser 7,5 mg/j. Les dermocorticoïdes sont utilisés dans certaines lésions cutanées.
Les antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine à la poso­logie de 6,5 mg/kg/j, soit en moyenne 400 mg/j) sont le traitement de fond du lupus ; ils évitent les poussées et ne doivent pas être arrêtés. La toxicité est essentiellement rétinienne (maculopathie) et nécessite la réalisation régulière d’examens ophtalmologiques incluant un fond d’œil, une tomodensito­métrie par cohérence optique domaine spectral (SD-OCT), un électrorétinogramme multifocal, un champ visuel central 10-2 (Humphrey). Le test de la vision des couleurs et la grille d’Amsler ne sont pas recommandés car ils ne sont pas assez sensibles. Un bilan initial doit être réalisé la première année, servant de référence, puis sera réalisé annuellement unique­ment en présence de facteurs de risque de toxicité (insuffisance rénale, posologie élevée, sujets âgés, rétinopathie pré-existante). Après 5 ans, la surveillance annuelle est systématique. L’adhésion thérapeutique étant un problème majeur au cours du lupus, un dosage régulier de l’hydroxychloroquinémie est souhaitable.
Les immunosuppresseurs sont indiqués essentiellement dans les atteintes rénales prolifératives (glomérulonéphrite de stades  III et IV) et les atteintes neurologiques sévères.
Le cyclophosphamide est utilisé par voie intraveineuse en perfusion mensuelle pendant au maximum 6 mois. Un relais par azathioprine à 2 mg/kg/j peut être proposé.
Le mycophénolate mofétil est indiqué dans les formes rénales de lupus. Il est aussi efficace que le cyclophosphamide et tend à le remplacer du fait de la moindre toxicité gonadique (à considérer chez une femme jeune en âge de procréer) et infectieuse.
Le méthotrexate peut être utile dans les formes articulaires.
Le bélimumab (anticorps monoclonal anti-BlLyS, B-lymphocyte stimulator) a obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les formes non sévères, mais résistant à l’association hydro­xychloroquine et prednisone.

Syndrome des antiphospholipides (SAPL)

Le SAPL est défini par l’association d’une manifestation clinique (thrombose artérielle, thrombose veineuse, pathologie obstétricale) et d’un marqueur biologique : anticoagulant circulant lupique (ACC) et/ou anticorps anticardiolipines (ACL) et/ou anticorps anti-b2GP1 (tableau 10).
Il peut être isolé (syndrome des antiphospholipides primaire), ou associé à une autre pathologie, le plus souvent auto-immune et notamment un lupus (syndrome des antiphospholipides secondaire ou associé).

Épidémiologie

De 1 à 5 % des sujets contrôles ont des ACL, 15-30 % des lupiques ont un ACC, 50-80 % un ACL. 30 % des lupiques ont un syndrome des antiphospholipides. Le risque de thrombose est de 50 % à 20 ans au cours du lupus s’il existe un ACC. Le risque de pertes fœtales est multiplié par 26 en cas de SAPL. Un SAPL est trouvé dans 15 % des échecs récurrents de grossesse.

Manifestations cliniques


Thromboses

Les thromboses veineuses sont les plus fréquentes. Elles sont localisées aux membres inférieurs et peuvent être associées ou non à des embolies pulmonaires. Certaines localisations inhabituelles sont décrites : les thromboses des membres supérieurs, les thromboses du système hépatobiliaire et les thromboses veineuses rénales.
Les thromboses artérielles sont responsables d’atteinte neuro­logique : accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire. Elles peuvent toucher tous les territoires.
La recherche d’APL fait partie des examens à demander devant une thrombose sans facteur favorisant retrouvé, ce d’autant qu’il s’agit d’un sujet jeune.

Manifestations obstétricales

Elles sont la conséquence d’une ischémie placentaire et sont dominées par les fausses couches spontanées : au moins trois fausses couches précoces consécutives (< 10 semaines d’aménor­rhée [SA], et les morts fœtales : une mort fœtale tardive (> 10 SA), une mort néonatale inexpliquée (tableau 10).

Autres anomalies

Elles sont :
  • cardiaques : épaississements valvulaires mitral ou aortique avec sténose ou insuffisance ;
  • livedo ramifié (racemosa), purpura nécrotique, ulcères de jambes ;
  • neurologiques : chorée, surdité, myélite transverse, pseudo- sclérose en plaques ;
  • néphropathies : microangiopathie thrombotique ;
  • thrombopénie périphérique ;
  • anémie hémolytique auto-immune.
Le SAPL semble être constitué de plusieurs entités distinctes en fonction du type de manifestations cliniques :
  • SAPL avec thromboses veineuses ;
  • SAPL avec thromboses artérielles et atteintes microvasculaires (livedo, comitialité, néphropathie, valvulopathies) ;
  • SAPL obstétricaux.
Un sujet ayant fait une thrombose veineuse est plus à risque de récidive de thrombose veineuse ; de même pour les thromboses artérielles et les manifestations obstétricales, bien qu’une même malade puisse faire des thromboses veineuses et des complications obstétricales.
Le syndrome catastrophique des antiphospholipides est une défaillance multiviscérale, avec souvent hypertension artérielle maligne, secondaire à des thromboses multiples touchant dans un délai de moins d’une semaine plus de trois organes (reins, poumons, système nerveux central, peau) associée à une thrombopénie, une coagulation intravasculaire disséminée. Les facteurs déclenchants sont les infections, l’arrêt des traitements anticoagulants ou antiagrégants. La mortalité à court terme est de 50 %.

Détection des anticorps antiphospholipides

Les anticorps antiphospholipides (APL) regroupent l’anticoagulant circulant (ACC) de type lupique (antiprothrombinase) qui est détecté par des tests de coagulation recherchant une activité fonctionnelle (laboratoire d’hémostase), les anticorps anticardiolipines (ACL) [IgG et IgM] et les anticorps anti-b2GP1 (IgG et IgM) mis en évidence par des tests immunologiques ELISA (laboratoire d’immunologie).  
La présence d’un anticoagulant circulant de type lupique est suspecté sur un temps de céphaline activée (TCA) allongé. Cependant, un TCA normal n’élimine pas sa présence. Après avoir éliminé un déficit en facteur de la coagulation, l’anticorps inhibiteur est mis en évidence par l’absence de correction de l’allongement du TCA après mélange entre le plasma du malade et celui du témoin. Le test de confirmation est un test de neutralisation, qui corrige le temps de coagulation par l’adjonction de phospholipides.
Contrairement à sa dénomination, l’anticoagulant circulant de type lupique, même s’il allonge le TCA, n’a pas d’effet anticoagulant mais une action prothrombotique.
Les tests immunologiques détectent les anticardiolipines IgG et IgM, et les anticorps anti-b2GP1 IgG et IgM.
Au cours du SAPL, l’anticoagulant circulant de type lupique peut être présent isolément, ou associé aux ACL, de même pour les ACL.
Le risque thrombotique et obstétrical est plus important en présence d’un ACC que d’un ACL ou qu’un anti-b2GP1. Il est majeur en cas de triple positivité (ACC+ ACL+ anti-b2GP1).
Les réactions sérologiques syphilitiques peuvent être faussement positives de façon dissociée : VDRL positif mais TPHA négatif, la cardiolipine étant utilisée dans le VDRL. Un tel résultat de sérologie syphilitique dissociée impose la recherche d’un ACC et d’ACL.

Intérêt de la recherche des anticorps antiphospholipides et diagnostics différentiels

La recherche d’APL fait partie des examens à demander devant une thrombose artérielle ou veineuse sans facteur favorisant surtout si la localisation est inhabituelle et qu’il s’agit d’un sujet jeune, au même titre pour les thromboses veineuses que l’antithrombine III, les protéines C et S, la mutations Leiden du facteur V et la mutation de la prothrombine. Cette recherche est également utile devant des manifestations obstétricales (tableau 10), notamment des pertes fœtales lorsqu’il n’existe pas de causes anatomiques, hormonales ou chromosomiques évidentes. La présence d’anticorps antiphospholipides se rencontre dans de nombreuses circonstances (tableau 9). Leur persistance à 12 semaines est nécessaire pour poser le diagnostic de SAPL.
Le traitement du syndrome des antiphospholipides est basé sur le traitement anticoagulant et notamment les antivitamine-K. Le traitement des thromboses veineuses ou artérielles est le même que celui de toute thrombose, avec cependant des durées très prolongées (à vie) avec des objectifs d’INR entre 2 et 3 (2,5 dans les thromboses veineuses, 3 dans les thromboses artérielles). Il n’y a pas de consensus sur la prophylaxie primaire par aspirine à faibles doses en présence d’APL asymptomatiques. La prévention des complications obstétricales fait appel à l’association aspirine à faibles doses et héparine de bas poids moléculaire à dose préventive à initier dès le début de la grossesse. L’efficacité est de l’ordre de 80 %.
Points forts
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des anti-phospholipides

Le lupus érythémateux systémique  :

– est une maladie de la femme jeune, œstrogéno-dépendante (aggravation par les œstrogènes, la grossesse) et photosensible ;

– peut donner une atteinte de tous les systèmes (maladie systémique) : rein, peau, articulations, lignées sanguines.

L’atteinte rénale et neurologique domine le pronostic.

Les anticorps antinucléaires (AAN) sont toujours présents (98 %) mais peu spécifiques, les anti-ADN sont plus rares mais plus spécifiques.

Les corticoïdes (et les immunosuppresseurs) sont efficaces mais favorisent les infections.

L’hydroxychloroquine est le traitement de fond.

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) peut être isolé ou associé à un lupus.

La recherche d’anticorps antiphospholipides (APL) fait partie de l’enquête étiologique des thromboses veineuses ou artérielles sans facteurs de risque évidents et des accidents obstétricaux.

Message auteur

Idées de cas cliniques

Cytopénie auto-immune (purpura thrombopénique immunologique ou anémie hémolytique) révélant un lupus érythémateux systémique avec discussion diagnostiquede la conduite à tenir devant un purpura, une thrombopénie : quand et comment évoquer un lupus dans ce contexte ?

Diagnostic et prise en charge d’une polyarthrite, diagnostic différentiel avec la polyarthrite rhumatoïde.

Diagnostic d’un lupus puis des complications infectieuses des traitements corticoïdes et immunosuppresseurs.

Prise en charge d’une thrombose veineuse, bilan biologique traitement anticoagulant, quand rechercher un SAPL.

Complications de la grossesse, fausse couches et perte fœtales : évoquer un SAPL.

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