Avec 47 582 nouveaux cas en 2023 en France, le cancer colorectal (CCR) est le troisième cancer le plus incident chez l’homme et le deuxième chez la femme. Il est la deuxième cause de mortalité par cancer en France, soit 17 117 décès en 2018. Son incidence diminue de 0,5 % par an depuis 2010 chez les hommes, mais elle augmente de 0,4 % par an chez les femmes. Le pronostic s’est amélioré ces dernières décennies, avec une baisse de la mortalité de 1,7 % par an, grâce à un diagnostic plus précoce du fait du dépistage organisé, d’une part, et grâce aux progrès chirurgicaux et médicaux, d’autre part.

En France, les modalités de dépistage du CCR dépendent du niveau de risque du patient : modéré, élevé ou très élevé (tableau 1). L’objectif du dépistage est de détecter les lésions précancéreuses ou cancéreuses à un stade le plus précoce possible afin de permettre au patient une prise en charge curative. Le CCR se développe à partir de lésions précancéreuses, et notamment à partir des polypes avancés qui correspondent à des adénomes en dysplasie de haut grade ou de taille supérieure ou égale à 1 cm, ou ayant un contingent villeux supérieur ou égal à 25 %, ou à partir des polypes festonnés de 1 cm ou plus. Ces lésions doivent être dépistées tôt pour être réséquées et éviter ainsi une évolution vers un CCR.

Personnes à risque modéré de cancer colorectal

Les sujets à risque modéré sont âgés de 50 ans et plus en population générale. Ils représentent 80 % des cas de CCR.

Pour toutes les personnes de 50 à 74 ans n’ayant pas d’autre facteur de risque de CCR que l’âge, il existe un programme national de dépistage fondé sur le test immunologique fécal (FIT). Il se réalise sur un prélèvement unique de selles qui détecte la présence d’hémoglobine humaine. Le FIT a montré son efficacité, en réduisant  la mortalité spécifique du CCR entre 14 et 16 % et en réduisant son incidence de 18 %.1 Le seuil de positivité en France est défini pour un niveau d’hémoglobine humaine supérieur ou égal à 30 µg/g de selles. Le test est positif dans 4 % des cas. Sa sensibilité est comprise entre 76 et 89 % et sa spécificité entre 95 et 98 %.1 

En cas de FIT positif, le risque de trouver un adénome avancé est de 31 % et celui de trouver un cancer est de 7,8 % (ce qui correspond à sa valeur prédictive positive). La plupart des CCR sont dépistés à un stade curable par chirurgie ou résection endoscopique : 75 à 80 % sont des cancers de stade I ou II. Seuls 8,5 % des cancers diagnostiqués par FIT le sont au stade métastatique.2 

Si le FIT est positif, le patient doit donc réaliser une coloscopie. En cas de normalité de la coloscopie après FIT positif, les patients réintègrent le programme national de dépistage cinq ans après celle-ci. Si elle détecte des polypes ou un CCR, le suivi ultérieur s’assure par coloscopie, dont le rythme dépend de la nature et de la taille des lésions détectées.

En dehors du cadre du dépistage organisé, il est possible de réaliser une coloscopie de dépistage. Cette approche réduit le risque de CCR de 67 % pendant dix à quinze ans.3 Ainsi, la Société française d’endoscopie digestive (SFED) suggère qu’« une coloscopie de prévention peut être réalisée chez tout sujet de plus de 50 ans à risque modéré après l’avoir informé des avantages et inconvénients, et avec son consentement éclairé ».

Le taux de participation au dépistage organisé du CCR en France est de 30 % – beaucoup trop faible, et en diminution. La France est loin derrière d’autres pays tels que les Pays-Bas (72 %) ou le Danemark (64 %). Si la participation actuelle évite 2 600 décès par CCR par an, un taux de participation à 65 % en éviterait 6 600.1 

Le FIT ne doit pas être réalisé chez les patients à risque élevé ou très élevé de CCR. Il n’est pas non plus adapté aux patients ayant des symptômes d’alarme (rectorragie, méléna, modification récente du transit, amaigrissement inexpliqué, anémie) pour lesquels la réalisation d’une coloscopie totale est indiquée d’emblée.

Personnes à risque élevé de cancer colorectal

Ils représentent 15 % des cas de CCR. Le risque de développer un CCR est 4 à 8 fois plus important que pour les patients à risque moyen.3 

En cas d’antécédent personnel

En cas d’antécédent personnel de CCR ou de polype avancé, le suivi coloscopique débute après résection.

En cas de CCR, une première coloscopie doit avoir lieu six mois après la chirurgie si la coloscopie préopératoire était incomplète ; sinon à un an puis trois ans, et ensuite tous les cinq ans. En cas d’antécédent d’adénome, le rythme des coloscopies ultérieures dépend du nombre, de la taille et de la nature des polypes, du type de résection et de son caractère complet ou non, selon les recommandations de la SFED (modalités de surveillance après polypectomie colique).4 

En cas d’antécédent familial

Il s’agit des personnes qui ont un apparenté au premier degré ayant eu un CCR ou un adénome avancé, ou ayant plusieurs apparentés au deuxième et troisième degrés ayant eu un CCR ou un adénome avancé.

Le risque relatif de développer un CCR est multiplié par 2 en cas d’antécédent familial au premier degré, par 4 en cas d’antécédents familiaux multiples et par 1,5 en cas d’antécédent familial au deuxième degré. Ce sur-risque augmente d’autant plus que le cas index a eu un CCR à un âge jeune. Ainsi, en cas d’antécédent familial au premier degré, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de débuter un suivi coloscopique à partir de 45 ans ou dix ans avant l’âge au moment du diagnostic du cas index.5 Les recommandations de la SFED3 diffèrent légèrement : une coloscopie est proposée à partir de 50 ans ou cinq ans avant l’âge de survenue chez le cas index si le cancer est apparu avant 55 ans. Le suivi ultérieur doit être réalisé tous les cinq ans au minimum, plus tôt en cas de lésion avancée.

En cas des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

En cas de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), une coloscopie est réalisée au diagnostic, puis huit ans après. Le rythme varie ensuite en fonction du niveau de risque.6 Certains patients à haut risque (cholangite sclérosante primitive associée, antécédent de sténose ou dysplasie survenue dans les cinq dernières années, colite étendue avec inflammation active sévère, antécédent familial de CCR au premier degré survenu avant l’âge de 50 ans) doivent bénéficier d’un suivi renforcé à raison d’une coloscopie annuelle. 

Les patients à risque intermédiaire (colite étendue avec inflammation modérée/faible, présence de pseudopolypes, antécédent familial de CCR survenu à l’âge de 50 ans ou après) doivent avoir un suivi coloscopique tous les deux à trois ans. Les autres patients sont considérés à faible risque et doivent bénéficier d’un suivi coloscopique tous les cinq ans. Il est recommandé de réaliser une coloration à l’indigo carmin avec biopsies ciblées, à défaut des biopsies aléatoires tous les 10 cm.

Facteurs environnementaux et comorbidités

Plus récemment, différents scores ont été établis pour mieux évaluer le sur-risque de CCR secondaire aux facteurs environnementaux et aux comorbidités. Le score de Kaminski est le plus utilisé en France, car simple et validé dans une population caucasienne (tableaux 2 et 3). Outre les antécédents familiaux de CCR, ce score intègre l’âge, le sexe, le tabagisme et l’indice de masse corporelle (IMC). Il définit un risque de CCR en fonction du nombre de points comptabilisés. Une coloscopie est recommandée si ce score est supérieur ou égal à cinq. 

Personnes à risque très élevé de cancer colorectal

Les personnes à risque très élevé ont une altération génétique constitutionnelle favorisant la survenue d’un CCR : syndrome de Lynch, polyposes (polypose adénomateuse familiale liée à une mutation du gène APC, polypose liée aux mutations du gène MUTYH, syndrome de Peutz-Jeghers). Ces patients représentent 5 % des cas de CCR et leur risque cumulé de CCR sur une vie entière est de 40 à 100 % selon le type de prédisposition génétique.

Une surveillance endoscopique renforcée est de rigueur. Les patients ayant un syndrome de Lynch doivent bénéficier d’une coloscopie avec chromoendoscopie tous les un à deux ans à partir de l’âge de 20 à 25 ans (initialement une fibroscopie œso-gastroduodénale [FOGD] de dépistage d’Helicobacter pylori, puis une FOGD tous les un à deux ans en cas d’antécédent familial de cancer gastrique). Les patients ayant une mutation du gène APC doivent débuter un suivi endoscopique (avec chromoendoscopie) dès la puberté, puis tous les un à deux ans. En cas de mutation du gène MUTYH, la première coloscopie a lieu entre l’âge de 20 et 30 ans. Le rythme de surveillance est ensuite adapté au contexte.5  

Références
1. Manfredi S. Dépistage du cancer colo-rectal (CCR) dans la population générale par test immunologique fécal (FIT) : état des lieux. FMC-HGE, 2024. https://bit.ly/4e9aE1P 
2. Santé publique France. Évaluation du programme de dépistage du cancer du colon rectum sur la période 2016-2017  : Indicateurs nationaux. 2020. https://bit.ly/4bPPST7 
3. Heresbach D, Pienkowski P, Chaussade S, et al. Prévention du cancer colorectal par coloscopie, en dehors du dépistage en population. Consensus et position de la SFED. Acta Endosc 2016;46(1–2):68-73. 
4. Robaszkiewicz M, Rahmi G, Lecomte T, et al. Modalités de surveillance après polypectomie colique. Hépato-Gastro Oncol Dig 2021;28(7):805-16. 
5. Haute Autorité de santé. Cancer colorectal : modalités de dépistage et de prévention chez les sujets à risque élevé et très élevé. Recommandation de bonne pratique. 2007. https://bit.ly/3XgCZwZ 
6. Magro F, Gionchetti P, Eliakim R, et al. Third European Evidence-based Consensus on Diagnosis and Management of Ulcerative Colitis. Part 1: Definitions, Diagnosis, Extra-intestinal Manifestations, Pregnancy, Cancer Surveillance, Surgery, and Ileo-anal Pouch Disorders. J Crohns Colitis 2017;11(6):649-70.

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