L’ostéoporose est une maladie asymptomatique tant que ne survient pas de fracture, ce qui en constitue l’unique mais redoutable complication. Le MG joue un rôle clé dans l’identification en amont des sujets à risque et l’initiation du traitement. Quels sont les facteurs de risque ? Chez qui prescrire une densitométrie ? Quel traitement médicamenteux choisir en fonction du profil du patient ? Le point avec le Pr Patrice Fardellone (rhumatologue, CHU d’Amiens).

Dans l’année suivant une fracture ostéoporotique sévère, moins de 1 patient sur 5 reçoit un traitement antiostéoporotique en France, selon des données nationales du SNDS sur la période 2009 - 2014 (dernières données disponibles étudiées). Cette proportion tombe à 6 % chez les patients jamais pris en charge pour l’ostéoporose précédemment.

Manque d’adhésion des patients en raison de la surmédiatisaton de certains effets indésirables, caractère « silencieux » de la maladie qui passe inaperçue, méconnaissance de cette dernière en raison du peu de temps d’enseignement médical qui lui est consacré… sont autant de raisons pour expliquer ce sous-traitement.

Or ce « fossé thérapeutique » est lourd de conséquences : individuelles (risque de « cascade fracturaire » après une première fracture, perte d’autonomie, surmortalité…) et sociétales puisque le coût des fractures ostéoporotiques est estimé à près de 7 milliards d’euros/an en 2019 (soit environ 3 % des dépenses de santé).

D’où l’importance de prévenir ces fractures en repérant correctement les sujets les plus à risque pour instaurer un traitement adéquat – et ce d’autant plus que le nombre de fractures ne fait que croître d’année en année en raison du vieillissement de la population.

Dépister les patients à risque : quand prescrire une densitométrie ?

Deux situations existent : avant et après la première fracture. Comme dans toute pathologie curable, il est préférable de poser le diagnostic d’ostéoporose le plus tôt possible, de préférence avant la première fracture, afin de mettre en place un traitement adapté.

Chez les personnes asymptomatiques, c’est-à-dire avant la fracture, seule la densitométrie (éventuellement associée à l’outil FRAX) permet de poser le diagnostic. Cet examen est indiqué et remboursé en présence de facteurs de risque d’ostéoporose :

– Quels que soient l’âge et le sexe :

  • corticothérapie systémique ≥ 3 mois, à ≥ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone ;
  • endocrinopathies ou pathologies déminéralisantes : hypogonadisme prolongé (dont orchidectomie, traitement prolongé par analogue de la GnRH…), hyperthyroïdie évolutive non traitée, hypercorticisme, hyperparathyroïdie primitive, ostéogenèse imparfaite.

– Chez la femme ménopausée :

  • antécédent chez un parent au 1er degré de fracture du col fémoral sans traumatisme majeur ;
  • IMC < 19 kg/m2  ;
  • ménopause avant 40 ans, quelle qu’en soit la cause ;
  • antécédent de corticothérapie systémique ≥ 3 mois, à ≥ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone.

La présence d’une fracture évocatrice d’ostéoporose est, bien sûr, une autre indication : fracture de basse énergie (en règle générale n’excédant pas la hauteur du sujet ; hors contexte traumatique ou tumoral) d’un os quelconque à l’exception du crâne, du rachis cervical, du rachis thoracique de T1 à T4, des mains et des orteils.

La densitométrie est aussi utile (mais non remboursée) dans d’autres situations non prises en compte par ces indications, qui sont restrictives et anciennes (2006) : maladies chroniques ayant un retentissement sur l’os (cancers, maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, malabsorption, anorexie, traitements comme les antiaromatases…).

Cet examen est réalisé sur deux sites osseux (rachis lombaire, extrémité supérieure du fémur). La densité minérale osseuse (DMO) s’exprime en T-score, écart entre la densité osseuse mesurée et la densité osseuse théorique de l’adulte jeune de même sexe, au même site osseux :

  • T-score > - 1 : densité normale.
  • 2,5 < T-score ≤ - 1 : ostéopénie.
  • T-score ≤ - 2,5 : ostéoporose (sévère si associé à une ou plusieurs factures).

Qui traiter ?

La décision thérapeutique repose donc sur :

  • la mesure de la DMO ;
  • l’antécédent personnel de fracturepar fragilité osseuse ;
  • la présence d’autres facteurs de risque d’ostéoporose et/ou de chute.

Dans les situations intermédiaires, le calcul du score FRAX peut aider à prendre la décision. Il permet de quantifier le risque individuel (absolu) de fracture majeure à 10 ans. Ensuite, une courbe donne un seuil (en fonction de l’âge) au-delà duquel il faut prescrire un traitement (fig. 1) ; elle est valable uniquement pour les femmes ménopausées, puisqu’elle compare le risque de la patiente à celui d’une femme du même âge qui a déjà eu une fracture sévère.

L’algorithme en figure 2 ci-contre résume les indications pour l’instauration d’un traitement antiostéoporotique selon ces différents facteurs.

Le cas particulier d’une corticothérapie en cours est détaillé dans l’algorithme en figure 3 ci-contre.

Quelle stratégie thérapeutique choisir ?

Avant d’instaurer un traitement antiostéoporotique, il faut :

  • corriger une éventuelle carence en calcium et/ou en vitamine D ;
  • recommander le sevrage tabagique, l’exercice physique et la prévention des chutes (voir notre article dédié ici).

Le choix du médicament est fonction des sites atteints par la ou les fractures, du profil du patient et des contre-indications, mais aussi des indications de remboursement (figures 2, 4 et 5 ci-contre).

Bisphosphonates

L’alendronate (Fosamax et génériques, Steovess, Bonasol), le risédronate (Actonel et génériques) et le zolédronate (Aclasta et génériques) ont montré leur efficacité dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique pour réduire le risque de fracture vertébrale et de hanche chez les patientes à risque élevé de fracture, et sont remboursables dans cette indication.

Ils se différencient entre eux par d’éventuelles autres indications (ostéoporose cortisonique, ostéoporose masculine, etc.), leur tolérance et précautions d’emploi, leur rythme et voie d’administration (v. tableau). Ils sont tous indiqués aussi dans l’ostéoporose masculine sauf l’association risédronate + calcium/vitamine D3.

Précautions d’emploi :

  • faire effectuer un bilan buccodentaire préalable, suivi des soins nécessaires (risque exceptionnel d’ostéonécrose mandibulaire). À répéter au moins 1 fois/an pendant la durée du traitement ;
  • informer le patient qu’il faut prendre le médicament à jeun et au moins 30 min avant le repas, debout ou assis (sans se recoucher ensuite), et avec un grand verre d’eau plate peu minéralisée (eau du robinet par exemple), pour réduire le risque de lésion œsophagienne (excepté Actonel, risédronate, en comprimé gastro-résistant qui doit être pris immédiatement après le petit-déjeuner).

Dénosumab

Prolia (60 mg, SC), anticorps monoclonal inhibiteur des ostéoclastes, est utilisé en 2e intention en relais des bisphosphonates en cas d’ostéoporose post-ménopausique chez les patientes à risque élevé de fracture.

Précautions d’emploi :

  • risque infectieux (urinaire et des voies respiratoires supérieures, cellulite infectieuse) et allergique (éruption cutanée) ;
  • risque d’ostéonécrose de la mâchoire similaire à celui observé avec les bisphosphonates ;
  • risque de rebond du remodelage osseux à l’arrêt du traitement pouvant conduire à des fractures vertébrales multiples => attention à l’observance et prévoir un traitement par bisphosphonates à leur interruption. L’exposition préalable aux bisphosphonates limite l’effet rebond.

Administration : 1 injection sous-cutanée (60 mg) tous les 6 mois.

La Commission de la transparence a proposé que la prescription initiale soit réservée aux médecins spécialistes de l’ostéoporose (notamment rhumatologues, gynécologues, gériatres et internistes).

Raloxifène

Evista et Optruma (60 mg, cp) ont montré une efficacité seulement sur les fractures vertébrales.

Indication remboursable : patientes ayant une ostéoporose rachidienne à faible risque de fracture du col du fémur, de moins de 70 ans, sans facteur de risque thrombo-embolique veineux et dont la carence vitamino-calcique a été corrigée.

Précautions d’emploi :

  • contre-indiqué si : accident thrombo-embolique veineux (antécédent ou en évolution), antécédent de cancer de l’endomètre ou saignement génital inexpliqué ;
  • à utiliser avec précaution en cas d’antécédent d’AVC ou des facteurs de risque importants d’AVC (AIT, FA, etc.).

Administration : une prise par jour.

Romosozumab

Evenity (105 mg, solution injectable).

Indication : patientes ménopausées de < 75 ans atteintes d’ostéoporose sévère avec un antécédent de fracture sévère et sans antécédent de coronaropathie.

Précautions d’emploi :

  • CI si antécédent d’infarctus du myocarde ou d’AVC. Évaluer les facteurs de risque CV avant l’instauration du traitement (HTA, hyperlipidémie, diabète, tabagisme, IR sévère...) ;
  • l’arrêt doit être suivi d’un relais par bisphosphonates.

Prescription réservée aux gériatres et aux rhumatologues.

Non remboursable à ce jour.

Tériparatide

Forsteo (20 μg/80 μL, SC) et ses biosimilaires sont réservés aux patients ayant eu au moins 2 fractures vertébrales.

Il est indiqué et remboursable en cas d’ostéoporose :

  • post-ménopausique pour réduire le risque de fracture vertébrale et périphérique, mais non de la hanche, chez les femmes ayant déjà eu 2 fractures vertébrales ;
  • chez les hommes avec déjà 2 fractures vertébrales ;
  • cortisonique compliquée d’au moins 2 fractures vertébrales chez les femmes et les hommes recevant une corticothérapie au long cours par voie générale.

Administration : 1 injection sous-cutanée/jour.

Durée maximale de 24 mois (remboursement limité à 18 mois).

Le coût des différents traitements est précisé sur le site de la HAS : Les médicaments de l’ostéoporose.

D’après
Fardellone P. Ostéoporose : qui traiter, comment, combien de temps, et quelle surveillance ?  JNMG 10 octobre 2024.
Fardellone P. Diagnostic et dépistage de l’ostéoporose.  Rev Prat 2020;70(9);1023-6.
Nobile C. Traitements de l’ostéoporose : nouvelles recos de la HAS. Rev Prat (en ligne), 27 janvier 2023.

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