Alors que le nombre d’utilisateurs de smartphone en France atteint 55,88 millions en 2023 – un nombre qui a doublé depuis 2013 –, la plupart d’entre eux sont des adultes. Ils sont à ce titre en première ligne de l’addiction et des comportements compulsifs liés à l’usage du smartphone. Toutefois, ces problèmes sont encore difficiles à caractériser, en partie par manque d’études suffisamment larges, et parce que la frontière est floue entre un usage régulier non problématique du smartphone et une utilisation potentiellement addictive.
Pour déterminer l’étendue et les types d’usages problématiques du smartphone parmi les adultes en France, des chercheurs ont mené un sondage auprès des assurés de la mutuelle santé PRO-BTP concernant leur utilisation du smartphone. L’objectif était surtout de déterminer la prévalence de comportements compulsifs. Le sondage associait questions isolées et tests standardisés. Pour atteindre une représentation fiable des membres de PRO-BTP, les auteurs ont calculé qu’il fallait un échantillon d’au moins 16 302 participants.
Le critère de jugement principal était le degré d’usage compulsif du smartphone, évalué par le score du Smartphone Compulsion Test (SCT, constitué de 15 questions fermées [réponse : oui ou non]). Ce test était seulement proposé aux répondants indiquant posséder et utiliser régulièrement un smartphone. Les résultats du sondage sont parus début mars dans le JMIR Mental Health ; 21 244 personnes ont répondu à tout ou partie du questionnaire, parmi lesquels 19 103 ont répondu au SCT.
L’étude révèle une haute prévalence de l’usage problématique du smartphone, avec 8 025 participants parmi 12 034 (soit 66,7 %) montrant des signes de comportements compulsifs, et 36,7 % des 19 103 répondants du SCT souffrant d’addiction (SCT ≥ 8). Cet usage problématique était plus prononcé chez les jeunes adultes : 57 % des répondants de 18 - 39 ans avaient un SCT ≥ 8, contre 38 % des 40 - 59 ans, et 21 % des 60 ans et plus.
Les chiffres sont édifiants : 36,1 % des participants ont reconnu aller souvent ou toujours avec leur smartphone aux toilettes et 43 % déclarent aller au lit avec leur téléphone (même si seuls 15 % dorment avec) ; 45 % des participants passent une à deux heures de loisir par jour sur leur smartphone et 44,3 % utilisent leur smartphone en conduisant (envoyer des messages, regarder les notifications, configurer le GPS). Les problèmes de sommeil et les comportements à risque sont corrélés avec des scores de compulsion plus élevés (p < 0,01).
Selon ses auteurs, cette étude souligne le besoin de campagnes publiques de sensibilisation ainsi que la nécessité de développer des stratégies préventives et thérapeutiques pour limiter les risques liés à l’usage excessif du smartphone. Ils proposent des recommandations en ce sens, en partie pour les professionnels de santé : « intégrer le dépistage de l’utilisation problématique des smartphones dans les évaluations de routine de la santé mentale, en particulier pour les personnes qui déclarent souffrir d’anxiété, de troubles du sommeil ou de comportements compulsifs » et « proposer des interventions ciblées telles que la réduction du stress basée sur la pleine conscience, la sophrologie ou le yoga ».