Revue de la littérature depuis 1990
Deuxième cause de mortalité derrière les cancers en France avec 140 000 décès en 2022, les maladies cardiovasculaires (CV) seraient plus fréquentes chez les personnes ayant survécu à un cancer qu’en population générale.
Plusieurs explications sont avancées : des facteurs de risque communs entre ces pathologies, les dégâts CV causées directement par les cancers, ou encore les toxicités des traitements antitumoraux. Cependant, les résultats des études publiées explorant ce lien entre cancer et maladies CV restent hétérogènes et parfois contradictoires, en fonction des types de cancer et des pathologies CV analysées.
17 maladies CV analysées
Afin d’y voir plus clair, des médecins chinois ont donc mené une large revue systématique avec méta-analyse des études de cohorte populationnelles rétrospectives et prospectives parues entre 1990 et février 2025. Cette analyse visait à déterminer si les survivants du cancer avaient un risque accru de maladie CV comparés aux personnes n’ayant pas subi de cancer et servant de groupe contrôle.
En tout, les chercheurs ont sélectionné 160 articles extraits des bases de données de la littérature scientifique mondiale (PubMed, Embase, Web of Science, Scopus), correspondant à autant d’études de cohorte évaluant le risque CV chez ces deux groupes (survivants vs contrôles sans cancer).
Ces études ont porté sur près de 50 millions de participants (environ 9 millions de survivants du cancer et 40 millions de patients contrôle sans cancer). Le critère de jugement principal était le risque de maladie CV. Les critères de jugement secondaires étaient les risques de 17 sous-types de maladies CV (par exemple l’ischémie myocardique, l’AVC, la thrombose veineuse). La méta-analyse évaluant le critère de jugement principal a concerné 36 publications, tandis que 142 ont aussi (ou uniquement) évalué le risque de différents sous-types de maladies CV.
Un risque plus élevé chez les jeunes
Les résultats ont été publiés début juin 2025 dans eClinicalMedicine. Le hazard ratio (HR) de maladie CV était de 1,47 (IC 95 % = [1,33 ; 1,62]) chez les patients ayant survécu à un cancer par rapport aux contrôles, soit un risque majoré de près de 50 %. Toutefois, cette méta-analyse repose sur des études très hétérogènes (coefficient d’hétérogénéité I2 = 99,0 %), c’est-à-dire variant beaucoup dans leurs méthodologies et leurs métriques.
Survivre à un cancer était associé à une augmentation significative du risque pour chacun des 17 sous-types de maladies CV évalués – avec, là aussi, des méta-analyses d’études dont l’hétérogénéité est considérable (I2 > 75 % pour 14 sous-types) ou substantielle (I2 entre 50 et 75 % pour trois sous-types).
L’effet le plus important était observé dans la thrombose veineuse (HR = 3,07, IC 95 % = [2,03 ; 4,65] ; 31 études incluses, I2 = 99,8 %), puis dans le cœur pulmonaire (HR = 2,42, IC 95 % = [1,77 ; 3,31] ; 10 études incluses, I2 = 97,4 %). En menant une analyse par type de tumeur, les auteurs ont retrouvé une augmentation du risque de maladie CV chez les survivants des cancers cérébraux, hématologiques, respiratoires, génitaux masculins et du sein, mais pas dans les autres types de cancers. Ces méta-analyses par type de cancer étaient cependant fondées chacune sur peu d’études (10 ou moins).
Par ailleurs, les méta-analyses par sous-groupes de patients (avec cependant peu de données par sous-groupe) ont montré un risque plus élevé de maladie CV chez les hommes et chez les jeunes, par rapport aux femmes et aux personnes âgées.
Pour les auteurs, ces résultats seront utiles pour de futures mises à jour des recommandations de prévention CV chez les survivants de cancer. L’évaluation et la prise en charge CV devraient être priorisées en post-cancer, notamment chez les jeunes et les hommes ayant eu un des cancers cités précédemment.
Dossier Cardio-oncologie, élaboré selon les conseils du Pr Michel Desnos. Rev Prat 2018;68(3);323-36.