Le bilan est à réaliser idéalement dans les 4 mois suivant l’arrivée de la personne ; il peut se dérouler sur un ou plusieurs rendez-vous.
Avant l’examen
La Spilf recommande de recueillir systématiquement le consentement du patient, de façon adaptée à sa littératie en santé. Pour les mineurs : le consentement du titulaire de l’autorité parentale est nécessaire et celui de l’enfant doit aussi être recherché (information adaptée à l’âge) ; pour les mineurs non accompagnés (MNA), les modalités varient selon la situation administrative (v. encadré).
Lorsque la personne n’est pas francophone, prévoir le recours à un(e) interprète professionnel(le) en santé par téléphone ou en présentiel. À défaut, les applications de traduction vocale ou écrite peuvent être une solution d’appoint mais ne sont pas idéales (elles limitent les échanges, la précision de l’interrogatoire et la bonne compréhension). Le recours à un proche ou accompagnant est déconseillé car il ne permet pas de respecter le secret médical et l’autonomie du patient.
Les informations basiques sur le système de santé et de protection sociale français, les dispositifs de prévention existants et le droit français (pénalisation des violences) doivent être délivrées. La personne peut être orientée vers un ou un(e) médiateur(trice) en santé en cas de difficultés.
À noter : ces recommandations n’abordent pas en détail la prise en charge, en dehors de la conduite à tenir immédiate en cas de résultats positifs du bilan (se référer aux pp. 24 - 35 des recos).
Pour les adultes
Interrogatoire et examen clinique
Il recueille les éléments suivants :
- antécédents médicaux, chirurgicaux, obstétricaux et familiaux ;
- traitements en cours et leur interruption éventuelle ;
- allergies ;
- situation de handicap ;
- contexte socio-économique, notamment vulnérabilités sociales : logement instable ou précaire ou sans-abrisme, insécurité alimentaire, défaut ou incomplétude de la couverture maladie, situation administrative précaire, isolement, niveau d’éducation, etc. ;
- antécédents de violences ou situation de vulnérabilité sexuelle : exposition à des rapports sexuels non souhaités, voire à des violences sexuelles, IST, grossesse non désirée ;
- comorbidités : diabète, HTA, insuffisance rénale chronique, etc. ;
- symptômes actuels ou récents ;
- éléments évocateurs de tuberculose maladie : cas dans l’entourage, symptomatologie évocatrice (toux durant depuis plus de deux semaines, perte de poids récente sans raison apparente, sueurs nocturnes, fièvre persistante, hémoptysie…).
Examen clinique : prise de PA, température, poids et taille (calcul de l’IMC), dépistage dentaire, recherche de troubles de la vision et de l’audition.
Le statut vaccinal est vérifié et mis à jour : voir notre article « Rattrapages vaccinaux : guide de survie », les recos HAS/SPILF 2019 et le calendrier vaccinal 2024 pour plus d’informations sur les sérologies utiles et les différents schémas de rattrapage.
Santé sexuelle : dépister IST (v. ci-dessous), présenter les outils de prévention, en particulier concernant le VIH (PrEP, TPE…). Chez la femme en âge de procréer : rechercher une grossesse à l’interrogatoire et au moindre doute compléter par dosage des bêta-HCG ; rechercher les besoins non satisfaits en termes de contraception. Dépister une mutilation génitale féminine chez les filles et les femmes provenant des pays où cette pratique est répandue (v. carte p. 11 des recos).
Santé mentale (éventuellement lors d’une consultation dédiée) : s’aider d’échelles simplifiées pour un dépistage systématique de troubles anxieux, épisode dépressif caractérisé (Patient Health Questionnaire- 4, v. tableau 1), syndrome de stress post-traumatique (Primary Care PTSD Screen for DMS- 5, v. tableau 2) et troubles de l’usage ou de la dépendance aux substances psychoactives (ASSIST, Fagertröm simplifié et AUDIT-C).
Quels examens de dépistage prescrire ?
Maladies infectieuses et tropicales
Tuberculose : radiographie pulmonaire de face pour tous les adultes originaires d’un pays de forte endémie (incidence > 40/100 000, v. carte p. 11 des recos). Test IGRA ou IDR chez les 18 - 40 ans originaires d’un pays de très forte incidence (> 100/100 000) ET ayant des enfants en bas âge dans leur entourage ou travaillant dans le secteur de l’enfance ou de la santé.
Sérologies VIH, VHB, VHC et syphilis pour tous. De plus, sérologie VHA en IgG chez les HSH (pour rattrapage vaccinal).
PCR combinée Chlamydiae trachomatis /gonocoque pour tous les moins de 25 ans sexuellement actifs, puis en fonction des facteurs de risque d’IST (rapports sexuels non protégés, multipartenariat, HSH, travailleurs(es) sexuel(le)s, situation sociale précaire).
Parasitoses :
- sérologie schistosomose (bilharziose) systématique chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne ou d’Égypte ;
- sérologie strongyloïdose (anguillulose) systématique si provenance des zones d’endémie : Amérique centrale et du Sud, Caraïbes, Afrique, Asie centrale, du Sud et du Sud Est, Indonésie, Europe de l’Est ;
- complétées, si possible et acceptable, par un examen parasitologique des selles répété à trois reprises espacés de quelques jours (personnes originaires d’Amérique centrale et du Sud, Caraïbes, Afrique, Asie centrale, du Sud et du Sud Est, Indonésie), et d’un examen parasitologique des urines sur échantillon uniquement chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne (idéalement miction complète matinale, ou sur urines des 24 h).
- sérologie filariose associée à une recherche de microfilarémie diurne chez les personnes originaires de zones forestières rurales d’Afrique centrale.
Chez les femmes en âge de procréer :
- originaires d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine et des Caraïbes et du Japon : sérologie HTLV- 1 ;
- originaires (ou dont la mère est originaire) d’Amérique du Sud : sérologie maladie de Chagas.
Pour les sérologies en vue d’un rattrapage vaccinal, voir les recos HAS/SPILF 2019.
Des cartes montrant la prévalence des maladies à rechercher selon les pays sont disponibles pp. 11 à 17 des recos.
Maladies non transmissibles
Glycémie capillaire ou glycémie veineuse à jeun pour toutes les personnes âgées de 45 ans et plus (ou 35 ans et plus si originaire du sous-continent indien, Moyen-Orient ou Afrique, antécédents familiaux de diabète, antécédent de diabète gestationnel, facteurs de risque cardiovasculaire ou surpoids).
Bandelette urinaire pour tous, à la recherche notamment d’une protéinurie (glomérulopathies), d’une leucocyturie, d’une glycosurie ou d’une hématurie (évoquer alors une schistosomose si provenance de zone d’endémie).
Bilan biologique standard pour tous : hémogramme, créatinine sérique, transaminases hépatiques, à la recherche notamment d’une anémie, d’une hyperéosinophilie et d’une cytolyse hépatique.
Bilan lipidique à jeun aux hommes de 40 ans et plus, aux femmes de 50 ans et plus, aux personnes ayant un ou des facteurs de risque cardiovasculaire, et avant prescription de contraception hormonale.
En cas de projet de maternité ou paternité, ou de grossesse (avant 12 SA de préférence) : dépistage des hémoglobinopathies par une électrophorèse de l’hémoglobine si provenance d’Afrique subsaharienne ou du Nord, du Moyen-Orient, du sous-continent indien, d’Asie du Sud-Est, de la zone intertropicale d’Amérique latine, ou des Caraïbes.
Cancers :
- frottis du col de l’utérus chez les femmes âgées de 25 à 65 ans ou PCR papillomavirus à haut risque (HPV-HR) chez celles de 30 à 65 ans ;
- mammographie chez les femmes de 50 à 74 ans ;
- recherche de sang dans les selles chez toute personne de 50 à 74 ans ;
- autres dépistages indiqués en présence d’antécédents familiaux.
Quelles spécificités pour les enfants ?
Les recos précédentes concernant l’adulte s’appliquent aussi en population pédiatrique, avec des éléments supplémentaires.
Interrogatoire et examen clinique
En plus des éléments cités précédemment, rechercher :
- antécédents néonataux ;
- développement psychomoteur en fonction de l’âge (lire notre fiche pratique : « Détecter un trouble du neurodéveloppement avant 7 ans ») ;
- scolarisation antérieure ;
- troubles ou une régression dans les conduites instinctuelles (sommeil, alimentation, hygiène).
L’examen clinique inclut aussi : une évaluation nutritionnelle, de la croissance et du développement pubertaire, une comparaison des mesures anthropométriques (poids, taille, et IMC, périmètre crânien si < 5 ans) aux courbes standards pour l’âge et aux courbes d’IMC pour l’âge en cas de suspicion de dénutrition ; une recherche des signes carentiels, notamment rachitisme.
Santé mentale : chez les enfants les plus jeunes, rechercher des signes tels que des modifications du comportement (crises de colère ou opposition, arrêt des jeux, renfermement, etc.), la régression de certaines acquisitions, un trouble des interactions ou des troubles du sommeil. Des symptômes évocateurs de psychotraumatisme doivent être recherchés à tout âge afin d’orienter vers une équipe spécialisée. Les échelles de dépistage recommandées chez l’adulte ne sont pas validées chez l’enfant.
Attention : la supplémentation en vitamine D est systématique (pas de dépistage) : 400 - 800 UI/ j si < 2 ans ; 800 - 1 600 UI/jour entre 2 et 18 ans en cas de facteur de risque (peau noire, obésité, véganisme, absence d'exposition solaire), ou 400 à 800 UI/jour en leur absence.
Maladies infectieuses et tropicales
Les examens recommandés pour les adultes s’appliquent selon les mêmes critères, avec les précisions ou spécificités suivantes :
- tuberculose latente : le dépistage est recommandé chez les ≤ 18 ans originaires d’un pays à forte endémie par un test IGRA ou IDR ; uniquement si résultat positif ou en cas de symptômes évocateurs : dépister la tuberculose maladie par radio pulmonaire ;
- sérologie VHA en IgG (pour rattrapage vaccinal) : enfants de 1 à 18 ans susceptibles de séjourner à nouveau en zone d’endémie ;
- sérologie syphilis, PCR Chlamydia -gonocoque : mineurs exposés sexuellement, notamment MNA ;
- syphilis congénitale : dépister chez les nourrissons ayant des facteurs de risque (grossesse de la mère non suivie, signes cliniques de syphilis congénitale précoce et tardive) ;
- sérologie strongyloïdose : chez l’enfant ayant acquis la marche en zone d’endémie ;
- examens parasitologiques des selles (± traitement) : seulement enfants ayant des signes cliniques ou biologiques de carence ou malnutrition.
Maladies non transmissibles
Au bilan standard s’ajoutent :
- dépistage néonatal des maladies congénitales : enfants de moins de 1 mois nés en dehors de France (prévenir le Centre régional de dépistage néonatal lors de l’envoi du test) ;
- dysthyroïdies : TSH pour tous les enfants âgés de 1 mois à 2 ans ; pour les plus de 2 ans, dépister par TSH + T4 en cas de point d’appel clinique ;
- saturnisme : plombémie chez tous les < 16 ans, en associant la feuille Cerfa 12378*03 à la prescription ;
- carence martiale : ferritine (avec une CRP en cas de fièvre ou de suspicion d’infection) chez tous les ≤ 5 ans, et chez les > 5 ans ayant des facteurs de risque ;
- hémoglobinopathies : électrophorèse de l’hémoglobine pour tous les enfants originaires des régions de forte prévalence ;
- déficit en G6PD : dépistage ciblé (antécédent d’hémolyse, ictère, cas familiaux, de bilan préthérapeutique ou d’identification d’une autre maladie du globule rouge).
Consentement aux soins des mineurs non accompagnés (MNA)
- MNA ayant été reconnus mineurs : ils sont placés à l’ASE et le consentement aux soins doit être obtenu par les référents adéquats selon les recommandations en vigueur (v. guide du ministère de la santé : https ://sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_acte_usuels.pdf).
- MNA dont la minorité n’a pas encore été évaluée, ou en cours de procédure devant le tribunal des enfants : ils sont présumés mineurs, mais si les parents sont injoignables il est admis que le MNA puisse consentir seul aux actes nécessaires pour préserver sa santé.
- Après décision du juge des enfants, ceux qui n’ont pas été considérés comme mineurs sont à considérer comme majeurs même lorsqu’ils sont en cours de procédure d’appel.
Pour plus d’informations : se référer au Guide AP-HP « Accueil et accompagnement des Mineurs Non Accompagnés – Points de repères juridiques et recommandations » (décembre 2018).