C’est le constat d’une nouvelle expertise de l’Anses : riche en protéines, le soja est de plus en plus présent dans de nombreux produits industriels (biscuits apéritifs, desserts, crèmes, nuggets…), parfois à l’insu des consommateurs. Or les phytoœstrogènes qu’ils contiennent (isoflavones) sont des perturbateurs endocriniens à éviter chez l’enfant…

Le soja est la principale source d’isoflavones, mais la teneur est très variable selon les produits

Les isoflavones sont des phytoœstrogènes qui peuvent, à ce titre, se fixer sur les récepteurs œstrogéniques des cellules de l’organisme. Ce faisant, ils peuvent potentiellement perturber leur fonctionnement, avec un rôle soit inhibiteur soit activateur en fonction de leur concentration et de l’organe affecté.

Ils sont présents en abondance dans le soja et ses produits dérivés, tels que boissons ou desserts à base de soja, tofu, etc. ; ils le sont aussi, mais en faibles quantités, dans la plupart des végétaux, principalement dans les légumineuses.

La teneur en isoflavones est très variable entre les différents produits à base de soja disponibles sur le marché. Les procédés de fabrication sont l’une des raisons de cette variabilité : en effet, les traitements traditionnels comme ceux utilisés en Asie (fermentations, notamment) réduisent généralement la teneur en phytoœstrogènes, alors que les procédés industriels l’augmentent.

Ainsi, parmi tous les aliments disponibles sur le marché français, les produits identifiés par l’Anses comme ayant les plus fortes teneurs en isoflavones sont tous à base de soja et, pour la plupart, issus de transformations industrielles : desserts et boissons au soja, substituts de viande (boulettes, steaks, saucisses, nuggets…), biscuits d’apéritif, etc. (v. tableau p. 32 du rapport d’expertise pour la liste complète). De nombreux produits peuvent contenir du soja sans que cela soit mentionné sur l’étiquetage frontal, amenant les consommateurs à ingérer des isoflavones à leur insu.

La majorité des consommateurs de soja dépassent les VTR

Fondée sur l’analyse des dernières données disponibles humaines et animales, l’Anses a établi de nouvelles valeurs toxicologiques de référence (VTR) par ingestion – c’est-à-dire des seuils en-dessous desquels il n’y a quasiment aucun risque pour la santé.

Ces seuils, établis notamment eu égard aux effets reprotoxiques des isoflavones, sont déclinés en deux :

  • pour la population générale : 0,02 mg/kg de poids corporel/jour ;
  • pour les femmes enceintes et en âge de procréer ainsi que les enfants prépubères : 0,01 mg/kg de poids corporel/jour.

L’Anses a ensuite examiné les données de consommation alimentaire de la population française issues des études Inca 3 (2014 - 2015), EAT2 (2006) et EATi (2005). Elle a conclu que les personnes déclarant consommer des aliments à base de soja ont un fort risque de dépassement des VTR en isoflavones ; cela est vrai dans toutes les tranches d’âge et en particulier chez les enfants. En effet, les teneurs élevées en isoflavones dans la plupart de ces aliments entraînent ce dépassement même lorsque le niveau de consommation est faible. Ainsi :

  • 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant ces aliments dépassent la VTR,
  • de même que 53 % des filles de 11 à 17 ans,
  • et 47 % des hommes de 18 ans et plus et des femmes de 18 à 50 ans.

Recommandations de l’Anses

Ainsi, en l’état actuel des connaissances sur les VTR et les teneurs en isoflavones des aliments présents sur le marché français, l’Anses recommande particulièrement :

  • de ne pas utiliser d’aliments à base de soja en restauration collective, quelle que soit la population ; en effet, un ajout récurrent de ce type d’aliments dans ce cadre ferait entrer tous les bénéficiaires de la restauration collective dans la catégorie « consommateur de soja », qui est associée à un dépassement de la VTR établie. Dans le cadre des menus végétariens exigés par la loi EGalim, elle préconise donc de s’orienter vers des menus ne contenant pas de soja ;
  • de développer et mettre en place des méthodes de réduction des teneurs en isoflavones des produits à base de soja, qu’il s’agisse de techniques agronomiques ou de procédés de transformation.

Enfin, pour rappel :

  • il est recommandé aux femmes enceintes ou allaitantes de ne pas consommer du soja ou ses produits dérivés ;
  • avant 3 ans, les jus végétaux, dont les boissons à base de soja,ne doivent pas être donnés en remplacement du lait maternel ou d’un lait infantile ;
  • les compléments alimentaires à base de soja (souvent vendus avec des allégations d’un bénéfice sur les bouffées de chaleur de la ménopause, par exemple) sont à éviter, notamment par les femmes ayant un antécédent personnel ou familial de cancer du sein ou une hypothyroïdie.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Une question, un commentaire ?