Les macrolides sont prescrits à environ 5 % des femmes enceintes en France, selon des données de 2019. Toutefois, leur profil de sécurité pour le fœtus reste mal connu, notamment vis-à-vis du risque de malformations congénitales majeures (MCM). En effet, les études disponibles – observationnelles ou cas-témoin – ont des résultats contradictoires et plusieurs d’entre elles concernent des cohortes relativement petites.
Épiphare a donc conduit une étude de cohorte nationale grâce au registre mère-enfant français ÉPI-MÈRES, intégré dans le Système national des données de santé (SNDS), qui a permis d’identifier plus de 7 millions de grossesses ayant abouti à une naissance vivante en France entre janvier 2010 et décembre 2020. Les résultats sont parus dans PLOS Medicine .
Après exclusion des grossesses exposées à des infections tératogènes (toxoplasmose, CMV), à des médicaments tératogènes, ou celles dont les fœtus avaient une anomalie chromosomique, les chercheurs ont inclus 140 708 femmes ayant eu au moins une prescription de macrolides systémiques durant le premier trimestre de grossesse et un groupe comparateur de 592 652 grossesses exposées à l’amoxicilline au premier trimestre aussi – un antibiotique dont le profil de sécurité pour le fœtus est bien établi. Les molécules les plus fréquemment prescrites dans le premier groupe étaient l’azithromycine (30 %) et la spiramycine (25 %), suivies de la clarithromycine (15 %), la josamycine (14 %), la roxithromycine (13 %) et l’érythromycine (5 %).
La prévalence de 42 MCM d’origine non chromosomique a été comparée entre les deux groupes, globalement pour toutes les MCM et pour chacune individuellement (seules celles ayant une prévalence d’au moins un cas pour 10 000 naissances vivantes ont été prises en compte). Les auteurs ont identifié 2 432 nourrissons avec au moins une MCM dans le groupe des mères exposées aux macrolides et 10 176 dans le groupe de celles exposées à l’amoxicilline, soit des prévalences respectives de 172,8 pour 10 000 personnes et 171,7 pour 10 000 personnes. Les plus fréquentes étaient les malformations cardiaques, en particulier les défauts du septum atrial et du septum atrioventriculaire, qui concernaient environ un tiers des nourrissons affectés dans chaque groupe.
L’analyse statistique a trouvé que, après ajustement sur les facteurs de confusion, l’exposition aux macrolides pendant le premier trimestre n’était pas associée à une augmentation du risque global de MCM (RR = 1,00 ; IC 95 % : 0,96 à 1,05) par rapport à l’amoxicilline. Pour la plupart des MCM considérées individuellement, aucun risque accru n’a été observé, sauf pour le spina bifida (RR = 1,82 ; IC 95 % : 1,22 à 2,71) et la syndactylie (RR = 1,65 ; IC 95 % : 1,06 à 2,58). Les différences de risque absolues restaient toutefois faibles : 1,15 pour 10 000 naissances pour le spina bifida (IC 95 % : 0,26 à 2,05) et 0,87 pour 10 000 naissances pour la syndactylie (IC 95 % : 0,01 à 1,72).
Globalement rassurants, les résultats de cette étude n’ont en effet pas confirmé les associations suggérées par certains travaux précédents, notamment le risque accru de malformations cardiovasculaires, génitales, digestives ou orofaciales liées à l’exposition aux macrolides. En revanche, le sur-risque de spina bifida et de syndactylie décelés dans cette étude nécessite des recherches supplémentaires (par exemple, un biais résiduel de confusion par l’indication qui a motivé la prise de l’antibiotique reste possible).
Les auteurs incitent donc à ne prescrire les macrolides pendant le premier trimestre de grossesse que lorsque cela est absolument nécessaire et à privilégier, si possible, d’autres antibiotiques ayant un profil de sécurité mieux établi.