Les missions des médecins-conseils des régimes général et agricole de la sécurité sociale sont définies dans le code de la sécurité sociale (CSS) et dans le code rural et de la pêche maritime (CRPM).1,2 Il s’agit d’analyser et de contrôler l’activité des professionnels de santé et des établissements de soins (pratiques médicales, réglementation), de participer à la structuration des soins dans les territoires et à la maîtrise médicalisée des dépenses, de conseiller et d’accompagner les assurés atteints de maladies chroniques, d’améliorer la pertinence et la coordination des prises en charge ainsi que l’accès aux soins, ou encore de mettre en œuvre des programmes de prévention et d’accompagnement (tableau). Ces missions comportent, entre autres, des interactions avec les patients/assurés et les médecins généralistes (ou autres spécialistes), pour des situations complexes, ainsi qu’avec les autres services de la caisse de Sécurité sociale. Le médecin-conseil représente la caisse et l’institution dans les instances partenariales et conventionnelles et contribue aux actions contentieuses, notamment conventionnelles et ordinales.
Cadre administratif et légal
Le médecin-conseil exerce ses missions sous l’autorité du directeur général de son organisme de sécurité sociale et sous la responsabilité du médecin-conseil en chef, dans le respect, à la fois, du secret médical (code de déontologie médicale)3, de la réglementation en vigueur, des orientations et des objectifs fixés par le conseil d’administration et de l’indépendance technique des praticiens. Il contribue à garantir la qualité, la sécurité, l’efficience du système de santé ainsi qu’un égal accès aux soins.
Il conseille et accompagne les assurés et les professionnels de santé sur la réglementation médico-sociale, le bon usage des soins et du médicament, la prise en charge des affections de longue durée et de toute demande de prestation soumise à accord préalable. Il conseille également les établissements, dans les territoires, afin de répondre aux enjeux de santé publique et de maîtrise des dépenses.
Les équipes des services du contrôle médical sont composées de praticiens-conseils, d’infirmiers et d’agents administratifs.
Les missions du médecin-conseil s’inscrivent également dans le cadre de la stratégie nationale de santé et du plan de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, en ville comme en établissement de soins.4
Applications pratiques
Le rôle du médecin-conseil porte sur tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service des prestations de l’Assurance maladie, maternité et invalidité. Il analyse sur le plan médical l’activité des professionnels et des établissements de santé, et effectue les contrôles nécessaires en matière de délivrance et de facturation de médicaments de la liste des produits et prestations (LPP) remboursables par l’Assurance maladie.5
Les avis qu’il prononce sur ces éléments s’imposent à l’organisme de prise en charge.
À titre individuel, l’équipe du contrôle médical reçoit les patients/assurés en arrêt de travail percevant des indemnités journalières (IJ), pour évaluer la justification des arrêts. Elle reçoit aussi les adhérents pour des demandes de prestations (demande d’accord préalable pour un acte chirurgical, par exemple) en dehors de toute situation d’arrêt de travail.
Mener des actions de gestion du risque maladie
Les actions de gestion du risque maladie consistent, par exemple, pour les arrêts de travail à :
- contrôler les assurés qui seraient susceptibles d’être dans une situation d’utilisation abusive de ces arrêts, du fait de leur répétition ;
- maîtriser les dépenses d’IJ sur les risques maladie et accident de travail/maladie professionnelle (AT/MP), en repérant les situations potentiellement abusives de façon à induire un changement de comportement chez les assurés concernés ;
- repérer, en fonction des motifs médicaux des avis d’arrêt, des situations pouvant faire craindre une future problématique de maintien en emploi.
Le médecin-conseil contrôle également la justification médicale en vue de l’attribution d’une prestation : reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie, appréciation du taux d’incapacité permanente, identification d’abus en matière de soins et/ou de prescriptions d’arrêt de travail et d’application de la tarification des actes, etc.
Prévenir la désinsertion professionnelle
En coordination et complémentarité avec d’autres acteurs et partenaires, il accompagne les assurés, par exemple pour prévenir la désinsertion professionnelle.
La prévention de la désinsertion professionnelle et le maintien en emploi mobilisent de nombreux dispositifs et acteurs dont les médecins généralistes, médecins-conseils et médecins du travail.6,7 Après avoir convoqué et reçu l’assuré, le médecin-conseil peut solliciter une visite médicale de préreprise (VPR), dès lors que l’arrêt maladie dépasse trente jours. L’objectif de cette VPR, effectuée par le service de santé au travail, est d’anticiper la reprise afin qu’elle s’opère dans les meilleures conditions possibles, par exemple en organisant un aménagement du poste ou des horaires de travail.
Au cours d’un arrêt de travail, si le médecin de soins (généraliste...) prescrit une reprise à temps partiel thérapeutique (TPT), l’avis du médecin-conseil est requis.
S’il donne son accord, le médecin du travail définit les modalités de mise en œuvre au poste, dès lors que l’employeur ne s’y oppose pas. Le TPT permet au patient/assuré, pendant une durée limitée, de reprendre progressivement le travail lorsque ce dernier est de nature à favoriser l’amélioration de son état de santé. Cependant, il peut aussi être mis en œuvre dès l’apparition d’un problème de santé, sans être alors précédé d’un arrêt de travail à temps complet.
Durant un arrêt de travail, un essai encadré8,9 peut être mis en œuvre à la demande du patient/assuré, à la suite d’une évaluation globale de sa situation par le service social compétent ; il est pour cela nécessaire que le médecin traitant, le médecin-conseil et le médecin du travail assurant son suivi donnent leur accord. Cet essai vise à tester la compatibilité entre l’état de santé du travailleur et son ancien poste, son poste aménagé ou un nouveau poste, dans son entreprise ou dans une autre structure, ou encore à préparer une reconversion professionnelle. La durée de cet essai ne peut excéder quatorze jours ouvrables (en continu ou fractionné) et il peut être renouvelé une fois. Les IJ maladie sont maintenues pendant cette période.
Autre action de remobilisation, la convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE)10 s’adresse aux personnes qui ne peuvent pas, ou risquent de ne pas pouvoir, reprendre leur travail après un arrêt (risque d’inaptitude). Elle leur permet de se réhabituer à leur poste dans l’entreprise d’origine, d’apprendre une nouvelle profession, dans leur entreprise d’origine ou dans une autre, et d’accéder à des formations adaptées, dans le but de réintégrer leur entreprise d’origine, sur leur poste ou un autre poste, ou d’être recrutées par l’entreprise d’accueil. La durée de la CRPE ne peut excéder dix-huit mois.
Dans tous les cas, le médecin-conseil s’assure que la durée de l’action proposée s’inscrit dans la durée prévisionnelle de l’arrêt de travail.
Reconnaître les maladies professionnelles
Le médecin-conseil régional (ou un médecin-conseil de l’échelon régional, ou un médecin-conseil retraité qu’il désigne pour le représenter) figure parmi les membres du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).11 Si un ou plusieurs dossiers du régime agricole (Mutualité sociale agricole [MSA]) doivent être examinés, un médecin-conseil de ce régime siège en lieu et place du médecin-conseil du régime général.
Le CRRMP compétent est chargé d’établir un lien entre une maladie déclarée par un patient et le travail habituel de celui-ci. Sa mission consiste à produire un avis motivé, afin que l’organisme de sécurité sociale dont dépend l’assuré puisse se prononcer sur le caractère professionnel ou non de cette affection, soit parce qu’elle ne remplit que de façon incomplète les conditions requises par un tableau, soit parce qu’elle n’est listée dans aucun tableau de maladie professionnelle (du régime général ou du régime agricole) mais entraîne le décès ou une incapacité permanente d’au moins 25 % (à la date de la demande).
En effet, ces deux dernières situations ne permettent pas au patient de bénéficier de la présomption d’origine, puisque « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».
Placer en invalidité
Pour une mise en invalidité, le médecin-conseil établit la stabilisation de l’état de santé de l’assuré, décide de l’attribution d’une pension d’invalidité et évalue la réduction de capacité de travail ou de gain. La stabilisation, constatation médicale, est définie comme un état « ne pouvant plus s’améliorer par des soins ». Si son état de santé est stabilisé et en présence d’une réduction de la capacité de travail ou de la capacité de gain, le patient peut effectuer une demande d’invalidité, laquelle peut aussi être initiée par le médecin-conseil.
Le passage d’un état d’incapacité temporaire (ouvrant droit à des IJ maladie) à une incapacité permanente ouvre droit à une pension d’invalidité. Cette dernière est attribuée en compensation de la perte de salaire résultant de la réduction de la capacité de travail ou de gain d’au moins deux tiers.
La mise en invalidité est soumise à des conditions administratives et médicales, que le patient/assuré soit, ou non, en arrêt de travail.
Fonctions publiques : des conseils médicaux
Dans les trois fonctions publiques (hospitalière, d’État et territoriale), on ne trouve pas de médecins-conseils mais des conseils médicaux, instances consultatives ayant remplacé depuis quelques années les anciens comités médicaux et commissions de réforme. En cas de maladie, l’employeur est dans l’obligation de consulter le conseil médical avant de prendre certaines décisions concernant la situation administrative des agents. C’est le cas, par exemple, de la mise en place d’un congé de longue maladie (CLM), d’un congé de longue durée (CLD) ou de grave maladie.12
2. Articles R.723-126, R.723-127, R.723-128, D.723-132, D.723-136, D723-143, D.723-147 du code rural et de la pêche maritime.
3. Articles R.4127-1 à R.4127-112 du code de la santé publique.
4. L’Assurance maladie. Médecin-conseil. 5 juin 2025. https://bit.ly/4lC0zh2
5. L’Assurance maladie. La liste des produits et prestations (LPP). 26 février 2025. https://bit.ly/40zT5CV
6. Moulin P, Maubleu C, Jereczek V, et al. Groupe employabilité du Plan santé-sécurité au travail en agriculture 2021-2025. Rev Prat 2025 ;75(4):369-73.
7. Moulin P, Maubleu C, Jereczek V, et al. Groupe employabilité du Plan santé-sécurité au travail en agriculture 2021-2025. Rev Prat Med Gen 2024; 38(1088):270-2.
8. Décret n° 2022-373 du 16 mars 2022 relatif à l’essai encadré, au rendez-vous de liaison et au projet de transition professionnelle.
9. Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. L’essai encadré. https://urls.fr/AOe2io
10. Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. La convention de rééducation professionnelle en entreprise. 6 avril 2022. https://urls.fr/zSTS0A
11. Guide pour les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles institués par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 (version consolidée 2024). Références en santé au travail n° 181, mars 2025, INRS. http://bit.ly/46wwbzB
12. Service-public.gouv.fr. Quel est le rôle du conseil médical dans la fonction publique ? 5 juillet 2024. http://bit.ly/475zOwE