n parle beaucoup de la borréliose de Lyme, peut-être beaucoup trop, eu égard à son impact réel en termes de santé publique. Que nous enseigne l’étude des formes neurologiques, présumées les plus sévères en Europe ? C’est le sujet de l’article page 428 émanant d’une équipe expérimentée, qui travaille à l’épicentre d’une des régions où l’incidence est la plus élevée en France. Trois conclusions importantes.
Premièrement, les atteintes neurologiques les plus fréquentes sont précoces, survenant habituellement dans le trimestre après la piqûre. Dans deux tiers des cas, ce sont des méningoradiculites touchant des paires crâniennes (paralysies faciales notamment). Les autres manifestations sont diverses : polyradiculonévrite, méningite, myélite, encéphalite (très polymorphe). La ponction lombaire, indispensable, montre une méningite et la présence d’anticorps. À un stade très précoce, la sérologie peut être prise en défaut, fait bien connu dans cette maladie (faux négatifs).
Deuxièmement, les formes tardives sont plus rares et insidieuses : méningite, encéphalite, encéphalomyélite d’installation progressive, polyneuropathie sensitive axonale, AVC exceptionnellement. Il existe toujours des signes cliniques objectifs, une sérologie positive, des anomalies du LCR, avec présence d’anticorps, et inconstamment des signes radiologiques (IRM) considérés comme aspécifiques. Dans tous les cas, la prise en charge adaptée est efficace. Chez les patients ayant des symptômes subjectifs sans aucun signe patent, mais avec une sérologie positive et en l’absence de traitement antibiotique antérieur, une antibiothérapie d’épreuve peut se justifier.
Troisièmement, l’existence de syndrome post-Lyme est très controversée. Mais les antibiothérapies prolongées sont inutiles. Cela a été évalué de façon rigoureuse dans des études randomisées : traiter 3 mois n’a pas montré d’efficacité. Il est de toute façon exceptionnel en infectiologie de voir le bénéfice d’un traitement antimicrobien adapté (quand il existe) se manifester des semaines après son début. Très peu d’affections (tuberculose, Whipple, fièvre Q) requièrent de longues séquences thérapeutiques. L’échec d’un traitement antibiotique d’épreuve bien conduit (bonnes dose et durée) doit donc conduire à demander un avis spécialisé car, dans près de 90 % des cas, il s’agit d’un autre diagnostic.1
Pour résumer, les formes neurologiques du Lyme, qu’elles soient précoces ou tardives, évoluent favorablement avec un traitement antibiotique adapté. Il n’existe pas de forme chronique résistant à une telle prescription.2 Pour la neuroborréliose, un mois d’antibiotique suffit.
Il est fondamental de le rappeler. D’autant qu’il est crucial de modérer l’utilisation des antibiotiques… Prévenir l’émergence de la résistance antimicrobienne est l’affaire de tous, et cela commence par l’usage rationnel des antimicrobiens, dans la maladie de Lyme aussi.
* Sorbonne université ; service de maladies infectieuses et tropicales, hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, AP-HP, 75013 Paris.
1. Haddad E, Chabane K, Jaureguiberry S, Monsel G, Pourcher V, Caumes E. Holistic approach in patients with presumed Lyme borreliosis leads to less than 10% of confirmation and more than 80% of antibiotics failure. Clin Infect Dis 2018. doi:10.1093/cid/ciy799.

2. Desenclos JC. L’élaboration des recommandations de prise en charge de la maladie de Lyme : un nécessaire questionnement éthique. BEH 2019(n° 14):246-7. https://bit.ly/2QdOUqV