Un métal précieux : l’or
L’allergie est de plus en plus fréquente
Depuis le début des années 1990, plusieurs observations d’allergie à l’or ont été colligées. Dans un premier temps, elles concernaient les patients porteurs de stents ou de couronnes en or. Des eczémas de contact localisé sur les lobes d’oreilles, le cou, le poignet, après le port de bijoux en or ont été aussi décrites.
L’or a longtemps été considéré comme un métal peu allergisant en raison de son inertie et de sa capacité à résister à l’oxydation. C’est pour cette raison qu’il est couramment utilisé dans les boucles d’oreilles provisoires ou définitives pour le perçage des lobes. Cependant, plusieurs études récentes rapportent des cas d’eczéma de contact chez de jeunes enfants voire des nourrissons après pose de boucles d’oreilles. Ces réactions peuvent s’aggraver au fur et à mesure des tentatives successives (certains parents infligeant à leur enfant jusqu’à trois perçages consécutifs). Ces publications soulèvent des interrogations sur l’innocuité des perçages d’oreillesréalisés trop tôt chez les enfants au système immunitaire encore trop immature.
La prévalence est estimée à 14 % chez les patients atteints de dermatite qui ont eu un bilan, mais les variations dans l’utilisation de l’or ainsi que la disparité dans les résultats des patch-tests compliquent l’estimation.
Les facteurs favorisants sont :
- le port de bijoux en or ou plaqués or ;
- le perçage des oreilles trop précoce chez l’enfant ;
- la pose de stent contenant de l’or, avec récidives plus fréquentes des sténoses coronariennes ;
- le port d’écouteurs intra-auriculaires ou appareils auditifs recouverts d’alliage contenant de l’or ;
- la présence d’or dans le matériel dentaire.
Faire le diagnostic
L’interrogatoire, avec l’histoire clinique, la notion de récidives à chaque contact et les antécédents à la recherche de facteurs favorisants, précède et oriente la réalisation de patch-tests. Cela inclut la batterie standard européenne (qui contient divers métaux autres que l’or), y compris la batterie dentaire complémentaire, selon le laboratoire fournisseur :
- Le patch-test GSTS : gold sodium thiosulfate (thiosulfatoaurate de sodium dilué à 2 % et à 0,25 % dans la vaseline).
- Le patch-test dicyanoaurate de potassium dilué dans l’eau à 0,002 %.
L’interprétation des tests est parfois rendue difficile par la présence d’une réaction par irritation.
Une sensibilité aux nanoparticules
Les nanoparticules d’or (AuNP), de taille comprise entre 1 et 100 nanomètres, ont des propriétés physiques et chimiques qui en font désormais des matériaux incontournables dans de nombreuses applications industrielles : capteur électrochimique, revêtements antimicrobiens, catalyseurs, additifs dans les piles à combustible. De surcroît, de nouvelles utilisations émergent, notamment dans le domaine médical (imagerie, propriétés antimicrobiennes) et celui du stockage des données.
L’inhalation et le contact dermique sont des voies d’exposition possibles. Les personnes ayant une allergie de contact à l’or seraient potentiellement plus vulnérables aux effets immunitaires indésirables liés aux contacts avec les nanoparticules d’or.
Les parfums des cosmétiques
La structure moléculaire des parfums conditionne leurs caractéristiques et le risque de sensibilisation. Cela est valable qu’ils proviennent de sources naturelles (molécules issues d’huiles essentielles, encadré), ou qu’ils soient fabriqués en laboratoire, comme les parfums synthétiques à partir de dérivés du pétrole.
Eczéma de contact
Les molécules allergisantes appelées haptènes sont des substances chimiques de faible poids moléculaire qui peuvent entraîner un eczéma de contact seulement lorsqu’elles se combinent avec un vecteur : soit des protéines de la peau lors de l’application cutanée (comme le géraniol) ; soit lorsqu’ils s’oxydent au contact de l’air comme le linalol ou le limonène.
Intégrés dans les produits cosmétiques, les eaux de parfum, etc., les parfums peuvent provoquer un eczéma de contact principalement au niveau des mains et du visage. Les réactions peuvent se déclencher par contact direct sur la peau, mais aussi par procuration (via un parfum porté par une autre personne) ou par voie aéroportée. Cet eczéma se manifeste aussi bien sous des formes aiguës que chroniques, que ce soit avec de nouveaux parfums ou des fragrances utilisées depuis longtemps.
Attention aux interactions entre les rayons UV et certains composés naturels photosensibilisants tels que les furocoumarines et les terpènes présents dans les parfums, pouvant entraîner des photodermatoses.
La cosmétovigilance permet de répertorier les réactions allergiques observées avec les cosmétiques sur le site de l’Anses : https ://www.anses.fr/fr/content/cosmetovigilance-et-tatouvigilance
Les patch-tests
La batterie standard européenne peut orienter :
- Test fragrances mix I : mélange d’alcool cinnamique, cinnamal, hydroxycitronellal, amyl cinnamal, géraniol, eugénol, isoeugénol, oakmoss absolute.
- Test fragrances mix II : Lyral, citral, farnésol, citronellol, aldéhyde hexyl cinnamique, coumarine.
- Test au baume du Pérou (qui contient cinnamal, alcool cinnamique et isoeugénol).
- Test à la colophane.
- Batterie complémentaire parfums pour compléter le bilan.
Une nouvelle réglementation
Depuis 2014, certaines marques de parfums de luxe ont dû relever le défi de modifier leur formule sans dénaturer leur identité olfactive : la Commission européenne a interdit l’utilisation de l’atranalol et du chloroatranalol, puis du Lyral et du Lilial, molécules à haut potentiel allergisant. Les deux dernières font partie des 26 allergènes parfumés à étiquetage obligatoire selon le règlement CE n° 1223/2009.
Pour renforcer la protection des consommateurs, l’étiquetage obligatoire des parfums a évolué avec le nouveau règlement UI 2023/1545, qui impose désormais de signaler la présence dans les cosmétiques de 81 allergènes parfumés, lorsque leur concentration dépasse 0,001 % dans les produits sans rinçage et 0,01 % dans ceux à rincer. Les produits concernés ont jusqu’au 31 juillet 2028 pour se conformer au règlement pour les produits déjà sur le marché, avec une période de transition de 3 ans pour les nouveaux produits. Attention : les termes « sans parfums » ou « hypoallergénique » sont des arguments publicitaires et n’ont aucune valeur légale (la présence de parfums n’est pas forcément signalée compte tenu des critères cités ci-dessus).
Caviar et œufs de poisson
Caviar beluga : urticaire, angiœdème, anaphylaxie
Le caviar beluga, en raison de sa rareté et de son long processus de production, est considéré comme l’un des mets les plus chers et les plus luxueux au monde. Il est obtenu à partir de l’esturgeon de mer Caspienne appelé Huso huso.
L’allergie alimentaire immédiate médiée par les IgE au caviar beluga, bien qu’exceptionnelle, a été documentée en 2002 : un homme d’une cinquantaine d’années a eu à trois reprises une réaction anaphylactique après en avoir consommé. Un cas similaire concerne un homme de 59 ans ayant eu des symptômes de type anaphylactique presque immédiatement après avoir ingéré une cuillère à café de caviar. Les tests cutanés en prick, réalisés à l’époque avec des œufs d’esturgeon, se sont révélés positifs.
En 2019, un article relate l’histoire d’une femme de 48 ans qui, lors d’un repas incluant entre autres du caviar beluga, a ressenti une sensation de chaleur au niveau des oreilles, suivie de nausées et d’un œdème facial, évoluant rapidement vers une réaction anaphylactique. Un bilan allergologique réalisé à distance de cet épisode a montré un test positif au caviar impérial. Par la suite, elle a de nouveau eu une anaphylaxie lors d’une visite dans une zone de production de caviar, faisant suspecter l’implication de l’inhalation des allergènes issus des œufs d’esturgeon.
Allergies aux œufs de poissons
En cause dans la grande majorité des cas : les œufs de saumon (caviar rouge). Ces allergies sont nettement plus fréquentes dans les pays nordiques et au Japon, où les produits de la mer occupent une place importante dans l’alimentation.
Au Japon, elles représentent la deuxième cause d’allergie alimentaire chez les enfants d’un à six ans. Pour cette raison, dans ce pays, contrairement à l’Europe, signaler la présence des œufs de saumon dans les produits est recommandé (mais non obligatoire).
Que ce soit dans le caviar noir beluga ou dans le caviar rouge de saumon, les allergènes responsables sont totalement différents de ceux de la chair de poisson, donc il n’y pas de risque d’allergie croisée. Trois allergènes sont identifiés dont le précurseur est la vitellogénine : lipovitelline (21 kDa) ; ß’-c vitellogénine (18 kDa ; pour les œufs de saumon Oncorhynchus keta, elle s’appelle Onc k5) ; phosvitine (35 kDa). Au Japon, 25 % des personnes réagissant à la vitellogénine du jaune d’œuf de poule réagissent également à celle des œufs de saumon.
En 2020, le premier cas d’allergie au caviar beluga décrit par une équipe française a permis d’isoler un quatrième allergène : une protéine de 26 kDa.
Faire le diagnostic
L’histoire clinique avec la chronologie des événements est primordiale. À ce jour, il n’existe pas de dosage d’IgE spécifiques correspondant aux œufs de poissons. Un prick-test avec l’aliment natif peut être envisagé (caviar de saumon ou impérial ou beluga).
Huiles essentielles : source de nombreuses réactions
Une huile essentielle est, selon l’ANSM et l’Afnor/ISO, un produit odorant généralement de composition complexe obtenu à partir d’une matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement par la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique approprié sans chauffage. Elles sont constituées de molécules de petite taille très volatiles. Les huiles essentielles pures ne sont pas à étiquetage obligatoire sauf lorsqu’elles sont incluses dans les cosmétiques (liste des 81 allergènes parfumants). Leur implication dans l’apparition de manifestations respiratoires ou dermatologiques n’est plus à démontrer :
- eczéma de contact, surtout décrit avec l’huile essentielle de lavande et d’arbre à thé (tea tree) ; les lésions peuvent apparaître dans les 24 à 48 heures après l’application ou dès la première utilisation ;
- réaction d’irritation surtout en cas d’application sur les muqueuses (contre-indiquée) ;
- réactions phototoxiques ou photoallergiques ;
- réaction anaphylactique ;
- dermatose bulleuse.
Pour les patch-tests :
- Test fragrances mix I et/ou II positif.
- Test limonène positif et/ou test linalol positif dans 50 % des cas.
Les huiles essentielles sont testées diluées à la concentration de 2 à 5 % dans la vaseline pour éviter les phénomènes d’irritation.
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