L’oxygénothérapie à long terme améliore la survie des patients souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive insuffisants respiratoires chroniques sévères. La détermination des indications de ce traitement contraignant (pendant plus de 15 heures par jour) nécessite des mesures des gaz du sang artériel. Le choix de la source d’oxygène dépend des possibilités de déambulation du patient et du débit requis.

L’insuffisance respiratoire est définie par l’incapacité des poumons à assurer leur fonction essentielle : apporter l’oxygène (O2) à l’organisme. En cas d’insuffisance respiratoire, quelle qu’en soit la cause, le traitement symptomatique le plus logique est d’apporter un supplément d’O2 dans les voies respiratoires. En France, la prescription d’oxygénothérapie au domicile a augmenté de 88 % entre 2006 et 2019, avec plus de 139 000 patients traités en 2019 (208/100 000 habitants).1 Les études ont concerné surtout les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO), et leurs résultats ont été extrapolés aux autres causes d’insuffisance respiratoire chronique (IRC).

Oxygénothérapie des insuffisances respiratoires chroniques en état stable

Indications précises

En cas de BPCO

  • l’étude du Nocturnal Oxygen Therapy Trial Group3 a inclus des patients souffrant de BPCO hypo­xémiques, randomisés entre O2 en continu (n = 101), et pendant douze heures la nuit (n = 102). À deux ans, la mortalité était respectivement de 22,4 % et de 40,8 % (p = 0,01) ;
  • le Report of the Medical Research Council Working Party4 a inclus 87 patients randomisés entre O2 pendant plus de quinze heures par jour dans le bras traité et pas d’O2 dans le bras témoin. À cinq ans, la mortalité globale était respectivement de 45 % et de 66 %.
 

Dans les autres insuffisances respiratoires chroniques

Nombreux bénéfices de l’oxygénothérapie

  • une amélioration des capacités d’exercice physique,12 de la qualité du sommeil, de la qualité de vie à sévérité égale, et des performances neuropsychiques ;
  • une diminution des hospitalisations pour exacerbations de BPCO,13 et de la vasoconstriction artérielle pulmonaire hypoxique, favorisant une baisse de la pression artérielle pulmonaire.

Risques de l’OLT

Aggravation de l’hypercapnie

  • un émoussement des centres respiratoires à l’hypercapnie ;
  • une aggravation de l’effet shunt par levée de la vasoconstriction hypo­xique ;
  • un effet Haldane (en présence d’O2, le CO2 se dissocie davantage de l’hémoglobine).
 

Inflammabilité de l’oxygène

Divers autres risques

Prescription en pratique

Au moins quinze heures par jour

Débits souvent faibles

Mise en place d’une OLT en pratique

Aspects administratifs

  • une demande de prise en charge à 100 % dans le cadre de l’ALD au titre de l’IRC par le médecin traitant ;
  • une ordonnance pour la fourniture de l’O2 (fig. 2) par le spécialiste (pneumologue, médecin compétent en mucoviscidose, en hypertension pulmonaire, pédiatre expert en IRC). La prescription initiale de trois mois est à renouvellement annuel (en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad], ce renouvellement peut être effectué par le médecin coordinateur après avis). Toute modification doit faire l’objet d’une nouvelle prescription.

Sources d’oxygène

  • les bouteilles d’O2 gazeux comprimé sont utiles pour des traitements de courte durée, ou en appoint et en secours en l’absence de courant électrique. Elles sont peu utilisées du fait des contraintes de manipulation et des risques ;
  • les concentrateurs permettent de produire de l’O2 par adsorption de l’azote de l’air ambiant sur des tamis moléculaires de zéolithe, avec une pureté de 90 ± 5 %. Ils peuvent être bruyants. Il en existe plusieurs types :
 
  • l’O2 liquide donne une grande quantité de gaz sous un faible volume (1 L d’O2 liquide correspond à 860 L de gaz). La cuve fixe est remplie régulièrement par le prestataire et un réservoir portable (de 0,4 à 1,2 L) permet la déambulation. L’avantage est l’autonomie du réservoir fixe permettant un débit de 2 L/min pendant cinq à sept jours, la possibilité de haut débit (fibroses pulmonaires) et l’utilisation en ambulatoire. Outre la nécessité de remplissages réguliers par le prestataire à domicile, le coût est élevé : la politique de l’Assurance maladie est d’en limiter l’usage aux indications non couvertes par les autres dispositifs. Entre 2006 et 2019, le recours à l’O2 liquide a diminué en France de 13 %.4
 

Choix de l’interface entre la source et le patient 

Contrôle régulier des gaz du sang

Adaptation des débits selon l’autocontrôle de la SpO2

Situations particulières

Oxygénothérapie à court terme

Oxygénothérapie en avion

  • contacter la compagnie aérienne pour l’informer et pouvoir utiliser à bord le concentrateur. Les compagnies indiquent le nombre de batteries autorisées. Les batteries au lithium sont soumises à la réglementation des transports aériens (https://www.humanairmedical.com/app/webroot/filemanager/Bagages_batterie_lithium_fr.pdf). Les compagnies peuvent demander une attestation médicale. Certaines fournissent l’O2, mais ce service est habituellement payant ;
  • vérifier auprès du prestataire et/ou de la compagnie aérienne que le concentrateur est conforme ;
  • s’assurer du bon état de marche du concentrateur et que les batteries sont suffisamment chargées ;
  • arriver tôt le jour du départ pour l'inspection de l’équipement.

Rôle du médecin traitant

L’auteur remercie Hanitra Rakoto (direction pharmaceutique de Vivisol) et Jean-Christophe Honoré (sales manager France et SE Inogen) pour leur aide sur les éléments réglementaires.
Références 
1. Ribeiro Baptista BR, Baptiste A, Granger B, Villemain A, Ohayon R, Rabec C, et al. Growth of home respiratory equipment from 2006 to 2019 and cost control by health policies. Respir Med Res 2022;82:100930.
2. Oxygénothérapie : recommandations et dangers. Société de pneumologie de langue française (splf.fr). D’après la session « oxygénothérapie » du 5 mai 2023.
3. Continuous or nocturnal oxygen therapy in hypoxemic chronic obstructive lung disease: A clinical trial. Nocturnal Oxygen Therapy Trial Group. Ann Intern Med 1980;93(3):391-8.
4. Long term domiciliary oxygen therapy in chronic hypoxic cor pulmonale complicating chronic bronchitis and emphysema. Report of the Medical Research Council Working Party. Lancet 1981;1(8222):681-6.
5. Górecka D, Gorzelak K, Sliwiński P, Tobiasz M, Zieliński J. Effect of long-term oxygen therapy on survival in patients with chronic obstructive pulmonary disease with moderate hypoxaemia. Thorax 1997;52:674-9.
6. Haidl P, Clement C, Wiese C, Dellweg D, Köhler K. Long-term oxygen therapy stops the natural decline of endurance in COPD patients with reversible hypercapnia. Respiration 2004;71 (4):342-7.
7. Long-Term Oxygen Treatment Trial Research Group; Albert RK, Au DH, Blackford AL, Casaburi R, Cooper Jr JA, et al. A randomized trial of long-term oxygen for COPD with moderate desaturation. N Engl J Med 2016;27;375(17):1617-27.
8. Lacasse Y, Sériès F, Corbeil F, Baltzan M, Paradis B, Simao P, et al.; INOX Trial Group. Randomized trial of nocturnal oxygen in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2020;383(12):1129-38.
9. Cordeiro R, Nunes A, Smith O, Renzoni EA. Oxygen in interstitial lung diseases. Breathe (Sheff) 2023;19(1):220271.
10. Khor YH, Harrison A, Robinson J, Goh NSL, Glaspole I, McDonald CF. Moderate resting hypoxaemia in fibrotic interstitial lung disease. Eur Respir J 2021;57(1):2001563.
11. Arizono S, Furukawa T, Taniguchi H, Sakamoto K, Kimura T, Kataoka K, et al. Supplemental oxygen improves exercise capacity in IPF patients with exertional desaturation. Respirology 2020;25(11):1152-59.
12. Nonoyama ML, Brooks D, Lacasse Y, Guyatt GH, GOLTstein RS. Oxygen therapy during exercise training in chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2007;18:CD005372.
13. Ringbaek TJ, Viskum K, Lange P. Does long-term oxygen therapy reduce hospitalization in hypoxaemic chronic obstructive pulmonary disease? Eur Respir J 2002;20:38-42.
14. Abdo WF, Heunks LMA. Oxygen-induced hypercapnia in COPD: Myths and facts Crit Care 2012;16(5):323.
15. Assimacopoulos EM, Liao J, Heard JP, Kluesner KM, Wilson W, Wibbenmeyer LA. The national incidence and resource utilization of burn injuries sustained while smoking on home oxygen therapy. J Burn Care Res 2016 ;37(1):25-31.
16. Arrêté du 23 février 2015 portant modification des modalités de prise en charge de dispositifs médicaux et prestations associées pour l’oxygénothérapie et ses forfaits associés. Journal officiel du 27 février 2015.
17. Zhang L, Wang Y, Ye Y, Gao J, Zhu F, Min L. Comparison of high-flow nasal cannula with conventional oxygen therapy in patients with hypercapnic chronic obstructive pulmonary disease: A systematic review and meta-analysis. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis 2023:18:895-906.
18. Spece LJ, Epler EM, Duan K, Donovan LM, Griffith MF, LaBedz S, et al. Reassessment of home oxygen prescription after hospitalization for chronic obstructive pulmonary disease. A potential target for deimplementation. Ann Am Thorac Soc 2021;18(3):426-32.
19. Austin MA,  Wills KE, Blizzard L, Walters EH, Wood-Baker R. Effect of high flow oxygen on mortality in chronic obstructive pulmonary disease patients in prehospital setting: Randomised controlled trial. BMJ 2010;341:c5462.

Résumé

La survie des patients souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) insuffisants respiratoires chroniques (IRC) sévères est améliorée par l’oxygénothérapie à long terme (OLT). D’autres bénéfices existent pour les patients IRC. Les indications de ce traitement contraignant (plus de 15 heures par jour) imposent des mesures des gaz du sang artériel chez l’adulte. Plusieurs acteurs sont impliqués : le spécialiste pour la prescription, le prestataire de service pour la fourniture et l’entretien du matériel, le patient et son entourage, le médecin traitant pour s’assurer que l’oxygénothérapie est bien tolérée et utilisée. Le médecin traitant peut prescrire une oxygénothérapie de court terme. Le choix de la source d’oxygène dépend des possibilités de déambulation du patient et du débit requis. Les concentrateurs électriques sont de plus en plus utilisés malgré des débits limités avec les appareils mobiles. L’oxygène liquide permet de délivrer des débits importants mais reste coûteux. Les principales complications de l’oxygénothérapie sont l’aggravation d’une hypercapnie chronique, des brûlures (surtout chez le fumeur actif)...