Ralentir l’évolution de la myopie chez l’enfant est un véritable enjeu pour préserver la santé oculaire plus tard dans la vie, puisque ce trouble réfractif, en particulier lorsqu’il est fort, est associée à un sur-risque de déficience visuelle (décollement de rétine, maculopathie myopique, glaucome, cataracte).
Plusieurs stratégies sont disponibles. Outre les règles comportementales de prévention (120 min/jour passées à l’extérieur, moins de 2 h 30 en lecture stricte à moins de 30 cm, pause toutes les 30 min pendant les devoirs), des méthodes pour freiner la progression de la myopie après sa survenue (surtout entre 7 et 13 ans) ont montré leur efficacité : orthokératologie (lentille rigide portée pendant la nuit), verres correcteurs DIMS, lentilles de contact souples bifocales, collyre à l’atropine, thérapie à lumière rouge basse intensité.
Néanmoins, des effets « rebond » ont été constatés dans plusieurs études, notamment avec les collyres à l’atropine et la thérapie à lumière rouge, mais aussi l’orthokératologie : après l’arrêt du traitement, l’allongement du globe oculaire s’accélère, avec donc une évolution plus rapide de la myopie qui annule en partie le bénéfice du traitement.
Une équipe de l’université de Houston, aux États-Unis, vient de montrer dans une étude parue dans le JAMA Ophthalmology que les enfants ayant utilisé des lentilles de contact souples bifocales n’ont pas d’effet rebond significatif lorsqu’ils arrêtent l’utilisation à la fin de l’adolescence, conservant ainsi l’effet du traitement.
Pas d’accélération de la myopie à l’arrêt du traitement
Une première étude randomisée, BLINK (Bifocal Lenses in Nearsighted Kids), menée par cette même équipe sur près de 300 enfants âgés de 7 à 11 ans, avait montré que, par rapport aux lentilles unifocales, le port pendant 3 ans de lentilles de contact souples bifocales à forte correction (+ 2,50 D) ralentissait la progression de la myopie en réduisant l’allongement axial du globe oculaire. En effet, contrairement aux lentilles souples unifocales – qui corrigent seulement la myopie –, les bifocales peuvent en influencer la cause sous-jacente, à savoir l’allongement anormal de l’œil, grâce à leur profil optique : une portion centrale corrige la vision de loin en la focalisant sur la rétine et une portion périphérique focalise la vision de près en avant de la rétine, ce qui incite l’œil à arrêter son allongement.
L’étude BLINK 2 a suivi ces mêmes participants jusqu’à la fin de l’adolescence : 248 enfants (59 % de filles) âgés de 11 à 17 ans à l’inclusion (médiane de 15 ans) ont été recrutés pour cette deuxième étude. Indépendamment de leur groupe lors de l’étude précédente (lentilles à forte ou moyenne correction, ou groupe contrôle avec lentilles unifocales), tous les patients enrôlés dans BLINK 2 ont porté des lentilles souples bifocales à forte correction (+ 2,50 D) pendant 2 ans et des lentilles souples unifocales pendant la 3e année, afin de déterminer si un effet rebond se produisait.
Après le passage au port de lentilles unifocales, l’allongement axial de l’œil a augmenté de 0,03 mm par an (IC95 % : 0,01 à 0,05) et la myopie a progressé de - 0,17 D par an (IC95 % : - 0,22 à - 0,12), indépendamment du traitement d’origine dans la première étude BLINK. Ces valeurs sont inférieures à celles de référence attendues pour ces âges-là en l’absence de traitement.
Ces données montrent donc une absence d’effet rebond, les enfants retrouvant un taux de croissance oculaire normal pour leur âge lorsque le traitement est arrêté vers la fin de l’adolescence (moment où la progression de la myopie s’est naturellement ralentie). De plus, le groupe qui avait porté les lentilles bifocales à plus forte correction depuis le début (étude BLINK) continuait d’afficher une myopie plus faible et un œil plus « court » que les autres, suggérant que le bénéfice est d’autant plus grand que le traitement est commencé à un plus jeune âge.
Ainsi, les résultats de cette étude plaident en faveur de l’utilisation des lentilles de contact souples bifocales pour freiner la myopie, débutant à un âge jeune et jusqu’à la fin de l’adolescence si possible.
Demott K, Costabile C. Contact lenses used to slow nearsightedness in youth have a lasting effect. National Institute Health 16 janvier 2025.
À lire aussi :
Hammoud S. Enfant myope : que faire pour ralentir l’évolution ? Rev Prat 2021;71(5);471-5.