Des chercheurs de l’Université de Washington soulèvent une question préoccupante : l’exposition in utero au paracétamol pourrait-elle augmenter le risque de TDAH chez l’enfant ? Leur étude, parue dans Nature Mental Health, s’appuie sur des analyses biologiques précises, ce qui permet de s’affranchir des biais des études précédentes basées sur les déclarations des patientes.

Le paracétamol est considéré comme un médicament sûr pendant la grossesse. En effet, aucun risque de malformation ou de toxicité fœtale ou néonatale n’a été décrit. Toutefois, récemment, certaines études animales et observationnelles ont suggéré un possible rôle favorisant dans l’apparition de troubles neurodéveloppementaux (TDAH et autisme), mais elles manquent de solidité pour établir cette corrélation, notamment car elles reposent sur l’évaluation par la mère de sa consommation de paracétamol.

Pour dépasser cette difficulté méthodologique, des chercheurs américains se sont intéressés à CANDLE, une cohorte de paires mère-enfant aux États-Unis, déjà utilisée pour d’autres études médicales. Dans cette cohorte, 450 femmes enceintes afro-américaines (24,8 ans d’âge moyen) avaient eu un prélèvement de plasma au deuxième trimestre de grossesse (en moyenne à 22,8 semaines de grossesse), pour une analyse des métabolites primaires. C’est ainsi que les chercheurs ont déduit la consommation maternelle réelle de paracétamol. Enfin, 10 ans plus tard, ils ont déterminé lors d’une visite de suivi la présence de TDAH parmi 307 enfants issus de ces grossesses (âgés en moyenne de 9,1 ans).

Les résultats de cette analyse sont parus en février 2025 dans Nature Mental Health . Les auteurs ont pris en compte dans leurs analyses statistiques différents facteurs confondants (éducation maternelle, IMC, âge, revenus du foyer, maladies mentales, etc.). Des analytes de paracétamol ont été retrouvés dans le plasma au second trimestre de grossesse chez 62 mères (20,2 % des 307 dyades sélectionnées). La prise de paracétamol au deuxième trimestre était associée avec un risque multiplié par 3 d’avoir un enfant atteint de TDAH lors de la visite de suivi (odds ratio (OR) = 3,15, IC95 % = [1,20 ; 8,29]). Ce risque semblait encore plus élevé chez les filles (OR = 6,16, IC95 % = [1,58 ; 24,05]), peut-être en raison d’un plus faible échantillon.

Pour les auteurs, ces résultats sont cohérents avec ceux des deux seules autres études (liens ici et ici) ayant évalué le lien entre TDAH et prise de paracétamol sur la base de biomarqueurs du médicament.

Si des travaux complémentaires sont nécessaires pour établir une relation cause-effet, la prudence est de mise : les femmes enceintes devraient privilégier un usage raisonné du paracétamol et toujours consulter un professionnel de santé avant de prendre un médicament pour qu’il puisse évaluer le rapport bénéfice/risque.

Pour en savoir plus
Baker BH, Bammler TK, Barrett ES, et al. Associations of maternal blood biomarkers of prenatal APAP exposure with placental gene expression and child attention deficit hyperactivity disorder.  Nature Mental Health 6 février 2025.

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