Les pneumonies bactériennes atypiques sont dues à différentes bactéries pathogènes zoonotiques ou non. Leur présentation clinique, biologique et radiologique est souvent aspécifique et parfois difficile à différencier de la pneumonie franche lobaire aiguë. Les pathogènes en cause sont tous résistants aux bêtalactamines, rendant leur prise en charge thérapeutique plus compliquée.

Les pneumonies bactériennes atypiques représentent jusqu’à 30 % des causes de pneumonies ­communautaires ambulatoires et jusqu’à 15 % des causes de pneumonies communautaires néces­sitant une hospitalisation, parfois en soins critiques.1 - 3 Elles sont dues à des bactéries sans paroi cellulaire ou intracellulaires  : Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae et Legionella pneumophila, responsables des pneumonies bactériennes atypiques non zoonoti­ques ; Chlamydia psittaci, Coxiella burnetii, Francisella tularensis, responsables des pneumonies bactériennes atypiques zoonotiques (psit­tacose, fièvre Q et tularémie).

Les pneumonies atypiques se définissent, comme leur nom l’indique, par l’atypie de leur présentation clinique, par opposition à la pneumonie franche lobaire aiguë (PFLA  ; dite typique, classiquement à pneumocoque).4,5 Au-delà du fait qu’elles se manifestent par une atteinte pulmonaire plutôt bilatérale que lobaire, leur début est souvent moins brutal que celui de la PFLA et elles s’accompagnent de signes extra­respiratoires.4,5 Cette dichotomie théorique est pourtant mise à mal en pratique et le diagnostic différentiel est souvent complexe (tableau 1), essentiellement aiguillé par la notion d’échec d’une première ligne d’antibiothérapie par bêtalactamine.

Ni la clinique, ni l’imagerie, non spécifiques d’un pathogène, ni les moyens classiques de diagnostic microbiologique ne permettent de faire simplement le diagnostic étiologique.4,6 Pour diagnostiquer une pneumonie atypique, le clinicien doit s’appuyer sur les sérologies, les antigénuries ou encore sur la détection des micro-organismes par polymerase chain reaction (PCR).4

Bactéries impliquées

Mycoplasma pneumoniae

M. pneumoniae est la cause bactérienne la plus fréquente des infections respiratoires humaines et des pneumonies bactériennes atypiques.1 - 5 L’infection à M. pneumoniae se propage de personne à personne via l’aérosolisation de gouttelettes respiratoires.4,5 Il existe actuellement une recrudescence de cas en France et dans le monde liée à la baisse de l’immunité collective après les confinements liés à la pandémie de Covid- 19.7,8M. pneumoniae provoque diverses infections des voies respiratoires supérieures et inférieures qui se produisent tout au long de l’année, causant parfois des épidémies périodiques au sein de petites communautés (écoles, entreprises).4,5 Après deux à trois semaines d’incubation, la plupart des sujets infectés, surtout les plus jeunes, sont asymptomatiques ou développent une infection bénigne (pharyngite, otite, sinusite, trachéo­bronchite). Après un début insidieux, sur plusieurs jours, avec asthénie, céphalées exacerbées par la toux, pharyngite et myalgies, 2 à 12 % des patients développent une pneumonie caractérisée par une toux sèche paroxystique, plus intense la nuit.9 Le retentissement respiratoire reste limité chez la plupart des patients, mais certains ont une forme grave (taux de mortalité estimé à 1,4 %) nécessitant une admission en soins critiques.2 L’infection peut aussi provoquer des manifestations extra­pulmonaires : cutanées (érythème polymorphe, érythème noueux, éruptions maculopapuleuses et vésiculaires, urticaire), neuro­logiques (méningite aseptique, encéphalite, syndrome de Guillain-­Barré et myélite transverse), hématologiques (anémie hémolytique liée aux agglutinines froides) ou cardiaques (myocardite, péricardite).2,9

Chlamydia pneumoniae

La transmission de C. pneumoniae se fait par contact de personne à personne via l’aérosolisation de gout­telettes respiratoires car le seul ré­servoir connu est l’humain. Après plusieurs semaines d’incubation, l’infection est plus volontiers symptomatique chez les sujets comorbides et plutôt latente et persistante chez les sujets préalablement sains.4,5 Le tableau clinique n’est pas spécifique : céphalées, fièvre peu intense, pharyngite et toux sèche pouvant persister des mois en l’absence de traitement.4,5 La plupart des infections sont bénignes ­(pharyngite, laryngite, sinusite, otite, bronchite, pneumonie),4,5 mais des formes graves nécessitant une admission en soins critiques peuvent survenir.2 Les populations les plus à risque sont les fumeurs, les insuffisants respiratoires et/ou cardiaques, les immunodéprimés et les personnes âgées. Le taux de mortalité en soins critiques est estimé à 9 %, le décès étant généralement lié à une infection secondaire et aux comorbidités sous-jacentes.4,5 Les atteintes extrarespiratoires sont rares : méningoencéphalites, syndrome de Guillain-Barré, myocardites et endocardites.2,4,5

Legionella pneumophila

Parmi toutes les espèces de Legionella décrites, L. pneumophila reste la plus pathogène et le sérotype 1 est associé à la plupart des cas humains de légionellose,10 responsable de plus de 90 % des 1 500 cas recensés en moyenne en France.11 Le réservoir est hydrotellurique et la conta­mination survient par inhalation des micro-organismes présents dans l’environnement après aérosolisation : climatiseurs, équipements de thérapie respiratoire, bains à remous, douches et robinets d’eau,11 mais aussi depuis les sols humides près des ruisseaux et des étangs.10

La légionellose touche plus volontiers les hommes d’âge élevé (âge médian au diagnostic de 65 ans), entre le printemps et l’automne. Les facteurs de risque sont le diabète, le tabagisme, l’éthylisme, les néoplasies et hémopathies malignes, toutes les causes d’immunodépression, l’insuffisance rénale ou hépatique mais aussi la notion d’un hébergement temporaire (camping, hôtel, gîte, etc.) lors d’un voyage récent en France ou à l’étranger.11

Après deux à dix jours d’incubation, les premiers symptômes sont non spécifiques : céphalées, myalgies, anorexie et asthénie,11 suivis par une légère toux associée à une fièvre peu intense, puis une fièvre très élevée, une confusion et une insuffisance respiratoire aiguë (dans un tiers des cas).2 Les symptômes gastro-­intestinaux (diarrhée) sont présents dans un tiers des cas alors que les autres manifestations extrapulmonaires sont plus rares (myocardite, péricardite, endocardite, glomérulonéphrite, pancréatite, péritonite).11 Avec un taux de mortalité estimé à 10 % (variable en fonction la gravité initiale [admission en réanimation] et du terrain du patient [immuno­dépression notamment]), la légionellose est la plus sévère des pneumonies bactériennes atypiques : elle représente 6 à 8 % des pneumonies communautaires graves hospitalisées en soins critiques.2

Chlamydia psittaci

Le principal réservoir de C. psittaci est constitué par les oiseaux.12 La transmission se fait généralement par aérosols issus de fientes d’oiseaux infectés mais peut survenir par contact direct avec d’autres animaux (mammifères), et exceptionnellement entre humains.12,13 La psittacose touche principalement des hommes entre 20 et 40 ans. Après une période d’incubation de cinq à quatorze jours (jusqu’à plus d’un mois), les symptômes sont aspécifiques et souvent peu sévères : fièvre, toux sèche, myalgies et céphalées invalidantes.14 Environ un quart des patients ont une dyspnée, des douleurs thoraciques et/ou une hémoptysie.14 Les formes graves2 et les complications extra­respiratoires (insuffisance rénale aiguë, hépatites, maladie des agglutinines froides, méningo-encéphalite, arthrites réactionnelles, myocardites et péricardites) sont plus rares.14

Coxiella burnetii

Les principaux réservoirs de C. burnetii sont les caprins, les bovins et les ovins (occasionnellement les chats, les chiens ou les chevaux).15 La transmission à l’homme résulte de l’inhalation d’aérosols contaminés provenant des fluides corporels des mammifères infectés, souvent au moment de la mise-bas (placenta ou pelages des nouveau-nés), qui diffusent dans l’environnement (jusqu’à plusieurs kilomètres).15 C. burnetii, agent de la fièvre Q, est considéré comme un agent bioterroriste potentiel.15

La fièvre Q est une zoonose mondiale dont les signes cliniques sont souvent légers ou absents. Les patients peuvent présenter une forme aiguë : syndrome pseudogrippal (fièvre prolongée plus de dix jours, céphalées volontiers rétro-orbitaires, myalgie), hépatite et/ou pneumonie.15 Une thrombocytopénie, une augmentation des enzymes hépatiques, un allongement spontané du temps de céphaline activée (TCA) sont des éléments en faveur du diagnostic.15

Francisella tularensis

La tularémie est une infection zoonotique causée par F. tularensis qui se produit après contact avec des animaux infectés (lapins, lièvres, souris, rats et autres rongeurs) ou des arthropodes (tiques, moustiques, puces, poux). F. tularensis peut survivre pendant de nombreuses semaines dans les carcasses d’animaux, la boue et l’eau et peut également être transmise par aérosolisation de matériaux contaminés (poussière, eau et échantillons de laboratoire). F. tularensis est considérée comme un agent bioterroriste potentiel.16

Après trois à cinq jours d’incubation, la tularémie se manifeste par des symptômes non spécifiques de début brutal : fièvre, frissons, céphalée et asthénie. Par la suite, les carac­téristiques cliniques dépendent de la porte d’entrée. Il existe six formes cliniques de tularémie. La forme pulmonaire primaire résulte de l’inhalation directe de F. tularensis et la forme secondaire est liée à la dissémination bactériémique de F. tularensis vers le poumon. La présence d’adénopathies, notamment dans le territoire de drainage lymphatique d’une ulcération (lésion d’inoculation), est évocatrice du diagnostic.

Place des examens microbiologiques

Hémocultures, examen cytobactériologique des crachats (ECBC) ou prélèvement profond, voire aspiration ou lavage broncho-alvéolaire (LBA), antigénuries légionelle et pneumocoque, PCR multiplex à la recherche des principaux virus et bactéries atypiques sur écouvillon nasopharyngé n’ont, en général, pas de place en ambulatoire, mais sont systématiques en soins critiques et réalisés au cas par cas en fonction du contexte en hospitalisation hors soins critiques.3,8

Le diagnostic de légionellose est, la plupart du temps, posé grâce à l’anti­génurie (sensibilité de 86 à 93 % pour L. pneumophila de sérotype 1 et spécificité de 100 %).3 - 5,10

Les PCR permettent de diagnostiquer les infections à M. pneumoniae et C. pneumoniae sur tous types de prélèvement respiratoire (également L. pneumophila  mais uniquement sur prélèvements profonds).

Les sérologies restent une alternative ou un complément mais elles permettent surtout un diagnostic rétro­spectif et, comme les cultures sur milieux spéciaux qui sont de réali­sation difficile, leurs performances diag­­nostiques sont moins bonnes.8,10,12

Quand le contexte est évocateur, on recherche une cause zoonotique. Pour la psittacose, la PCR C. psittaci est réalisée sur prélèvement respiratoire ; elle a limité les indications des sérologies.

De même, la PCR C. burnetii sur prélèvement sanguin est positive très tôt après le début de la fièvre Q, mais se négative en quinze jours à mesure que le titre des anticorps augmente mais également après l’administration d’antibiotiques.

Le diagnostic de tularémie est aussi assuré par la PCR F. tularensis sur prélèvement sanguin ou ganglionnaire et par la sérologie.

Les cultures difficiles, peu sensibles et dangereuses (laboratoire P3) sont de plus en plus rarement réalisées pour faire le diagnostic des zoonoses.

Antibiothérapie

Contrairement aux pneumonies causées par les germes conventionnels comme le pneumocoque, les bactéries atypiques ne sont pas sensibles aux bêtalactamines.

Les macrolides, les cyclines et les fluoroquinolones ont fait la preuve de leur efficacité (tableau 2).2,4,17 Les macrolides font référence pour le traitement des pneumonies atypiques non zoonotiques, sauf dans deux situations : pour les formes graves de légionellose (fluoroquinolones en monothérapie)17  et en cas de souches de M. pneumoniae résistantes aux macrolides,18 rares en France.19 La doxycycline est le traitement de référence des pneumonies atypiques zoonotiques.15 

Références
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Résumé

Les pneumonies bactériennes atypiques sont dues à plusieurs agents pathogènes tels que Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Legionella pneumophila, Chlamydia psittaci, Coxiella burnetii et Francisella tularensis. Leur présentation clinique, biologique et radiologique est souvent aspécifique et parfois difficilement différentiable de la présentation – typique – de la pneumonie franche lobaire aiguë. Leur prise en charge diagnostique et thérapeutique est rendue difficile car les pathogènes impliqués prennent souvent les techniques conventionnelles de microbiologique en défaut et sont tous résistants aux bêtalactamines. Ainsi, le clinicien doit pouvoir évoquer le diagnostic pour donner le traitement adéquat qui repose sur l’utilisation d’antibiotiques tels que les macrolides, les tétracyclines ou les fluoroquinolones. Enfin, dans certains cas, il doit confirmer le diagnostic de pneumonie bactérienne atypique par des tests spécifiques tels que la PCR (polymerase chain reaction), les antigénuries ou les sérologies pour guider au mieux la prise en charge.