Les maladies CV sont la première cause de morbidité et de mortalité chez les plus de 75 ans. Cette population, en forte croissance démographique, est très hétérogène au niveau de l’état de santé. Pour éviter sur- et sous-traitements, la prise en charge des facteurs de risque CV – HTA, dyslipidémie et diabète – doit tenir compte des différents profils et non de l’âge civil. Les recos de l’Académie de médecine.
La population âgée de plus de 75 ans est en forte croissance démographique : elle représente actuellement 10 % de la population française et atteindra 15 % en 2040. L’espérance de vie à 80 ans ayant progressé énormément ces dernières années (11 ans pour un homme et 13 ans pour une femme) on compte aujourd’hui plus de 4 millions de personnes > 80 ans, soit plus de 6 % de la population française totale ; ce pourcentage sera supérieur à 10 % d’ici à 2040.1
À quel âge devient-on vieux ?
Lire aussi | L’anosmie est un marqueur du risque de mortalité
La fragilité : du concept à la pratique
- Échelle ICOPE (fig. 1) : en soins primaires, elle évalue les capacités fonctionnelles dans 6 grands domaines (mobilité, cognition, état psychologique, sensoriel, nutritionnel et risque de chutes). Elle permet de calculer dans quel percentile se situe la personne et de prédire le futur déclin.
- Score de fragilité clinique (fig. 2) : largement utilisé chez les résidents d’EHPAD, il classe les personnes selon leur état somatique et cognitif en 9 catégories.
- Les critères de Fried (fig. 3) ont montré un intérêt pronostique en matière de morbi-mortalité et de perte d’autonomie, mais ils n’utilisent que des critères physiques.
Prise en charge des facteurs CV chez les sujets âgés selon les dernières recos
HTA
- Pour les patients de 64 à 79 ans : < 140/80 mmHg, voire < 130/80 mmHg si le traitement est bien toléré, sans aller < 120/70 mmHg ;
- Pour les plus de 80 ans la règle est : « start low, go slow », c’est-à-dire débuter avec une monothérapie, augmenter le traitement lentement et ne pas dépasser 3 antihypertenseurs. Les seuils et cibles dépendent du niveau de fragilité, comme indiqué dans le tableau (fig. 4). Les principes du traitement antihypertenseur sont rappelés dans l’encadré ci-dessous.
Diabète
- Les personnes « robustes » : HbA1c ≤ 7 %.
- Pour les « fragiles », un objectif d’HbA1c ≤ 8 % est raisonnable en restant au-dessus de 7 % en cas de traitement par les médicaments susceptible d’induire des hypoglycémies.
- Pour les « très fragiles et/ou dépendantes », le but est d’éviter les grands désordres métaboliques comme le coma hyperosmolaire et les accidents hypoglycémiques. Une HbA1c < 9 % et/ou des glycémies préprandiales entre 1 et 2 g/L sont recommandées en restant au-dessus de 7,5 % pour l’HbA1c.
- Chez les personnes robustes, les options sont identiques à celles des sujets plus jeunes. Lorsque l’HbA1c ou les glycémies sont à la limite basse de l’objectif et surtout si une hypoglycémie est survenue, il faut envisager une décroissance du traitement.
- Chez les patients modérément fragiles, l’association d’un iDPP4 à la metformine doit être privilégiée (pas de risque d’hypoglycémie). Si cela est insuffisant : injection d’un analogue lent de l’insuline. En cas d’insuffisance cardiaque ou de maladie rénale chronique, les iSGLT2 sont bénéfiques même chez les personnes âgées avec un certain niveau de fragilité (mais attention à l’association aux diurétiques classiques chez les sujets les plus fragiles). Les aGLP- 1 peuvent se discuter en cas d’obésité.
- Chez les patients dépendants, sulfamides et glinides sont à éviter au profit des iDPP4. Une insulinothérapie est souvent de mise pour éviter la prise de multiples médicaments. Les analogues lents de l’insuline permettent d’assurer un équilibre glycémique acceptable et de limiter le risque hypoglycémique. La prescription des nouvelles classes médicamenteuses est déconseillée en dehors de l’intérêt des iSGLT2 en cas d’insuffisance cardiaque ou de MRC.
Dyslipidémies
- LDL-c < 0,55 g/L ou diminution du LDL de plus de 50 % du taux de base pour les patients en prévention secondaire ou à très haut risque et pour les sujets en prévention primaire à très haut risque cardiovasculaire ;
- LDL-c < 0,7 g/L pour les patients à haut risque ;
- LDL-c < 1 g/L pour les patients à risque modéré ;
- LDL-C < 1,16 g/L pour les patients à risque faible.
Autres facteurs de risque cardiovasculaire majeurs
Décroissance thérapeutique
- Pas de reconduite automatique des ordonnances médicamenteuses.
- Le médecin traitant doit être la personne pivot dans la gestion de l’ensemble des traitements et la coordination avec les spécialistes doit être systématique.
- Formation des médecins à la déprescription dès le 2e cycle des études médicales.
Intérêt des équipes mobiles
Qu’en retenir ?
- Patients robustes : stratégie assez proche de celle des sujets plus jeunes ;
- Patients modérément fragiles mais indépendants : stratégies plus conservatrices, cibles thérapeutiques moins strictes, surveillance clinico-biologique étroite ;
- Patients dépendants : individualisation des stratégies car risque iatrogène majeur, lutte contre la polymédication, décroissance thérapeutique le cas échéant.
- Utilisation systématique d’un pilulier ;
- Passage d’IDE pour les plus fragiles et/ou isolés ;
- Surveillance clinique à domicile par des outils connectés adaptés aux capacités fonctionnelles et à l’environnement des patients.
Encadre
Principes du traitement antihypertenseur chez la personne âgée
Pour en savoir plus
Benetos A, Bauduceau B. Prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire des personnes âgées de 75 ans et plus. Académie nationale de médecine 28 janvier 2025
Références :
1. Fernandez-Ballesteros R, Benetos A, Robine JM. The Cambridge handbook of successful aging. Cambridge University Press 2019
2. Beckett NS, Peters R, Fletcher AE, et al. Treatment of hypertension in patients 80 years of age or older. N Engl J Med 2008;358:1887-98.
3. Mancia GM, Kreutz R, Brunström M, et al. 2023 ESH Guidelines for the management of arterial hypertension The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension Endorsed by the European Renal Association (ERA) and the International Society of Hypertension (ISH). J Hypertens 2023;41:1874-2071.
4. Shepherd J, Blauw GJ, Murphy MB, et al. Pravastatin in elderly individuals at risk of vascular disease (PROSPER): a randomized controlled trial. Lancet 2002;360:1623-30.
5. WHO. Guidance on person-centred assessment and pathways in primary care. 21 janvier 2020.
6. Rockwood K, Song X, MacKnight C, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005;173:489-95.
7. Fried LP, Tangen CM, Walston J, et al. Frailty in older adults: Evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001;56:146-56.
Références :
1. Fernandez-Ballesteros R, Benetos A, Robine JM. The Cambridge handbook of successful aging. Cambridge University Press 2019
2. Beckett NS, Peters R, Fletcher AE, et al. Treatment of hypertension in patients 80 years of age or older. N Engl J Med 2008;358:1887-98.
3. Mancia GM, Kreutz R, Brunström M, et al. 2023 ESH Guidelines for the management of arterial hypertension The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension Endorsed by the European Renal Association (ERA) and the International Society of Hypertension (ISH). J Hypertens 2023;41:1874-2071.
4. Shepherd J, Blauw GJ, Murphy MB, et al. Pravastatin in elderly individuals at risk of vascular disease (PROSPER): a randomized controlled trial. Lancet 2002;360:1623-30.
5. WHO. Guidance on person-centred assessment and pathways in primary care. 21 janvier 2020.
6. Rockwood K, Song X, MacKnight C, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005;173:489-95.
7. Fried LP, Tangen CM, Walston J, et al. Frailty in older adults: Evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001;56:146-56.