S’il est fréquent de souligner l’impact négatif de certaines situations de travail sur la santé, la privation d’emploi peut, elle aussi, être délétère. Lorsque la santé d’un patient en âge de travailler fait craindre des arrêts maladie prolongés ou répétés, il est nécessaire d’intervenir le plus tôt possible et de se coordonner entre professionnels, notamment les médecins généralistes et du travail, dans le respect du secret médical, pour prévenir la désinsertion professionnelle.

La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a mis l’accent sur la prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), notamment par quatre mesures  : généralisation des cellules pluridisciplinaires de prévention de la désinsertion professionnelle dans les services de santé au travail, instauration de la visite de mi-carrière, validation de la possibilité d’un rendez-vous de liaison du travailleur avec son employeur durant un arrêt de travail (essentiel dans le cadre du plan de retour au travail) et adaptation des conditions de recours à la visite de préreprise, désormais possible dès un mois d’arrêt de travail.1

Maintien dans ou en emploi, PDP  : quelles différences  ?

Le maintien dans l’emploi d’un travailleur signifie le maintien à son poste, grâce à des aménagements, ou son reclassement dans son entreprise.

Le maintien en emploi (MEE) se concrétise par son reclassement dans une autre entreprise ou par une réorientation professionnelle.

La prévention de la désinsertion professionnelle n’a pas de définition légale. Très proche et puissant levier du MEE, elle prend mieux en compte la nécessité d’anticiper, sans attendre l’installation de problèmes de santé, et la continuité entre les différents niveaux de prévention  : primaire, secondaire et tertiaire. La PDP regroupe les actions de maintien, en ou dans l’emploi, s’adressant aux personnes dont le handicap ou les problèmes de santé diminuent la capacité à rester en activité professionnelle ou à reprendre le travail. Dans le cadre de ces démarches et de son projet professionnel, le travailleur peut être amené à suivre des formations.

En 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) indiquait déjà que 2,3 millions de salariés étaient considérés comme en situation de handicap (dont problèmes de santé durables et difficultés importantes dans les tâches quotidiennes), parmi lesquels 0,9 million bénéficiait d’une reconnaissance administrative du handicap. Sur cette base, et compte tenu du nom­bre d’avis d’inaptitude prononcés par les médecins du travail pour des salariés du secteur privé, on pouvait alors, d’une part, estimer que 5 à 10  % des salariés étaient vraisemblablement menacés à court ou moyen terme par un risque de désinsertion professionnelle et, d’autre part, que cette estimation devrait sans doute être revue à la hausse, du fait du vieillissement de la population active.2,3

Pourquoi s’investir dans la PDP  ?

La PDP ne se limite pas aux salariés en arrêt de travail mais s’envisage tout au long du parcours professionnel.4,5 La désinsertion professionnelle est définie comme une perte durable d’emploi, quelle qu’en soit la cause, l’incapacité de rester ou de retourner au travail résultant d’une blessure ou d’une maladie.

La prévention précoce de la désinsertion professionnelle est essentielle et consiste dans l’idéal à agir bien en amont sur ses facteurs déterminants, dont l’état de santé. Elle vise, à terme, à réduire le nombre d’inaptitudes (dernier recours, encadré 1),6 sources de perte d’emploi.

À ces fins, l’attention doit non seu­lement porter sur les problèmes de santé avérés mais aussi sur des signaux dit faibles qui pourraient compromettre à plus ou moins long terme le maintien en emploi d’un travailleur. Il peut, par exemple, s’agir de doléances récurrentes (dou­leurs, notamment lombalgie commune d’autant qu’elle s’est chronicisée, fatigue en l’absence de cause organique…), de la nécessité d’arrêts de travail courts mais répétés... Outre les soins, cette situation nécessite de s’interroger sur l’impact d’éventuels changements qui auraient pu se produire dans l’entreprise du travailleur. La prévention, au sens large et notamment primaire, en santé comme en santé au travail, revêt ici toute son importance.

Le maintien en emploi est un facteur de santé et d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé. Pour le patient, l’intérêt économique est évident, considérant le risque de chômage de longue durée, d’arrêts maladie longs et/ou successifs, ou d’invalidité*. Certaines personnes en invalidité continuent à travailler, ce qui confirme la nécessaire concertation, notamment entre les médecins traitant, conseil et du travail, toujours dans l’intérêt du patient/travailleur et afin de lui délivrer des informations, conseils, messages et accompagnement adaptés et cohérents (par exemple, certaines structures de santé au travail ont développé des carnets de suivi destinés entre autres à informer les médecins généralistes).

Enfin, il est rapporté que les travailleurs en désinsertion professionnelle peuvent développer des pathologies associées (dépression, etc.). La désinsertion professionnelle est pourvoyeuse d’arrêts maladie répétés et de comorbidités qui peuvent conduire à l’invalidité.

Améliorer le pronostic professionnel individuel

Dans le cadre des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et de la Société française de médecine du travail (SFMT) de 2019, des facteurs susceptibles d’influencer le pronostic professionnel ont été décrits  ; il convient de les rechercher, pour y remédier si nécessaire et dans la mesure du possible.4,5

Selon ces recommandations, le risque de désinsertion professionnelle augmente dès lors que deux des facteurs individuels généraux suivants sont présents, voire un seul s’il est important  : âge de plus de 50 ans, faible niveau d’études, isolement social ou manque de soutien social/familial, capacité physique limitée, mauvaise santé perçue, symptômes de détresse, symptomatologie anxieuse et/ou dépressive, surpoids, arrêts de travail antérieurs répétés et/ou prolongés (supérieurs à trois mois). À l’inverse, l’influence d’autres facteurs, qu’il est important de prendre en compte, est positive  : un haut niveau socio­économique, une bonne santé perçue, l’espérance d’un rétablissement, de bonnes capacités fonctionnelles et de travail, un espoir élevé de reprise du travail en cas d’arrêt et une maîtrise de la langue (il faut cependant veiller à ne pas entretenir de projets qui seraient insoutenables au plan de la santé).

Les facteurs individuels spécifiques qui peuvent impacter positivement le pronostic professionnel sont, en cas de cancer, les interventions peu invasives et l’absence de chimiothérapie. En cas de maladie cardiovasculaire, ce sont le reconditionnement à l’effort (estime de soi…), les thérapies cognitivo-comportementales, l’optimisme, la motivation, la confiance en ses propres capacités et la faible gravité de la maladie.

Au contraire, le mauvais pronostic, le retentissement psychologique, l’origine professionnelle des trou­bles, les séquelles invalidantes, les exigences physiques du travail et la fatigue associés à un cancer influencent négativement le pronostic professionnel. C’est aussi le cas, pour les maladies cardiovasculaires, d’un rythme de travail, d’exigences mentales et de contraintes d’objectif ou de productivité élevés, au même titre que les exigences physiques du travail. La fatigabilité, les troubles cognitifs, les déficits moteurs et l’évolutivité des maladies neurologiques sont également péjoratifs.

Chez les travailleurs souffrant de troubles musculosquelettiques (TMS) des membres et du rachis, les facteurs de risque psychosociaux** peuvent compromettre le retour au travail, notamment dans le cas de la lombalgie chronique. Une passivité vis-à-vis de la prise en charge, un faible espoir de guérison ou de retour au travail, des peurs et évitements, l’impossibilité de faire face à la douleur et à l’incapacité, une détresse émotionnelle, l’anxiété et/ou la dépression sont fortement prédictifs de l’évolution vers l’incapacité prolongée au travail.

En cas de troubles de santé psychique, des symptômes sévères, une comorbidité somatique et/ou psychiatrique impactent négativement le pronostic professionnel. C’est aussi le cas d’une mauvaise observance thérapeutique, de l’absence de soutien familial et social, des personnalités limites et de la consommation de substances psychoactives.

Sur le plan professionnel, l’implication précoce de l’entreprise du travailleur dans la stratégie de PDP et de MEE, la préparation de la reprise du travail avec l’employeur et les autres acteurs concernés ainsi qu’un contexte psychologique, relationnel et organisationnel favorable au travail sont de bon augure. En revanche, l’absence de politique de PDP et MEE dans l’entreprise et la présence de risques psychosociaux (d’autant plus néfastes pour la santé qu’ils sont persistants, subis et nombreux) sont défavorables.

Réduire les arrêts de travail et éviter les inaptitudes

Les personnes issues des catégories socioprofessionnelles dites inférieures ont plus de risque d’être en mauvaise santé que les personnes des catégories socioprofessionnelles dites supérieures. Les travailleurs ayant un moindre niveau de qualification ont plus de risque que les autres de perdre leur emploi après des difficultés de santé.

Les interventions destinées à assurer le retour au travail et le maintien en emploi des travailleurs ayant des problèmes de santé sont complexes. Elles visent le plus souvent à agir à l’échelon à la fois des individus (soins…), de leur environnement (interventions en entreprise ciblant le travail…) ou encore de la coordination entre les différents acteurs. On peut donc considérer que la responsabilité du maintien en emploi est partagée entre le travailleur, son employeur, les professionnels du système de santé et de la protection sociale.

Les interventions précoces de retour à l’emploi associant les entreprises sont indispensables et complémentaires des soins pour réduire le risque d’absence prolongée, de perte d’emploi et de désinsertion professionnelle. Ceci est particulièrement démontré pour les salariés atteints de TMS et de troubles de santé psychique tels que l’anxiété et la dépression.

Le repérage précoce du risque de désinsertion professionnelle est donc un objectif essentiel qui mobilise aussi les structures de santé au travail. À titre d’exemple, en 2023, des auteurs de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et de l’Association lorraine de santé en milieu de travail (ALSMT) ont proposé un bref autoquestionnaire d’aide au repérage du risque de «  décrochage  » professionnel, destiné aux salariés âgés de plus de 45 ans et utilisé par les médecins et infirmiers du travail. Parmi ses items, «  la capacité de travail actuelle perçue  » et «  la possibilité perçue d’effectuer le travail actuel en raison de sa santé dans deux ans  » se sont révélées particulièrement prédictives de ce risque. Cela pourrait notamment contribuer à cibler et à proposer des actions de prévention collective et individuelle par les professionnels de la santé au travail.7 

PDP  : principaux acteurs et dispositifs

Les acteurs et dispositifs de la PDP sont complémentaires les uns des autres, en particulier les médecins généralistes, conseils et du travail. La collaboration et la coordination sont nécessaires. Les médecins généralistes sont confrontés au quotidien aux arrêts de travail répétés ou de longue durée, aux situations de handicap, aux maladies professionnelles, aux maladies chroniques ou encore aux troubles psychosociaux. Autant d’éléments qui justifient de communiquer précocement avec le médecin du travail, dans le respect du cadre réglementaire, dont le secret médical.8

Soins et santé au travail  : cultiver la complémentarité

Les services de santé au travail en agriculture (régime agricole, encadré 2) et les services de prévention et de santé au travail (régime général) ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Ils conduisent les actions de santé au travail et conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants dans le but notamment d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs.9

Cependant, chaque service possède, à ce stade, sa propre organisation.

Le médecin du travail qui, réglementairement, doit consacrer un tiers de son temps à ses missions en milieu de travail («  tiers temps  »),8 connaît l’entreprise et les conditions de travail, les postes et le travail réel (qui n’est observable que sur le terrain), ainsi que l’état de santé des travailleurs dont il assure le suivi. Il peut ainsi évaluer objectivement le rapport et l’adéquation santé-travail (par exemple, un handicap n’impacte pas systématiquement le travail), proposer des aménagements pertinents et ainsi contribuer à limiter les arrêts maladie et les inaptitudes tout en optimisant le temps passé.

Soumis au respect du secret médical, il doit faire partie des interlocuteurs du médecin généraliste, au même titre que d’autres médecins spécialistes, avec l’accord du patient/travailleur concerné. La remise en mains propres d’un courrier à ce dernier, ou un contact téléphonique en sa présence, garantit une communication en toute transparence. En effet, en tant que conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux,10 le médecin du travail constitue un maillon de transmission à la fois vers la cellule PDP et vers les entreprises, avec lesquelles il dialogue, dans le but de préserver la santé des personnes dont il assure le suivi santé/travail.

La cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle11 est chargée de proposer des actions de sensibilisation, d’identifier les situations individuelles, de proposer des mesures personnalisées – en lien avec l’employeur et le travailleur –, de participer à l’accompagnement du travailleur éligible, de mener des actions de prévention de la désinsertion professionnelle. Certains services de santé au travail avaient mis en place ce type de cellules avant la dernière réforme de la santé au travail, qui les a généralisées. Par exemple, les services de santé sécurité au travail en agriculture de la Mutualité sociale agricole (MSA) [encadré 2] avaient instauré des cellules pluridisciplinaires de maintien en emploi (CPME) au cours de la période conventionnelle 2016 - 2020 (COG  : convention d’objectifs et de gestion).

Le médecin du travail se situe ainsi à l’interface entre le médecin traitant, dont il traduit les préconisations, et l’employeur. Il est le seul à être habilité à prescrire des aménagements, des restrictions et/ou émettre un avis d’aptitude/inaptitude au poste de travail, pour raison médicale, ou de reconversion professionnelle.8 Son activité est centrée sur le travail et les conditions réelles de sa réalisation. Son objectif est de conseiller pour «  soigner le travail  » (dans le sens des conditions de travail, de son organisation et du management), toujours dans le but de préserver la santé des travailleurs dont il assure le suivi et en respectant les principes généraux de prévention, dont celui qui consiste à adapter le travail à l’homme (et non l’inverse). Cependant, il peut déléguer certaines de ses activités à un infirmier de santé au travail, à un interne de médecine du travail ou à un collaborateur médecin, selon des protocoles écrits et sous sa responsabilité.

Dans la complémentarité, le médecin généraliste, qui pose les diag­nostics, prescrit les traitements, les examens complémentaires et oriente vers d’autres spécialistes, est également impliqué dans la mise en place d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), d’un temps partiel thérapeutique (TPT) ou encore d’un essai encadré, dispositifs destinés à favoriser le maintien ou le retour en emploi. Avec l’accord du patient, il communique les indications de santé pertinentes au médecin du travail pour que ce dernier les confronte à sa connaissance du travail tout en tenant compte du projet professionnel du travailleur, qui doit rester l’acteur central de son maintien en emploi. Ainsi, la prise en compte globale de la situation de la personne nécessite la coopération de différents acteurs, dont les structures spécialisées dans la compensation du handicap (figure, tableau). À ce sujet, parmi les missions du contrôle médical (médecins conseils…) figurent  : la mise en œuvre de programmes d’accompagnement des patients ayant des maladies chroniques et le maintien en emploi.

Qu’il soit lié à des troubles résultant de risques psychosociaux, qui procèdent d’une complexité spécifique (détresse des patients, sentiment d’impuissance des médecins…) ou à une maladie organique, plus un arrêt de travail se prolonge, plus le retour au travail est difficile5. Quel qu’en soit le motif, alerter le médecin du travail le plus tôt possible permet d’anticiper, en programmant notamment une visite de préreprise, ce qui peut contribuer à réduire la durée de l’arrêt et donc le risque de perte d’emploi.

Cependant, la prévention de la dés­insertion professionnelle ne se limite pas aux personnes en arrêt de travail.5 Elle revêt toute son importance dès lors qu’un problème de santé, malgré les soins, est susceptible de s’aggraver ou de mener à une perte d’emploi en l’absence d’aménagement ou de changement de poste de travail. Il convient alors d’orienter le patient vers le médecin du travail, qui saisit, si nécessaire, la cellule PDP après échange avec le médecin généraliste.

Quels autres leviers mobiliser  ?

Lors de chaque visite médicale de santé au travail, l’adéquation entre l’état de santé et le poste de travail est évaluée. Les acteurs et dispositifs de PDP sont mobilisés si besoin au cas par cas.

Visite de mi-carrière

En amont, la visite de mi-carrière, réalisée entre 43 et 45 ans, ou à un âge fixé par accord de branche, a pour but d’évaluer le risque individuel de désinsertion professionnelle tout en sensibilisant le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

Rendez-vous de liaison

Dès lors que la durée d’un arrêt de travail atteint trente jours, un rendez-vous de liaison peut être organisé, à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Ce rendez-vous, qui n’est pas obligatoire, permet de maintenir le lien entre l’employeur et le salarié en arrêt de travail qui le souhaite. Il vise à informer ce dernier qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de la visite de préreprise et de mesures d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail, ou du temps de travail. Les personnels chargés du suivi individuel de l’état de santé ou de la prévention des risques professionnels peuvent y participer, si la situation du travailleur le nécessite (par exemple en préparant des documents informant sur le rôle de la cellule PDP, la visite de préreprise, les outils de MEE) mais il ne s’agit pas d’une visite médicale  : il ne comporte aucun échange d’informations médicales, et le patient/salarié peut le refuser.

Visite de préreprise

La visite de préreprise est très importante et doit être promue par tout moyen. Elle peut être initiée dès trente jours d’arrêt de travail par le salarié lui-même, son médecin traitant, le médecin-conseil ou le médecin du travail (s’il est informé de l’arrêt). Il s’agit d’anticiper, de préparer et d’optimiser le retour au travail. Au décours de cette visite, essentielle bien que non obligatoire, le médecin du travail peut recommander des aménagements et des adaptations du poste de travail, préconiser un reclassement et des formations, voire une réorientation professionnelle.

Plan de retour au travail

Il est recommandé d’élaborer un plan de retour au travail,5 en concertation avec le travailleur, l’employeur ainsi que le médecin traitant et, le cas échéant, les autres médecins du parcours de soins. Élaborer un plan d’action permet d’optimiser l’efficacité des acteurs de la PDP, de réduire la durée de l’arrêt maladie et de faire en sorte, selon les situations, que le travailleur puisse utiliser le temps de son arrêt au profit non seulement de ses soins mais aussi de son projet professionnel.

Visite de reprise

Une visite de reprise doit être organisée, à l’initiative de l’employeur, au plus tard dans un délai de huit jours après un congé de maternité, une absence pour maladie professionnelle, une absence d’au moins trente jours pour accident du travail et d’au moins soixante jours pour maladie ou accident non professionnel. Elle a, entre autres, pour but de valider les préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de préreprise, après échanges avec l’employeur et le travailleur.

Temps partiel thérapeutique

Le temps partiel thérapeutique permet une reprise progressive et précoce de l’activité («  réentraînement  »), lorsque le travail est de nature à favoriser l’amélioration de l’état de santé, mais il n’est pas nécessairement précédé d’un arrêt de travail à temps complet. Le médecin traitant intervient en tant que prescripteur, le médecin-conseil valide ou non cette prescription, l’employeur donne ou non son accord et le médecin du travail précise les modalités de mise en place au poste.8 

Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

Il est essentiel d’informer les patients qu’une RQTH n’augmente pas le risque de perte d’emploi mais au contraire constitue un puissant levier de PDP. Elle donne accès à des services d’aide dédiés (Cap emploi…) et confère une priorité d’accès à des mesures d’aide à l’emploi et à la formation. Le salarié n’est pas tenu de faire part de cette reconnaissance à son employeur sauf s’il souhaite faire valoir ces droits. Les échanges entre le médecin du travail, la personne concernée et le médecin généraliste sont utiles.

Visite médicale à la demande

Enfin, dans une démarche de maintien en emploi et/ou d’accompagnement personnalisé, tout salarié peut demander une visite médicale, indépendamment des visites obligatoires, notamment s’il anticipe un risque d’inaptitude à son poste.

Se remobiliser pendant un arrêt maladie

Durant un arrêt maladie, le travailleur peut, pour prévenir la désinsertion professionnelle, bénéficier d’actions de remobilisation  : formations, bilan de compétences ou encore essai encadré. À l’issue de l’arrêt de travail, si le risque d’inaptitude est avéré, il peut bénéficier d’une convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE).12

Essai encadré

Réalisé durant l’arrêt (donc avec maintien des indemnités journalières), l’essai encadré permet de tester la compatibilité entre l’état de santé du patient et son ancien poste, son poste aménagé ou un nouveau poste, dans son entreprise ou dans une autre structure, ou encore de préparer une reconversion professionnelle. D’une durée maximale de quatorze jours ouvrables, en continu ou fractionné, l’essai encadré peut être renouvelé une fois, sans dépasser vingt-huit jours au total.13

Convention de rééducation professionnelle en entreprise

La CRPE s’adresse aux personnes qui ne peuvent pas, ou risquent de ne pas pouvoir, reprendre leur travail après un arrêt (risque d’inaptitude). Elle leur permet de se réhabituer à leur poste dans leur entreprise d’origine, d’apprendre une nouvelle profession dans leur entreprise d’origine ou dans une autre entreprise et d’accéder à des formations adaptées. La durée de la CRPE ne peut pas excéder dix-huit mois. À l’issue, soit le bénéficiaire réintègre son entreprise d’origine, sur son poste ou sur un autre poste, soit il est recruté par l’entreprise d’accueil14.

Périodes de mise en situation en milieu professionnel

Les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) s’adressent à toute personne bénéficiant d’un accompagnement social ou professionnel personnalisé, qu’elle soit sans activité, en parcours d’insertion (demandeur d’emploi) ou en activité, et suivant un parcours d’insertion ou de réorientation professionnelle (salariés à risque d’inaptitude dans le cadre d’une démarche de maintien dans l’emploi ou de reconversion professionnelle…).15

Pour savoir si un travailleur est éligible à ces dispositifs ou à d’autres, qui mobilisent selon les situations différents acteurs, et pour en connaître les modalités d’accès, le médecin traitant peut notamment contacter le médecin du travail.

Encadre

1. Inaptitude au poste de travail  : en dernier recours  !

Seul le médecin du travail de l’entreprise du travailleur concerné est habilité à émettre un avis d’inaptitude au poste.

Le médecin du travail doit, en amont, effectuer un examen médical, des examens complémentaires si besoin, une étude du poste et des conditions de travail afin d’évaluer l’adéquation santé-travail, et échanger avec l’employeur, pour notamment lui faire part de propositions sur un éventuel changement de poste, dans le strict respect du secret médical. Il peut ensuite déclarer un travailleur inapte si son état de santé justifie un changement de poste, à condition qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé ne soit possible.

L’avis d’inaptitude comporte des indications concernant les possibilités ou non de reclassement.

L’employeur ou le travailleur dispose de voies de recours s’il conteste cette décision.6

Encadre

2. Régime agricole et PDP

Les services santé-sécurité au travail de la Mutualité sociale agricole (MSA) interviennent dans le but d’améliorer les conditions de travail et de prévenir les risques professionnels en agriculture, au bénéfice des exploitants, des salariés, des employeurs et des chefs d’entreprises agricoles. Parce qu’ils connaissent les différents risques des métiers du monde agricole, les membres de l’équipe pluridisciplinaire de chaque MSA locale contribuent à apporter des réponses adaptées. En cas de situation complexe, la cellule pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, médecins du travail, médecins-conseils, infirmiers de santé au travail, conseillers en prévention) peut être saisie, avec l’accord du travailleur, pour l’accompagner dans ses démarches administratives et sociales afin de prévenir le risque de désinsertion professionnelle. Le travailleur ne doit pas hésiter à contacter sa MSA.

ssa.msa.fr
Encadre

3. Un exemple de coopération réussie

Mme K., 43 ans, occupait depuis vingt ans un poste de vendeuse conseil au rayon animalerie d’une jardinerie. Elle devait mettre en rayon les marchandises, parmi lesquelles des sacs de 25 kg pour l’alimentation des animaux, nettoyer les cages, conseiller les clients et les aider à déplacer les articles les plus lourds.

Son poste comprenait donc la reproduction de gestes à l’identique et des manutentions manuelles*.

Du fait d’une épicondylite droite, reconnue comme maladie professionnelle (tableaux des maladies professionnelles 57B du régime général et 39B du régime agricole), un arrêt de travail de quatre mois lui a été prescrit, durant lequel son médecin traitant l’a adressée au médecin du travail pour une visite de préreprise afin de préparer son retour.

Lors de cette consultation, le médecin du travail constate une absence de récupération au niveau du coude droit (personne droitière) avec persistance de douleurs à la mobilisation, ainsi qu’une douleur débutante de l’épaule gauche. Il programme une étude de poste, qui se déroule dès la fin du troisième mois d’arrêt, sur le lieu de travail, en présence du médecin du travail, d’un infirmier de santé au travail, d’un conseiller en prévention des risques professionnels, du responsable du magasin et d’une assistante en ressources humaines (RH).

Dans le même temps, la visite du magasin a montré que de nombreuses manipulations étaient nécessaires, quel que soit le rayon, et que peu d’aménagements étaient possibles. Aucun argument d’exposition habituelle à des risques psychosociaux n’a été relevé qui auraient pu contribuer à l’apparition de cette épicondylite, en tant que trouble musculosquelettique, et l’entretenir. En effet, les déterminants et les facteurs de risque des troubles musculosquelettiques dans les situations de travail ne sont pas que biomécaniques.

La salariée, exprimant son anxiété à l’idée de perdre son emploi, a clairement déclaré qu’elle souhaitait rester dans l’entreprise, et que, sur les conseils de sa RH, elle avait fait une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ainsi qu’un bilan de compétences, et qu’elle pouvait être affectée à un poste administratif.

Un essai encadré sur un poste d’aide comptable lui a donc été proposé, validé par la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle et réalisé au cours de la semaine précédant la fin, programmée par le médecin-conseil, des indemnités journalières liées à son arrêt de travail. Cet essai, bien que bref, a été concluant. 

À la reprise, la salariée a été temporairement affectée à une mission de remplacement. Son intégration a nécessité une période d’adaptation : nouveau rythme, nouvelles missions, nouvel environnement de travail, formation en immersion, nouveaux enjeux… Mais elle a pu faire ses preuves sur le plan professionnel. Aucune formation spécifique n’a été nécessaire. 

À la fin du remplacement, le médecin du travail a déclaré Mme K. inapte à son poste de vendeuse conseil, pouvant être reclassée sur un poste sans manutentions ni gestes répétitifs, précisant qu’un poste administratif convenait.

Durant cette période, l’entreprise a pu finaliser un reclassement adapté, effectif moins de six mois après la reprise du travail, au poste de collaborateur comptable, avec un aménagement de poste bureautique destiné à éviter une rechute de l’épicondylite.

Dans ce cas, la patiente/salariée, en qualité d’acteur central, a joué un rôle essentiel. Elle a su mobiliser différents intervenants, en particulier les médecins, dès qu’elle a compris qu’elle ne pourrait pas reprendre son poste. Ce récit souligne également l’importance des échanges entre les médecins traitant, conseil et du travail (qui connaît bien l’entreprise), de la cellule PDP et de l’implication de l’employeur, afin de mener à bien une démarche, certes chronophage mais utile, et d’aboutir à un maintien dans l’emploi.

* Selon l’article R4541 - 2 du code du travail, « on entend par manutention manuelle toute opération de transport ou de soutien d’une charge dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement exige l’effort physique d’un ou de plusieurs travailleurs ».
* Selon l’article R4541 - 2 du code du travail, « on entend par manutention manuelle toute opération de transport ou de soutien d’une charge dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement exige l’effort physique d’un ou de plusieurs travailleurs ».
Références
1. Fassier JB. Maintien en emploi : médecine du travail et autres acteurs. Rev Prat 2024;74(5):507-9.
2.Aballea P, du Mesnil du Buisson M-A, Burstin A.La prévention de la désinsertion professionnelle des salariés malades ou handicapés. Rapport tome 1. Igas 2017.
3. Sénat. Proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail. Mieux accompagner certains publics notamment vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle. Rapport n° 706. 2021. https://www.senat.fr/rap/l20-706/l20-70610.html
4. Haute Autorité de santé (HAS) et Société française de médecine du travail (SFMT). Recommandation de bonne pratique. Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Argumentaire scientifique. Février 2019.https://urls.fr/sBT4Ne 
5. HAS, SFMT. Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs. Texte des recommandations. Février 2019.
6. Service public. Inaptitude au travail d’un salarié après un arrêt maladie. https://urls.fr/08QLS2
7. Guyot S, Wild P, Aptel A, et al. Aspects prédictifs d’un questionnaire de repérage de salariés à risque de désinsertion professionnelle. Références et santé au travail. Septembre 2023;175:31-43.
8. Moulin P, Maubleu C, Jereczek V, et al. Groupe employabilité du Plan santé-sécurité au travail en agriculture 2021-2025. Rev Prat Med Gen 2024;38(1088):270-2.
9. Articles L4622-2 du code du travail et R717-3 du code rural et de la pêche maritime.
10. Articles R4623-1 du code du travail et R717-52-2 du code rural et de la pêche maritime.
11. Article L4622-8-1 du code du travail.
12. Ameli. Les dispositifs de prévention de la désinsertion professionnelle. 8 novembre 2024. https://urls.fr/StnUH- 
13. Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. L’essai encadré. https://urls.fr/AOe2io 
14. Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. La convention de rééducation professionnelle en entreprise. 6 avril 2022. https://urls.fr/zSTS0A 
15. Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Les périodes de mise en situation en milieu professionnel. 14 septembre 2015. https://urls.fr/iUGR7V

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Résumé

Le maintien en emploi est un facteur de santé et d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé. Il ne se limite pas aux salariés en arrêt de travail mais s’envisage tout au long du parcours professionnel. La désinsertion professionnelle est définie comme une perte durable d’emploi, quelle qu’en soit la cause, l’incapacité de rester ou de retourner au travail résultant d’une blessure ou d’une maladie. La prévention de la désinsertion professionnelle consiste à mobiliser au cas par cas des acteurs, actions et dispositifs pour éviter cette perte durable d’emploi du patient/travailleur, qui doit rester l’acteur central. Il s’agit d’améliorer le pronostic individuel, notamment professionnel, de réduire les arrêts de travail et d’éviter les inaptitudes. Pour être efficaces, les professionnels du soin et de la santé au travail, qui sont complémentaires, doivent se coordonner, dans le respect du secret médical. L’anticipation est essentielle.