Près de la moitié des démences – dont la maladie d’Alzheimer représente la plus grande partie – seraient évitables, puisqu’attribuables à des facteurs de risque modifiables. Cependant, sur lesquels de ces facteurs de risque est-il le plus efficace d’intervenir ? Une analyse parue dans le JAMA pointe 5 mesures qui ont fait leurs preuves en prévention primaire...

Cette revue de la littérature synthétise les données de plusieurs revues systématiques publiées entre 2018 et 2023 sur la prévention et le traitement de la démence, y compris celle publiée en 2020 par la commission du Lancet qui fait désormais référence.

Les mesures préventives examinées visent la réduction de certains facteurs de risque modifiables – dont des déterminants sociaux de santé – identifiés aujourd’hui comme responsables de 40 % des démences dans le monde (estimation de la commission du Lancet ).

Les douze facteurs de risque dénombrés par cette commission sont, par ordre décroissant d’importance : déficience auditive et dépression (risque relatif = 1,9) ; traumatisme crânien (RR = 1,8) ; bas niveau éducatif, hypertension, obésité, tabagisme, contacts sociaux peu fréquents (RR = 1,6) ; diabète (RR = 1,5) ; inactivité physique (RR = 1,4) ; consommation excessive d’alcool (RR = 1,2) ; pollution atmosphérique (RR = 1,1). Mais quels sont, parmi tous ces facteurs, ceux pour lesquels une intervention a réellement démontré un effet bénéfique sur la prévention du déclin cognitif et de la démence ?

S’il y a, à ce jour, peu de preuves suffisamment robustes à ce sujet – la plupart provenant d’études observationnelles – il existe déjà plusieurs pistes encourageantes sur des interventions ponctuelles ayant montré des bénéfices au niveau individuel, notamment dans quelques essais randomisés.

Contrôle tensionnel

Les données observationnelles et issues de certains essais randomisés ont des résultats discordants en ce qui concerne la prévention de la démence, mais le contrôle intensif de la PA a démontré une efficacité significative dans la réduction du risque de troubles cognitifs légers dans l’essai randomisé SPRINT-MIND (l’intervention a également réduit de 17 % le risque de démence, mais ce résultat n’était pas considéré statistiquement significatif). La cible tensionnelle dans cet essai était < 120/140 mmHg.

Activité physique 

L’activité physique a montré dans des études observationnelles aussi bien une amélioration de la fonction cognitive qu’une réduction de risque de démence – Alzheimer en particulier et démence en général. En particulier, une méta-analyse d’essais randomisés a montré que, si tous les types d’exercices sont efficaces pour maintenir ou améliorer la cognition globale (chez les patients ayant des troubles cognitifs légers ou une démence), ce sont les exercices de résistance musculaire qui ont montré l’effet le plus important dans le ralentissement de la progression du déclin cognitif.

Mesures hygiénodiététiques combinées

Des interventions combinant des mesures alimentaires, de l’activité physique, de l’entraînement cognitif et le contrôle de facteurs de risque CV ont montré une efficacité dans l’amélioration de paramètres cognitifs chez des patients ayant un risque accru de déclin cognitif, dans un vaste essai randomisé finnois.

Dans d’autres études randomisées, la combinaison entre l’activité physique et l’entraînement cognitif (qui comprend, par exemple, la réalisation de tâches visuomotrices exerçant la mémoire de travail et l’attention, utilisant ou non des outils numériques) a également montré une efficacité dans la prévention du déclin cognitif – meilleure que chaque intervention testée isolément –, que ce soit chez des adultes en bonne santé ou chez ceux ayant déjà des troubles cognitifs légers pour retarder la progression du déclin.

Pour certaines de ces mesures prises isolément, il existe également quelques preuves d’efficacité. Il en est ainsi du régime alimentaire méditerranéen, du régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension ) et d’une combinaison des deux baptisée le régime MIND (Mediterranean-DASH Intervention for Neurodegenerative Delay) : des données observationnelles suggèrent qu’ils contribuent à réduire le risque de démence. Chez les personnes ayant un surpoids ou une obésité, la perte de poids a par ailleurs été associée à une amélioration de l’attention et de la mémoire dans une méta-analyse de données observationnelles et randomisées.

Enfin, le sevrage tabagique est associé à une réduction du risque de démence et, à l’inverse, la consommation excessive d’alcool ou un trouble de l’usage de l’alcool augmente ce risque.

Appareillage auditif

La correction de la déficience auditive par le port d’appareils auditifs ou par des implants cochléaires permettrait une réduction de 19 % du déclin cognitif, selon une méta-analyse d’études observationnelles et randomisées.

Davantage d’études randomisées sont cependant nécessaires pour confirmer ces résultats, car, au contraire, un essai récent n’a pas trouvé d’effet de ce type d’intervention sur la cognition avec un suivi à 3 ans (mais un effet bénéfique a bien été retrouvé dans le sous-groupe de participants les plus à risque de déclin cognitif).

Éducation et entraînement cognitif

Les preuves sur l’efficacité des exercices d’entraînement cognitif ne sont pas concluantes à ce jour : si les exercices d’entraînement cognitif utilisant des outils numériques n’ont pas montré, pour le moment, des preuves robustes d’efficacité pour améliorer la cognition globale, certains types d’exercices ciblant des fonctions précises (par exemple, raisonnement ou mémoire) ont montré, dans des essais randomisés, une amélioration des performances dans le domaine testé, chez les adultes sans trouble cognitif à l’origine. En revanche, chez ceux ayant déjà des troubles cognitifs légers, des effets bénéfiques n’ont pas pu être décelés, et les données sont insuffisantes en ce qui concerne la prévention du déclin cognitif ou de la démence en tant que telles.

Par ailleurs, il semblerait que c’est aux stades précoces de la vie (enfance jusqu’à l’adolescence tardive) que la stimulation cognitive a l’effet le plus important pour prévenir le déclin cognitif à un âge avancé. Concrètement, c’est plutôt un haut niveau éducatif à l’origine qui serait protecteur, et il est plus difficile de connaître avec certitude les effets de la stimulation éducative ou cognitive chez les seniors (une causalité inversée pouvant entrer en jeu, c’est-à-dire que si une personne réalise moins ce type d’activités, il est possible que ce soit parce qu’elle a déjà un déclin cognitif léger).

Toutes ces interventions mentionnées sont grosso modo en accord avec les recommandations publiées par l’OMS en 2019, qui mettaient l’accent particulièrement sur les mesures hygiénodiététiques.

Pour en savoir plus
Reuben DB, Kremen S, Maust DT. Dementia Prevention and Treatment.  JAMA Intern Med 4 mars 2024.

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