Les symptômes du lupus érythémateux systémique sont non seulement dermatologiques mais aussi généraux, assortis d’une grande fatigue et de douleurs. Cette pathologie auto-immune hétérogène peut atteindre plusieurs organes (peau, articulations, reins, séreuses) et est associée à la présence d’anticorps dirigés contre les antigènes nucléaires. Son pronostic s’est grandement amélioré dans les dernières décennies.

Témoignage de Ludivine, 44 ans

J’avais 23 ans quand le diagnostic de lupus érythémateux systémique a été posé. L’annonce de cette nouvelle m’a fait vaciller, j’étais partagée entre appréhension et soulagement. Je me retrouvais à l’épicentre d’une tornade, mais les symptômes étranges dont je souffrais avaient bien un dénominateur commun. Alors étudiante, je les mettais sur le compte de la fatigue et du stress inhérents à mes études. Mon généraliste a insisté pour que je fasse un bilan sanguin et que je consulte un professeur en immunologie qui a d’abord diagnostiqué un syndrome de Gougerot-Sjögren et un syndrome de Raynaud. Quelques mois plus tard, des problèmes dermatologiques se sont ajoutés et des biopsies cutanées ont confirmé le diagnostic du lupus. Je suis alors passée de l’errance à l’ornière car je faisais la connaissance de ce spécimen rare avec lequel j’allais passer le reste de ma vie et de son joyeux cortège de désagréments : squames sur les pommettes en forme de masque vénitien, rougeurs sur le corsage, douleurs articulaires, fatigue extrême, migraines, douleurs thoraciques aiguës et souffle court, nausées et troubles digestifs, phlébite et suspicion d’embolie pulmonaire, perte de poids, bouche pâteuse et sécheresse oculaire. Ma vie a néanmoins repris son cours, bien qu’entrecoupée de poussées dont les atteintes cutanées couvraient la quasi-totalité de ma peau et nécessitaient des hospitalisations répétées. Le syndrome sec envahissant a conduit à une fragilité des dents qui se sont cassées et déchaussées imposant une greffe de gencives. En dehors de ces périodes délicates, j’étais relativement bien stabilisée. Je m’organisais en fonction de la fatigue, je compensais mes faiblesses articulaires et musculaires et je m’adaptais en permanence : me badigeonner de crème, enfiler des vêtements amples et sans coutures, utiliser des plats en inox très légers, choisir des chaussures sans lacets… Bref, je suis entrée dans le monde magique des astuces grâce à l’ergothérapie.

Jusqu’en 2010, j’étais la seule personne de ma famille touchée par des pathologies auto-immunes, même si a posteriori nous pensons fortement que ma grand-mère maternelle souffrait d’un lupus avec une atteinte rénale. Mais les femmes du côté maternel avaient des symptômes qui s’apparentaient au lupus. Avant même que nous ne fassions des investigations génétiques, ma mère a subi une poussée de lupus d’une extrême violence : néphropathie, péricardite et pleurésie. Elle a ensuite développé un lymphome un an avant son décès, une conséquence possible du lupus et surtout du syndrome sec. Ensuite, c’est l’état de santé de ma cousine maternelle qui s’est dégradé. Elle a développé un lupus avec une atteinte rénale sévère puis des complications oculaires qui ont été stabilisés par une corticothérapie. Récemment, elle a fait un accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique qui a entrainé un mois de coma et des séquelles irréversibles. Nous avons alors appris que le risque d’AVC était accru avec le lupus. Des investigations ont montré un contexte génétique familial rare du côté maternel. C’est ainsi que nous avons découvert un syndrome sec et une cirrhose biliaire primitive chez une de mes tantes. 

De mon côté, je menais une vie presque normale... J’ai rencontré celui qui est devenu mon époux. Cet homme à l’humour bravache m’a toujours accompagnée, soutenue et encouragée avec une tendresse enveloppante sans avoir peur de la femme full handicap que j’étais devenue. Mon conjoint a eu le courage de rester malgré les courtes nuits ponctuées par mes douleurs. Sa force suscite mon admiration car notre couple s’est encore renforcé dans l’adversité, en particulier au moment d’avoir un enfant. Notre fils est né en 2015 grâce à la prise en charge mise en place aux CHU de Strasbourg et de la Pitié-Salpétrière à Paris. Nous avons été avertis qu’il s’agissait d’une grossesse à très haut risque qui nécessitait un suivi très rapproché et une adaptation du traitement car il y avait un risque élevé d’atteinte fœtale, de pré-éclampsie et de fausse couche tardive (rien que ça !) d’autant que j’avais des anticorps anti-phospholipides. Notre fils est né par césarienne un mois avant le terme et il est actuellement suivi car les médecins suspectent un syndrome sec. Après sa naissance, nous avons découvert que je souffrais d’une adénomyose qui s’est soldée par une hystérectomie. 

Mon état de santé s’est dégradé il y a deux ans à la suite d’un reclassement professionnel qui paraissait intéressant sur le papier. Pourtant, je me suis retrouvée en perte de sens. En plus du tableau clinique habituel, de nouveaux symptômes sont apparus, ajoutant la fibromyalgie et la dépression à mon palmarès : contractures musculaires, maux d’estomac, amaigrissement, insomnies, vertiges, migraines, difficultés de concentration et problèmes de mémorisation, douleurs neuropathiques, vue brouillée et altérée avec une hypersensibilité à la lumière. Fragilisée par les poussées de la maladie, je me suis laissé aspirer par les angoisses et un épuisement généralisé qui constituait un véritable handicap social.

Je suis toujours accompagnée par mon médecin généraliste qui est très présent et qui a fait preuve de beaucoup d’humilité en passant le relais à des spécialistes extraordinaires qui me soulagent au mieux. L’Association Française du Lupus (AFL+) m’encourage à rebondir, à voir toutes les portes qui peuvent s’ouvrir et à entamer la formation de patient-expert. J’invite vivement les médecins à conseiller aux patients de se tourner vers le milieu associatif qui apporte une aide salvatrice aux patients. 

Commentaire du Pr Zahir Amoura, Centre National de Référence du Lupus Systémique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France

Le témoignage de Ludivine décrit parfaitement les difficultés du diagnostic et du parcours médical du lupus systémique (LS). Cette maladie auto-immune hétérogène peut atteindre plusieurs organes (peau, articulations, reins, séreuses) et est associée à la présence d’anticorps dirigés contre les antigènes nucléaires. Contrairement à l’enfant, le LS de l’adulte est rarement une maladie héréditaire mais on retrouve souvent des antécédents de maladies auto-immunes dans la famille. Cette maladie est rare en France et ses symptômes initiaux sont fréquemment méconnus. Les manifestations cutanées sont souvent inaugurales et doivent permettre d’évoquer le diagnostic, surtout si elles sont associées à des manifestations articulaires (polyarthrite touchant avec prédilection les petites articulations des mains). Une fatigue anormale est souvent présente quand la maladie est active mais aussi quand elle contrôlée, obligeant parfois les patients à changer leur projet de vie. Une activité physique régulière permet de diminuer cette fatigue. Le pronostic du LS s’est considérablement amélioré au cours des dernières décennies et les grossesses, qui doivent être planifiées et encadrées, sont possibles. Un Protocole national de diagnostic et de soins explicite aux professionnels concernés la prise en charge diagnostique et thérapeutique optimale et le parcours de soins d’un patient atteint de LS. Il a été élaboré sous l’égide du Centre de référence du lupus, syndrome des anticorps anti-phospholipides et autres maladies auto-immunes rares et du Centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques rares de l’enfant RAISE et de la Filière des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares FAI²R à l’aide d’une méthodologie proposée par la Haute Autorité de Santé.

https ://lupusplus.com/ à ajouter dans contenu éditorial relatif aux auteurs après avoir passé les étapes

 [JS1]Demander confirmation à l’auteur au BAT pour les liens d'intérêt

Encadre

Une appli pour motiver les patients

L’Association française du lupus et autres maladies auto-immunes (AFL+), créée en 1984, s’est donnée pour missions d’éduquer, informer et soutenir aussi bien les malades que leur entourage et le grand public. Elle s’emploie également à promouvoir des projets de recherche participative pour améliorer la prise en charge et la prévention, en collaboration avec des patients partenaires et les Centres nationaux de référence Maladies rares de la Pitié Salpêtrière et de Strasbourg.

L’étude Epicure, menée en 2021 sur les difficultés rencontrées par les patients pendant la pandémie de Covid- 19, a conduit à la création d’une application nommée AITIO en 2023. Celle-ci permet aux patients lupiques d’échanger sur leur maladie et intègre des outils motivationnels. Elle permet également de participer à d’autres études.

Marianne Rivière, présidente de l’AFL+

www.lupusplus.com

Encadre

Pour en savoir plus

  • Association française du lupus et autres maladies auto-immunes : https ://lupusplus.com/
  • Association Lupus France : https ://lupusfrance.com/
  • Guide maladie chronique de la Haute Autorité de santé. Lupus systémique de l’adulte et de l’enfant. https ://urls.fr/EORS_a
  • Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Lupus systémique de l’adulte et de l’enfant. Janvier 2024 : https ://urls.fr/zo_RDj
  • Centre de référence Maladies rares. Lupus systémique et syndrome des antiphospholipides : https ://pitiesalpetriere.aphp.fr/lupus/

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés