Les mutilations génitales féminines (MGF) sont définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « toutes les interventions aboutissant à une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de la femme ou toute autre mutilation des organes génitaux féminins pratiquées à des fins non médicales ».1 De nombreuses idées reçues existent sur ces pratiques, qu’il est important de déconstruire afin de passer un message adapté aux familles et de ne pas stigmatiser les personnes. Souvent, les familles subissent une pression communautaire forte. Elles rencontrent des difficultés à abandonner la pratique car cela risque d’exclure leurs filles de la communauté.
Quatre types de mutilation
Il existe quatre types de MGF définis par l’OMS (
– type 1, la clitoridectomie, correspondant à l’ablation du prépuce et/ou du gland clitoridien ;
– type 2, l’excision, consistant en l’ablation des petites lèvres et du gland clitoridien ;
– type 3, l’infibulation, qui est l’ablation du gland clitoridien et des petites lèvres avec suture des grandes lèvres par-dessus ne laissant qu’un passage pour les urines et les menstruations ;
– type 4, toutes les autres MGF.
Une pratique interdite par la loi
Les MGF sont une pratique traditionnelle largement répandue dans le monde puisqu’on estime à plus de 200 millions le nombre actuel de femmes concernées (
Aujourd’hui, sur notre territoire, les MGF concernent des femmes migrantes mais aussi des filles et des femmes nées en France de parents originaires de pays dans lesquels les MGF sont pratiquées.
Les MGF constituent un crime en France depuis 1983. La loi s’applique pour tous les enfants français, que la mutilation ait lieu en France ou à l’étranger. La sanction est de dix à vingt ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d’amende pour la personne pratiquant l’acte, selon les articles du code pénal concernant les violences à l’égard des mineurs. Dans certaines situations, les parents peuvent être incriminés, notamment s’ils sont informés sur la loi et qu’ils pratiquent une excision sur leurs enfants. Les praticiens constatant une excision sur une mineure sont tenus de réaliser un signalement.
Repérer, prévenir et orienter
Lors de l’accueil d’un enfant migrant, le praticien peut être amené à rencontrer des fillettes ayant subi une excision ou une infibulation. Le repérage doit être systématique. Généralement, si la posture du médecin est bienveillante et sans jugement, le dialogue s’établit facilement.
Ouvrir le dialogue avec les parents
Le praticien peut évaluer le risque en posant la question directement aux parents et en faisant préciser à la mère si elle-même est concernée, en s’appuyant par exemple sur une carte de répartition épidémiologique (
Dans un second temps, il peut poser la question pour l’enfant et l’ensemble de la fratrie.
Un examen vulvaire difficile
De façon générale, un examen clinique complet comprenant un examen vulvaire est réalisé après avoir expliqué aux parents et à l’enfant l’intérêt de cet examen et obtenu leur consentement respectif. L’examen est difficile chez l’enfant et particulièrement chez le bébé, et il est nécessaire de faire confirmer le diagnostic quand il existe un doute.
Il est important de noter dans le carnet de santé l’intégralité ou non des organes génitaux externes.
Rechercher les complications
Si l’enfant présente une excision ou une infibulation, les complications seront recherchées : d’abord les complications aiguës au moment de l’excision (hémorragie, infection, douleur, traumatisme psychologique…) et les complications chroniques.
Les complications chroniques chez l’enfant sont les suivantes : dysurie, infections urinaires et gynécologiques, manque de confiance en soi, cauchemars qui font revivre l’excision, anxiété inexpliquée.
Les complications chez les adolescentes sont des douleurs pendant les règles, qui parfois entraînent des absences prolongées à l’école, des infections urinaires, la peur d’aborder les premières relations amoureuses, des premiers rapports sexuels difficiles, voire impossibles en cas d’infibulation.
Proposer un accompagnement
Un accompagnement est proposé à la mère et à l’enfant en fonction des ressources locales.
Concernant les femmes, ce type d’accompagnement est holistique, avec psychologues, sexologues, gynécologues, et parfois une plastie clitoridienne.
Pour les enfants, il est réalisé par des pédiatres, urologues, psychologues suivant les ressources disponibles, rares en France. L’intention de l’accompagnement est que l’enfant et future adulte sache trouver les ressources nécessaires si un jour elle ressent une difficulté avec l’excision. Il ne s’agit pas de lui imposer un suivi et de générer un problème chez elle. Cependant, en cas de symptômes psychiques, un soutien est toujours nécessaire.
La plastie clitoridienne n’est pas proposée aux mineures et on attend généralement l’entrée dans la sexualité, sachant que l’accompagnement sexologique et psychologique suffit le plus souvent.
En cas d’infibulation (chez les enfants originaires de Somalie, Érythrée, Djibouti principalement), une chirurgie de désinfibulation est systématiquement proposée. Effectivement, l’infibulation entraîne des complications urinaires, une difficulté d’écoulement des règles, avec parfois des infections et des rapports sexuels très douloureux. Dans ce cas, on n’attend pas la majorité de l’enfant et on peut proposer cette chirurgie à tout âge.
Certificat et signalement
Certaines familles demandent l’asile pour protéger leurs enfants de l’excision. C’est un motif reconnu.
Rédaction des certificats dans une unité médico-judiciaire
Les familles peuvent demander au médecin un certificat attestant de la non-excision de leur enfant ou de l’excision de la mère ou des sœurs. Depuis l’été 2020, ce certificat ne peut plus être rédigé par les pédiatres concernant les mineures et doit être fait dans une unité médico- judiciaire. Pour les majeures, tout praticien peut le réaliser.
Signalement d’excision obligatoire
Dans le cas où une enfant est excisée, il y a une obligation de signalement pour le praticien.
Ce signalement est réalisé auprès du procureur de la République ou auprès d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). Cette mesure légale permet de protéger les enfants à venir ou non excisées de la fratrie. Il peut être réalisé par le praticien ou par les professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI).
Il est important d’expliquer aux familles pourquoi ce signalement est réalisé, dans quel but et de rappeler le fait qu’il s’agit d’une obligation légale et d’une protection de l’enfant. Il y a rarement une urgence à procéder au signalement dans ce cas et il est important de référer ces situations à des praticiens familiarisés avec cette pratique afin de confirmer le diagnostic dans un premier temps avant de s’engager dans les mesures légales.
Enfin, le moment est choisi et ce n’est pas forcément l’urgence à l’arrivée en France quand les familles sont en cours de régularisation, par exemple ; le signalement peut alors être différé.
Toujours informer
Dans certaines situations, le praticien accueille des familles qui ont des questions autour des MGF. Il peut alors les informer sur les complications, les possibilités d’accompagnement et la loi française. Il est important que les familles sachent que la pratique de l’excision est interdite en France, que les enfants peuvent être protégées et les familles soutenues pour lutter contre cette pratique et qu’il existe de nombreuses associations sur le sujet comme la fédération nationale GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants, https://federationgams.org/). Pour l’accompagnement des professionnels de santé, l’association Mille Parcours (http://milleparcours.org/), par exemple, a développé des outils et des formations.
Briser le tabou et soutenir les familles
La pratique des MGF est présente dans le monde entier. Il s’agit d’une pratique traditionnelle qui s’inscrit dans le champ des violences faites aux femmes et aux enfants et fait partie d’une norme sociétale qui rend le combat pour certaines familles difficile. Il s’agit donc pour le praticien de briser le tabou en abordant le sujet et d’accueillir les personnes concernées dans la bienveillance et la non-discrimination.
1. WHO, UNICEF, Fund UNP. Female genital mutilation: A joint WHO/UNICEF/UNFPA statement. Les Mutilations sexuelles féminines : déclaration commune. OMS/UNICEF/FNUAP. 1997.apps.who.int/iris/handle/10665/41903
2. UNICEF. Female genital mutilation/cutting: A global concern. 2016. data.unicef.org/resources/female-genital-mutilationcutting-global-concern
3. Lesclingand M, Andro A, Lombart T. Estimation du nombre de femmes adultes ayant subi une mutilation génitale féminine vivant en France. Bull Epidemiol Hebd 2019;21:392-9. www.santepubliquefrance.fr/docs/estimation-du-nombre-de-femmes-adultes-ayant-subi-une-mutilation-genitale-feminine-vivant-en-france