Les voyages en haute altitude (> 2 500 m) ne sont plus l’apanage des alpinistes et aventuriers. Le développement du tourisme de masse a rendu très populaires plusieurs sites touristiques situés en haute montagne. Des sites comme Machu Picchu au Pérou, La Paz en Bolivie, Lhassa au Tibet, ou encore l’Aiguille du Midi dans le massif du Mont-Blanc ont plusieurs centaines de milliers, voire plus d’un million de visiteurs annuels. Ainsi, un nombre croissant de personnes sont confrontées – sans y être préparées – aux risques liés à ces environnements, caractérisés par une hypoxie ambiante liée à la diminution de la pression barométrique.
Trois entités
On distingue trois entités : le mal aigu de montagne (qui toucherait environ 3 % des personnes voyageant à des altitudes > 2 000 m, et jusqu’à 25 - 40 % de celles voyageant à plus de 4 000 m), l’œdème cérébral d’altitude (sa complication) et l’œdème pulmonaire d’altitude, entité distincte pouvant survenir même en l’absence des symptômes du mal de montagne.
Ces affections surviennent chez des sujets qui ne sont pas habitués à de telles altitudes (résidant à < 900 m), notamment lorsque le changement d’altitude est brutal (par exemple : arrivée à la destination en avion, contre une montée progressive en véhicule).
D’autres facteurs de risque – outre la rapidité de l’ascension et l’altitude absolue – sont la durée du séjour, l’intensité de l’effort physique, des antécédents de mal d’altitude, une anémie, la consommation d’alcool. Une composante génétique de capacité d’adaptation à l’hypoxie entre aussi en jeu. Les cas sont plus fréquemment rapportés chez des moins de 50 ans, mais un biais de sélection est possible. Enfin, si des comorbidités cardiovasculaires ou pulmonaires, ou encore un IMC élevé, augmentent le risque, une bonne condition physique n’est pas, à l’inverse, un facteur protecteur.
Pour l’œdème pulmonaire d’altitude, les facteurs de risque supplémentaires incluent : sexe masculin, trisomie 21, infection des voies respiratoires, anomalies de la circulation pulmonaire préexistantes.
Tableaux cliniques
Non spécifiques, les symptômes du mal aigu de montage comprennent : céphalées, asthénie, étourdissements ou vertiges, inappétence, nausées, vomissements, troubles du sommeil. Leur fréquence et sévérité augmentent avec l’altitude.
Si l’altitude > 2 500 m est le seuil classique pour définir un mal de montagne, ces symptômes peuvent aussi survenir à une altitude moins importante, en fonction du profil du patient. Ainsi, même en-deçà de 2 500 m, il faut évoquer le diagnostic après avoir écarté d’autres causes possibles (intoxication au monoxyde de carbone, hypoglycémie, hyponatrémie, pneumonie, déshydratation sévère, infection virale…).
Spontanément résolutif en 24 à 48 heures le plus souvent, le mal de montagne aigu peut cependant évoluer vers un œdème cérébral d’altitude, caractérisé par des signes neurologiques (altération de l’état de conscience, ataxie…). Il peut aboutir à un coma voire au décès.
L’œdème pulmonaire d’altitude, qui survient aussi généralement après 48 h, se caractérise par : dyspnée, toux non productive, expectorations roses et mousseuses, cyanose.
Prévention
L’ascension progressive favorise l’acclimatation ; c’est la prévention la plus efficace. Elle consiste à passer quelques jours à des altitudes modérées avant de dépasser les 2 500 m et, lors d’une ascension, ne pas dépasser les 500 m de dénivelé par jour maximum entre les sites où l’on dort (l’altitude à laquelle la personne dort est plus importante que celle atteinte pendant la journée), avec un jour de repos sans ascension tous les 3 à 4 jours.
Des mesures diététiques sont aussi utiles : hydratation adéquate (besoins hydriques souvent accrus), alimentation riche en glucides, éviction de l’alcool.
Une prophylaxie pharmacologique est possible pour les patients les plus à risque (altitude > 2 800 m, antécédents, ascension rapide…). Les recommandations américaines mises à jour en 2024 préconisent :
- l’acétazolamide : à la dose de 125 mg toutes les 12 heures chez les adultes ; de 1,25 mg/kg toutes les 12 heures chez les enfants, sans dépasser 125 mg/dose. Cette molécule est contre-indiquée en cas d’allergie aux sulfonamides ou antécédent de syndrome de Stevens-Johnson ;
- en alternative, la dexaméthasone : seulement chez l’adulte, à la dose de 2 mg toutes les 6 heures ou 4 mg toutes les 12 heures.
Le médicament doit être commencé la veille de la montée, idéalement. Il peut être arrêté dès le 2e jour passé à l’altitude la plus haute prévue.
Ne sont pas recommandés : budésonide, paracétamol, tentes hypoxiques, ginkgo biloba. D’autres mesures phytothérapeutiques couramment utilisées dans certaines régions (feuilles ou thé de coca dans les Andes, ail en Inde, gingembre en Asie du Sud…) n’ont pas été évaluées dans des études.
La prévention de l’œdème pulmonaire d’altitude inclut, quant à elle, l’ascension progressive et, pour les patients adultes les plus à risque, la prescription de certains vasodilatateurs : nifédipine LP (30 mg per os toutes les 12 h ou 20 mg toutes les 8 h), en première intention ; ou, en 2e intention, tadalafil 10 mg per os toutes les 12 h, ou dexaméthasone 8 mg toutes les 12 h.
Prise en charge
Lorsque les symptômes sont légers à modérés, le mal de montagne aigu peut être traité en interrompant l’ascension. Des antalgiques de palier I et/ou des antiémétiques peuvent être prescrits.
En présence de symptômes plus sévères, la descente est impérative. Les médicaments indiqués en prévention (dose doublée), ainsi qu’une supplémentation en oxygène, peuvent être prescrits en complément à la descente et pour la faciliter.
Les œdèmes cérébral ou pulmonaire sont des urgences vitales relevant d’une prise en charge hospitalière.
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