Les peptides natriurétiques jouent un rôle central dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque (IC) : ils ont l’avantage de l’objectivité, de la reproductibilité et de la disponibilité généralisée. Leur utilisation facilite à la fois le diagnostic et l’exclusion précoces de l’IC : un taux élevé de peptides natriurétiques évoque très fortement une insuffisance cardiaque, alors qu’un taux normal écarte le diagnostic.
Actuellement, en cas de dyspnée chronique chez un patient reçu en consultation, les seuils de NT-proBNP retenus par la Société européenne de cardiologie (ESC) sont :
- un taux < 125 pg/mL pour exclure l’insuffisance cardiaque (rule-out),
- et un taux variant selon l’âge pour confirmer le diagnostic (rule-in) : ≥ 125 pg/mL chez les moins de 50 ans, ≥ 250 pg/mL chez les 50 - 75 ans et ≥ 500 pg/mL chez les plus de 75 ans.
Cependant, les seuils optimaux sont toujours à l’étude, puisque certains paramètres cliniques (outre l’âge) peuvent influencer le dosage. En effet, les taux de NT-proBNP sont plus bas en cas d’IC avec fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) préservée (comparés à ceux de l’IC à FEVG altérée), ainsi que chez les patients en situation d’obésité.
De nouveaux seuils en fonction de l’IMC
Afin de proposer des seuils de NT-proBNP (rule-in et rule-out) plus performants, des chercheurs américains ont évalué rétrospectivement leur efficacité dans une cohorte de patients souffrant de dyspnée chronique et ayant un diagnostic d’insuffisance cardiaque à FEVG préservée par cathétérisme droit d’effort à la Mayo Clinic (États-Unis) [N = 414 personnes], ainsi que dans trois autres cohortes de malades. De nouveaux seuils de NT-proBNP ont ensuite été proposés, puis testés dans trois autres cohortes, pour validation.
Les résultats ont été publiés dans Circulation. Il en ressort que le seuil rule-out actuellement recommandé pour exclure l’IC (NT-proBNP < 125 pg/mL) a une sensibilité de 82 % (IC 95 % = [77 % ; 88 %]) en cas d’IMC < 35, mais cette dernière descend à 67 % (IC 95 % = [58 % ; 77 %]) en cas d’IMC ≥ 35. Les auteurs indiquent qu’un seuil de rule-out plus bas (NT-proBNP < 50 pg/mL) a une bonne sensibilité en cas d’IMC < 35 (97 %, IC 95 % = [95 % ; 99 %]) et aussi en cas d’IMC ≥ 35 (86 %, IC 95 % = [79 % ; 93 %]).
Les seuils rule-in recommandés aujourd’hui, stratifiés selon l’âge, ont, quant à eux, une spécificité de seulement 65 % (IC 95 % = [57 % ; 72 %]). Les auteurs proposent donc de nouveaux seuils pour confirmer le diagnostic d’IC à FEVG préservée, fondés sur l’IMC : dans leur étude, un seuil de NT-proBNP ≥ 500 pg/mL en cas d’IMC < 35 a ainsi une spécificité de 85 % (IC 95 % = [78 % ; 91 %]) et de 100 % si l’IMC > 35 ; un seuil plus bas, fixé à 220 pg/mL en cas d’IMC ≥ 35, maintient une bonne spécificité, à 88 % (IC 95 % = [73 % ; 100 %]). Des performances équivalentes de ces nouveaux seuils de NT-proBNP ont été retrouvées dans les différentes cohortes de validation.
Par ailleurs, le dosage du NT-proBNP n’a montré qu’une valeur diagnostique supplémentaire modeste en cas de fibrillation atriale, cette pathologie étant elle-même associée à un risque élevé d’IC à FEVG préservée chez les patients ayant une dyspnée chronique.
Selon les auteurs, ces résultats montrent que les précédents seuils de NT-proBNP mènent à des taux d’erreur inacceptables, tandis que ces nouveaux seuils stratifiés par l’IMC réduisent les erreurs et guident de manière plus appropriée les examens supplémentaires.