Une équipe française a élaboré, grâce à un outil d’intelligence artificielle, une nouvelle cartographie des glioblastomes à partir des données de plus de 1 600 tumeurs. Leurs résultats, publiés dans la revue Precision Oncology, permettent de comprendre l’hétérogénéité de ce cancer et d’identifier des sous-types qui pourraient mieux répondre à des traitements ciblés.

Environ 3 500 glioblastomes sont diagnostiqués chaque année en France (données de 2018). Il s’agit de la tumeur du système nerveux central la plus fréquente chez l’adulte et la plus agressive, avec une survie nette standardisée de 7 % à 5 ans. Alors que sur les 30 dernières années, les avancées thérapeutiques ont considérablement amélioré le pronostic de très nombreux cancers, il n’y a pas eu, pour les glioblastomes, d’amélioration notable de la survie nette standardisée à 5 et 20 ans depuis 1990.

L’hétérogénéité histologique et moléculaire de ces tumeurs – voire au sein d’une seule et même tumeur – est l’un des défis les plus importants au niveau thérapeutique. Une meilleure connaissance des différents sous-types et de leurs caractéristiques permettrait donc d’affiner les traitements et, éventuellement, d’améliorer le pronostic.

C’est pourquoi des chercheurs des laboratoires CANTHER (CNRS, Inserm, Université de Lille, CHU de Lille et Institut Pasteur de Lille) et de Bio-imagerie et Pathologies (CNRS et Université de Strasbourg) ont créé un outil informatique qui cartographie les tumeurs selon l’activité des facteurs de régulation génétique, permettant ainsi d’en identifier différents types.

Des données de plus de 1 600 patients

C’est grâce aux données de 1 612 tumeurs provenant de 16 études – traitées par un algorithme de machine learning – que les chercheurs ont pu créer cet outil informatique interactif baptisé GBM-cRegMap.

Ils se sont concentrés particulièrement sur les réseaux de régulation génétique (responsables des différents sous-types moléculaires et cellulaires des tumeurs), c’est-à-dire sur l’activité des molécules régulatrices de l’expression génétique que sont les facteurs de transcription. En effet, l’évaluation de cette activité permet notamment de détecter des « régulateurs maîtres » : les molécules qui jouent un rôle central dans le développement tumoral.

« Chaque tumeur est particulière », explique Mohamed Elati, dernier auteur de l’étude, « les gènes exprimés sont nombreux et différents, form[ant] un réseau complexe d’interactions. Nos travaux révèlent une hiérarchie contrôlée par [ces « régulateurs maîtres »] – molécules clés hyperconnectées – qui maintiennent activement la tumeur  ».

L’intérêt ? Affiner la compréhension des sous-types de tumeurs, chacun étant associé à des mécanismes biologiques spécifiques et à un pronostic différent.

Alors que des travaux précédents avaient permis de classifier les glioblastomes en 4 grands types moléculaires, cette étude a permis d’aller plus loin, en en identifiant 7 types. C’est donc la plus grande cartographie élaborée à ce jour de l’activité transcriptionnelle des gliobastomes.

Un outil interactif en libre accès pour faire avancer la recherche

Cette carte a non seulement centralisé les données d’études précédentes, mais elle est une interface interactive en libre accès (https ://gbm.cregmap.com) qui permet à d’autres chercheurs de charger de nouvelles données pour les comparer à celles existantes.

Les applications potentielles de ce nouvel outil sont multiples : explorer les ressemblances et les différences entre les différents sous-types, identifier les « régulateurs maîtres », détecter des sous-types rares, associer des tumeurs à des profils transcriptionnels particuliers, voire définir de nouvelles cibles thérapeutiques associées à différents stades tumoraux et à la plasticité des cellules tumorales, ou encore mieux comprendre la résistance à certains traitements. Par exemple, cet outil a d’ores et déjà permis d’identifier des régulateurs clés comme PAX8 et NKX2.5, potentiellement impliqués dans la résistance à la témozolomide (le NKX2.5, davantage exprimé dans les gliomes de haut grade, a de fait un impact négatif sur la survie des patients).

Ces données permettront peut-être dans le futur de développer des traitements plus personnalisés. À suivre…

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