Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, la HAS a mis à jour ses recommandations sur la prise en charge de la borréliose de Lyme, infection due à une bactérie transmise par piqûre de tique (genre Ixodes). L’enjeu est d’éviter l’errance médicale de tout patient atteint de cette pathologie ou susceptible de l’être. Le guide de parcours de soins publié en 2022 est toujours d’actualité ; le rôle du MG est résumé dans la figure 1.
Données épidémiologique et CAT en cas de piqûre
La borréliose de Lyme est la maladie vectorielle la plus répandue dans l’hémisphère nord.
Les tiques Ixodes ricinus sont présentes dans toute la France métropolitaine. Le risque de transmission à partir d’une tique infectée est faible (1 à 4 %) et des mesures de prévention existent, primaires (vêtements couvrants, répulsifs cutanés) et secondaires (extraction de la tique avec un tire-tiques).
Le taux d’incidence annuel de la borréliose de Lyme, estimé à 51 cas pour 100 000 habitants (28 158 à 39 876 cas estimés), est relativement stable depuis 2016, avec des variations régionales : l’Est et le Centre (Alsace, Lorraine, Limousin notamment) sont les régions les plus touchées. Elle est plus fréquente chez les plus de 60 ans, mais les enfants de moins de 15 ans peuvent être hospitalisés pour une neuroborréliose de Lyme. Certaines populations sont plus à risque du fait de contacts répétés avec les tiques, notamment les travailleurs forestiers.
Conduite à tenir en cas de piqûre de tique en MG :
- noter dans le dossier médical du patient (et dans le carnet de santé des enfants) la notion de piqûre de tique (date, localisation anatomique) ;
- encourager le patient à signaler la piqûre via l’application « Signalement Tique ! ».
- informer le patient et son entourage des signes à surveiller (cf. ci-dessous).
Attention : les sérologies de Lyme (y compris les autotests disponibles en vente libre) et l’antibioprophylaxie prophylactique ne sont pas recommandées après une piqûre de tique (balance bénéfice/risque défavorable).
Manifestations cliniques
Lorsqu’une borréliose de Lyme se déclare après une piqûre de tique, des symptômes apparaissent à court ou plus long terme.
L’érythème migrant (EM) survient dans les 3 à 30 jours après piqûre ; il est présent dans 80 % des cas de BL en Europe, mais il peut passer inaperçu. Son diagnostic est uniquement clinique : macule de couleur rose à rouge, ovalaire, d’extension centrifuge, indolore, non prurigineuse. Des EM multiples (EMM) sont possibles. De signes généraux s’y associent dans 10 à 30 % des cas (asthénie, fébricule, et polyarthromyalgies). Mais attention : l’apparition d’une fièvre élevée dans les suites d’une piqûre de tique doit faire évoquer en premier lieu d’autres maladies vectorielles.
Autre manifestation cutanée, le lymphocytome borrélien (fig. 2) est une lésion unique, le plus souvent nodulaire ou en plaque, de couleur rouge ou violacée, +/- douloureuse, +/- prurigineuse, située sur le lobe de l’oreille, l’aréole mammaire, le scrotum, et plus rarement sur le tronc, le visage ou les membres.
L’acrodermatite chronique atrophiante est la manifestation dermatologique tardive des BL (fig. 3), de diagnostic difficile (délai diagnostique médian de 12 mois). Elle doit être évoquée chez les plus de 50 ans, devant une macule ou plaque extensive et mal limitée, sur un segment de membre, de couleur variable (rouge sombre ou violacé), se renforçant en regard des surfaces osseuses, évoluant d’une phase initiale œdémateuse vers l’atrophie.
Plus tardivement (de 1 à 12 mois après piqûre), des manifestations neurologiques – centrales ou périphériques – peuvent apparaître, notamment des méningoradiculites et des paralysies faciales périphériques (PFP) uni- ou bilatérales. Ces « neuroborrélioses » concernent la moitié des patients hospitalisés en France. Des symptômes rhumatologiques (arthrite subaiguë non fébrile d’une grosse articulation) sont possibles, ou, beaucoup plus rarement, des atteintes cardiaques ou ophtalmologiques. Toutes ces manifestations cliniques sont détaillées dans le tableau 1.
À savoir : chez un patient avec une PFP, le caractère bilatéral (dit « à bascule ») est très évocateur de borréliose de Lyme, d’autant plus si des douleurs radiculaires et/ou des céphalées et/ou d’autres symptômes inhabituels y sont associés (et s’il existe un antécédent de piqûre de tiques ou d’exposition aux tiques dans les 3 mois). Un algorithme décisionnel pour le diagnostic d’une PFP de Lyme est indiqué en figure 4. Les éléments cliniques et biologiques orientant vers une arthrite de Lyme sont indiqués dans la figure 5.
Faire le diagnostic
Le diagnostic de l’érythème migrant est uniquement clinique (risque de faux négatif des tests sérologiques avant 6 semaines).
En revanche, le diagnostic d’une BL au stade disséminé repose sur un trépied diagnostique : une exposition aux tiques, des signes cliniques évocateurs et une sérologie de Lyme positive chez un patient n’ayant jamais reçu d’antibiothérapie anti-Borrelia (fig. 6). Le test de référence est la sérologie en deux temps : une technique immuno-enzymatique sensible (ELISA) et, en cas de positivité ou de doute, la confirmation par western-blot dont la spécificité est meilleure. Les autres tests (C6 -EIA…) ne sont pas recommandés.
Pour les borrélioses disséminées, des examens complémentaires sont nécessaires pour confirmer le diagnostic (analyse du LCS avec cytologie et sérologie pour les neuroborrélioses ou analyse du liquide articulaire avec cytologie et PCR pour les arthrites de Lyme, etc.). Dans les cas complexes, où au moins une condition du trépied diagnostique ne serait pas remplie, il faut rechercher des diagnostics différentiels par des examens complémentaires et le patient peut être adressé en centre expert.
Les indications des tests diagnostiques selon les manifestations cliniques de BL suspectées sont indiquées dans le tableau 2.
Traitement
L’antibiothérapie est systématique en cas de diagnostic certain de BL quelle qu’en soit la forme (même pour l’érythème migrant). L’objectif est l’éradication de la bactérie causale, qui permet dans la majorité des cas de faire régresser les symptômes en lien avec les phénomènes inflammatoires induits. Compte tenu de la continuité des formes localisées et disséminées précoces, et de l’efficacité de la doxycycline sur toutes les localisations de la maladie, cette molécule est privilégiée en première intention en l’absence de contre-indication. Nouveauté de ces recos : la doxycycline est désormais recommandée en 1re intention pour le traitement de l’EM chez tous les patients, y compris les enfants de moins 8 ans et les femmes enceintes, en raison d’une prise en 1 ou 2 fois par jour, du profil d’effets indésirables moindre, d’un impact plus faible sur le microbiote intestinal, des possibilités de durée raccourcie de traitement et de son activité sur d’autres agents pathogènes transmis par les tiques.
Le tableau 3 précise le choix et les durées de l’antibiothérapie en 1re et 2e ligne selon les formes cliniques. Deux fiches d’aide à la prescription sont disponibles ici :
- Fiche pratique – Antibiothérapie recommandée dans la borréliose de Lyme
- Fiche pratique – Guide d’usage amoxicilline pour le traitement d’une borréliose de Lyme
La persistance de symptômes après traitement doit faire l’objet d’une évaluation clinique approfondie en centre expert. Attention : la persistance des anticorps ne signifie pas un échec de l’antibiothérapie, car ces derniers restent positifs longtemps après guérison (cicatrice sérologique). Aucun suivi sérologique n’est donc recommandé après traitement.
Syndrome post-borréliose de Lyme traitée : une pathologie reconnue
Contrairement aux anciennes recos de 2018, la HAS reconnaît l’existence de symptômes persistants à la suite d’une borréliose de Lyme déjà traitée par antibiothérapie, ou syndrome post-borréliose de Lyme traitée (PTLDS : post-treatment Lyme disease syndrome en anglais).
La HAS rappelle par ailleurs que de nombreux agents pathogènes sont pourvoyeurs de syndromes post-infectieux, qui se manifestent par la présence de symptômes prolongés survenant après la résolution de la phase aiguë de la maladie.
Ce syndrome se caractérise par des symptômes non spécifiques comme une fatigue inhabituelle et invalidante, des douleurs musculosquelettiques ou encore des troubles cognitifs (mémoire, concentration) se prolongeant pendant plus de 6 mois après la fin du traitement. Ces symptômes prolongés toucheraient en Europe entre 6 et 20 % des patients traités pour une borréliose de Lyme.
Les causes du PTLDS restent mal connues, avec des incertitudes sur les mécanismes physiopathologiques sous-jacents.
En cas de suspicion de PTLDS, le patient est adressé de préférence à un Centre de compétence ou de référence. Une fois le diagnostic établi, la prise en charge pourra être poursuivie en lien avec le médecin traitant. Un accompagnement psychologique ou encore une réadaptation physique pourront être aussi proposés.
En raison de la diversité des symptômes et de leur intensité très variable d’un patient à l’autre, la HAS recommande une prise en charge personnalisée, globale et pluridisciplinaire.
Les cures réitérées d’antibiotiques ne sont pas recommandées. Corticoïdes, AINS, immunomodulateurs et hydroxychloroquine n’ont pas prouvé leur efficacité.
Fiches pratiques à télécharger
Principales manifestations cliniques de la borréliose de Lyme
Diagnostic d’une paralysie faciale périphérique de Lyme
Prescription d’une antibiothérapie pour la borréliose de Lyme
Guide d’usage amoxicilline pour le traitement d’une borréliose de Lyme
Réflexion diagnostique à partir du trépied diagnostique
Stratégie diagnostique et thérapeutique
Raffetin A, Hansmann Y, Sauvat L, et al. Borréliose de Lyme. Rev Prat 2023;73(2);187-96.