Le méthotrexate (MTX), inhibiteur compétitif de la dihydrofolate réductase, est un agent antifolique qui inhibe la synthèse de l’ADN et donc la prolifération cellulaire. Il a d’abord été prescrit à fortes doses comme cytostatique en chimiothérapie, mais depuis plus de 30 ans il est utilisé à faible posologie hebdomadaire comme immunomodulateur en traitement de fond de nombreuses pathologies inflammatoires chroniques. Si sa prescription est le plus souvent initiée par le spécialiste, elle peut l’être par le généraliste. Il doit savoir évaluer l’activité de la maladie avant et sous traitement.
Indiqué en première intention dès le diagnostic dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), le MTX est la pierre angulaire de la thérapie.1 Autres indications : certaines formes de psoriasis cutané et le rhumatisme psoriasique périphérique (le MTX n’est pas efficace dans l’atteinte axiale des spondyloarthrites). Son spectre d’utilisation dépasse largement ses indications officielles.
Élimination : rénale
Pris le plus souvent per os, le MTX peut aussi être injecté par voie sous-cutanée (SC). Son absorption intestinale est saturable et dépend du pH.2, 3 Sa biodisponibilité par voie orale varie selon les sujets de 30 à 90 %. Il est lié à 50 % aux protéines plasmatiques et subit un métabolisme hépatique avec conversion en 7-hydroxyméthotrexate. Son élimination est essentiellement rénale et sa demi-vie plasmatique varie de 4 à 10 heures. Dans les cellules cibles, il est transformé en polyglutamates de MTX, métabolites actifs qui s’accumulent, expliquant son efficacité prolongée. Avec la voie SC, environ 17 fois plus coûteuse que la forme orale, la molécule a une biodisponibilité accrue, surtout pour des doses supérieures à 15 mg/semaine.
Contre-indications
Ce sont l’insuffisance rénale avancée (clairance de la créatinine < 30 mL/min), les pathologies hépatiques sévères, l’alcoolisme chronique grave, la grossesse et l’allaitement, l’hypersensibilité au MTX. Nous le déconseillons fortement chez le dialysé. Cytopénie ou augmentation des transaminases doivent faire l’objet d’explorations spécialisées avant toute prescription. Une pathologie bronchopulmonaire n’est pas une contre-indication, mais impose des investigations préalables (scanner pulmonaire, épreuve fonctionnelle respiratoire avec DLCO) et un avis spécialisé. Une pneumopathie interstitielle compliquant une PR n’est plus considérée comme une contre-indication.4
L’évaluation préthérapeutique doit comporter :5 NFS-plaquettes, créatininémie, bilan hépatique, électrophorèse des protides, sérologies de l’hépatite B, de l’hépatite C et si possible VIH ; radio thoracique.
Comment prescrire ?
Généralement, on débute à une posologie qui n’est pas maximale car la dose efficace est variable selon les cas (habituellement 15 à 25 mg/semaine dans les arthrites). Il est impératif d’apprécier la tolérance.2 En effet, efficacité et toxicité sont dose-dépendants.5
La posologie initiale varie le plus souvent de 10 à 15 mg/semaine per os (elle peut être obtenue en une ou plusieurs étapes). À réduire de moitié si : hypo- albuminémie (< 30 g/L), âge supérieur à 70 ou 75 ans, insuffisance rénale modérée, patient asiatique. Au maximum : 25 mg/semaine, sans dépasser 0,3 mg/kg si possible. Il est obligatoire de noter le jour de la prise sur l’ordonnance.
Associer de l’acide folique améliore la tolérance digestive, hépatique et hématologique :5 5 mg, 2 comprimés par semaine, 48 heures après le MTX. En cas de mauvaise tolérance de ce dernier, on peut augmenter à 5 mg/j, 6 jours sur 7 (sauf le jour du MTX). L’escalade de dose du MTX se fait par paliers (p. ex. 5 mg toutes les 4 à 6 semaines) en fonction de l’efficacité et de la tolérance. Il peut être prescrit par voie SC s’il est mal toléré, en cas de troubles digestifs, et aussi pour optimiser le traitement au-dessus de 15 mg semaine.1, 2
Différentes formes sont disponibles en France :
– per os dosées à 2,5 mg (méthotrexate Bellon, Novatrex, Imeth) ou à 10 mg sécables (Imeth) ;
– SC (seringue ou stylo) : dose variant de 7,5 à 25 mg (Metoject, Imeth, Nordimet, liste non exhaustive).
Éduquer est crucial
Donné au long cours, ce médicament agit sur la maladie inflammatoire en profondeur et dans la durée. Son effet n’est pas rapide comme celui des corticostéroïdes. Dans les arthrites, il apparaît au bout de 3 semaines et se juge à environ 6 semaines pour une posologie donnée.
La dose ne doit jamais être augmentée par le patient et la prise quotidienne est proscrite. En cas de difficulté de compréhension, préférer la voie sous-cutanée.
Chez la femme en âge de procréer, une contraception est indispensable car le MTX est tératogène. Si elle a un désir de grossesse, le Vidal le contre-indique dans les 6 mois précédant la conception. En pratique nous le stoppons 3 mois avant5 (même si les données scientifiques du CRAT autoriseraient d’attendre seulement les premières règles suivantes) pour des raisons légales et car il existe des alternatives thérapeutiques.
Chez l’homme souhaitant procréer, il est recommandé d’arrêter le MTX 3 mois auparavant (cycle de la spermatogenèse) car il est mutagène, mais ce risque est théorique.
Le patient doit être prévenu que des signes respiratoires (toux et dyspnée) imposent l’arrêt et une consultation rapide (risque de pneumopathie interstitielle aiguë).
Le traitement n’est pas compatible avec l’administration d’un vaccin vivant, notamment contre la fièvre jaune ; il ne peut être injecté qu’après 3 mois sans MTX. En revanche, la vaccination annuelle contre la grippe et celle contre le pneumocoque sont recommandées.
Les associations médicamenteuses contre-indiquées sont rares : probénécide, triméthoprime (seul ou en association au sulfaméthoxazole, Bactrim), acide acétylsalicylique à dose antipyrétique ou anti-inflammatoire. Les AINS, l’acide acétylsalicylique à dose antiagrégante sont autorisés de même que les pénicillines.
NFS-plaquettes, créatininémie, transaminases doivent être réalisés toutes les 2 à 4 semaines en période d’augmentation de dose, puis tous les 3 mois en phase de stabilité.5
Effets indésirables
Une augmentation des transaminases est fréquente et le plus souvent transitoire.5 La conduite à tenir est bien codifiée (
Les cytopénies sont plus rares (
Principaux effets indésirables :2 nausées et anorexie dans les 24 à 48 heures après la prise, plus rarement douleurs abdominales, vomissements, diarrhée (
Les autres intolérances cliniques sont nombreuses mais plus rares : céphalées, somnolence, stomatite, ulcérations buccales, alopécie, dysgueusie, baisse de la libido, dépression. Certains effets indésirables n’ont pas de gravité mais peuvent altérer la qualité de vie (et l’observance) quand ils sont persistants.
Le médecin doit être à l’écoute, savoir vérifier les prises d’acide folique, diminuer la posologie du MTX et si besoin envisager un changement de traitement, la qualité de vie étant toujours un objectif majeur de la thérapeutique.
Informations sur le méthotrexate : cri-net.com
Optimiser la tolérance digestive sous méthotrexate
proscrire café, boissons glacées, légumes crus, céréales, alcool et boire 2 L/j
Nausées, vomissements : éviter les repas gras ou épicés, les fritures et boire entre les repas
Stomatites, mucites : pas d’aliments épicés, trop chauds, acides. Assurer un suivi dentaire et recourir aux bains de bouche bicarbonatés
1. Daien C, Hua C, Gaujoux-Viala C, et al. Update of French Society for Rheumatology Recommendations for Managing Rheumatoid Arthritis. Joint Bone Spine 2019;86:135-50.
2. Le Quellec A, Alegria GC, Guellec D, Saraux A. Le méthotrexate au centre de la stratégie thérapeutique de la PR. Rev Rhum Monographies 2017;84:383-7.
3. Bedoui Y, Guillot X, Sélambarom J, et al. Methotrexate an old drug with new tricks. Int J Mol Sci 2019;20:5023.
4. Fragoulis GE, Nikiphorou E, Larsen J, et al. Metho- trexate-associated pneumonitis and rheumatoid arthritis-interstitial lung disease: current concepts for the diagnosis and treatment. Front Med (Lausanne) 2019;6:238.
5. Visser K, Katchamart W, Loza E, et al. Multinational evidence-based recommendations for the use of methotrexate in rheumatic disorders with a focus on rheumatoid arthritis: integrating systematic literature research and expert opinion of a broad international panel of rheumatologists in the 3E initiative. Ann Rheum Dis 2009;68:1086-93.