Les blessures de la main sur le lieu de travail ou au domicile sont fréquentes et potentiellement graves. Il y a plus de 1,4 million de blessures de la main par an en France et une grande majorité (1,2 million) survient sur le lieu de travail, l’artisanat étant particulièrement concerné. Une blessure de la main est comptabilisée toutes les huit minutes et elle concerne 28 % des accidents du travail. Les accidents domestiques représentent 200 000 cas par an, de gravité variable ; ils surviennent le plus souvent en bricolant ou en jardinant. La plupart du temps, c’est au domicile que se produisent les accidents de la main des enfants.
Les conséquences de ces accidents sont multiples : période d’arrêt de travail prolongée, risque d’incapacité à la reprise du poste de travail, impact social et psychologique. Bien que la chirurgie ait fait de grands progrès, tant du point de vue de son organisation avec les structures SOS mains, que de ses techniques, la prévention reste essentielle.
Les lésions de la main peuvent être des plaies dont la gravité dépend de différents critères, des fractures, des amputations… Certains cas particuliers, comme les blessures avec un couteau à huîtres ou lors du retrait d’un noyau d’avocat, sont particulièrement fréquents (encadré).

Trois niveaux de prévention

La prévention consiste à éviter l’apparition mais aussi le développement ou l’aggravation des maladies. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini cette approche de la santé et de la prévention en 1948, en élaborant trois niveaux, en lien avec les différentes étapes d’une maladie :
  • la prévention primaire intervient le plus en amont de l’apparition. Il s’agit de diminuer les facteurs de risque pouvant causer l’accident ;
  • la prévention secondaire consiste à intervenir sur les stades précoces de l’accident afin de débuter un traitement le plus tôt possible ;
  • la prévention tertiaire agit sur les complications (handicap physique et/ou psychologique mais aussi socioprofessionnel) afin de limiter l’aggravation.
L’employeur a, par ailleurs, l’obligation légale de prévenir les risques pour ses salariés dans l’exercice de leurs missions professionnelles, comme le précise le code du travail à l’article L. 4121-1 : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Prévention primaire au travail et au domicile

De nombreux progrès ont été réalisés en matière de prévention dans les usines où l’automatisation croissante des chaînes de montage a permis de réduire les accidents graves des manutentionnaires. De ce fait, les cas de « mains de presse » ou autres accidents de la main industriels ont vu leur fréquence fortement diminuer ces dernières décennies. Toutefois, cela ne concerne pas les artisans, qui sont toujours très exposés.
De manière générale, que ce soit sur le lieu de travail ou au domicile, il faut savoir évaluer ses compétences et ne pas se surestimer pour les travaux difficiles. Ainsi, il faut veiller à :4,5
  • ne jamais travailler fatigué – attention aux accidents de fin de journée ! ;
  • utiliser des outils adaptés et en bon état, avec des systèmes de sécurité ;
  • bien sécuriser les échelles/échafaudages et ne pas travailler seul pour les travaux en hauteur ;
  • enlever les bagues ;
  • protéger les mains avec des gants adaptés au risque ;6
  • couper l’électricité ;
  • être à jour de ses vaccinations antitétaniques.
Au domicile, il faut également :
  • utiliser des protège-portes (fig. 1) ;
  • ne pas laisser les enfants en bas âge seuls dans la cuisine ;
  • débrancher une tondeuse avant manipulation et ne pas mettre les mains près de la lame, même à l’arrêt ;7
  • pratiquer la bonne technique d’ouverture des huîtres (utiliser un sabot et ne pas laisser la pointe dépasser trop) [fig. 2] ;8
  • adopter la bonne technique de dénoyautage d’avocat (avec une cuillère ou le plat d’un couteau) [fig. 3].9

Prévention secondaire, agir vite et bien

Lorsqu’un accident survient, le saignement peut être important car la main est un organe bien vascularisé. Il faut laver à l’eau claire pour enlever tous les débris (saletés, fragments de bois, de végétaux) puis désinfecter et mettre un pansement ou un tissu propre afin de comprimer la plaie pour arrêter le saignement.
On conseille aux patients d’aller dans un service d’urgence adapté, idéalement un service SOS mains. Si le patient est seul et ne peut pas se déplacer, il faut contacter les secours : SAMU (15), pompiers (18), 112.
L’amputation est l’accident le plus grave, il est donc important de conserver l’ensemble des fragments pour que le chirurgien puisse explorer et voir s’il est possible d’envisager une réimplantation (fiche sur la conduite à tenir en cas d’amputation en fig. 4). La conservation du doigt amputé se fait au froid mais jamais directement au contact de la glace. Il faut deux sacs en plastique : le doigt amputé doit être protégé dans un tissu et mis dans le premier sac, qu’il faut fermer hermétiquement, puis l’ensemble est placé dans un autre sac, qui contient la glace. Cette cryoconservation permet de ralentir la dégradation tissulaire du fragment amputé dans les premières heures et d’augmenter les chances de succès en cas de réimplantation.

Prévention tertiaire, limiter les répercussions

Les conséquences d’une atteinte de la main peuvent parfois être graves, avec des répercussions fonctionnelles, motrices, esthétiques mais également psychologiques et socioprofessionnelles.
Par exemple, en cas de plaie des tendons fléchisseurs, il y a un risque d’adhérences tendineuses ou de rupture tendineuse secondaire pouvant entraîner une difficulté de flexion des doigts ainsi qu’un manque de force rendant difficile une reprise d’activité professionnelle.
Après une amputation digitale, une réimplantation microchirurgicale n’est pas toujours efficace, ce qui provoque également des séquelles fonctionnelles.
Il est très important que le patient soit suivi dans une structure spécialisée, avec des chirurgiens de la main et des équipes pluridisciplinaires comprenant des infirmiers habitués aux soins de cicatrice au niveau des mains, des orthésistes, des kinésithérapeutes de la main mais également des psychologues et des conseillers médico-sociaux.
En Île-de-France, le Réseau prévention main Île-de-France (RPM-IDF : https://www.reseaumain.fr) accompagne les patients afin d’éviter la déprofessionnalisation, permettre un reclassement et procéder à la reconnaissance du handicap. Des actions de prévention auprès du grand public sont également régulièrement menées, comme la campagne « Avril en main ».

Une prévention essentielle à tous les niveaux

Bien que la chirurgie ait fait de nombreux progrès pour traiter et accompagner les patients, la prévention au domicile ou sur le lieu de travail est essentielle, avec trois volets : la prévention primaire pour éviter l’arrivée de l’accident, la prévention secondaire pour orienter et prendre en charge au mieux le patient, et la prévention tertiaire afin d’éviter une déprofessionnalisation et accompagner les séquelles physiques et psychologiques éventuelles.
Encadre

Principales lésions de la main

Plaies dont la gravité n’est pas liée à la taille mais à d’autres critères :1

– emplacement : palmaire ou dorsale, en regard d’une articulation, sur un trajet nerveux ou vasculaire ;

– mécanisme lésionnel : écrasement, arrachement, injection sous pression, etc. ;

– objet lésionnel : cutter, disqueuse, scie circulaire ;

– mono- ou pluridigitale ;

– macroamputation ou amputation distale ;

– caractère dévascularisant ;

– plaie contaminée avec risque d’infection ;

– plaie avec perte de substance cutanée exposant les organes nobles sous-jacents.

Fractures : par écrasement ou chute d’un lieu élevé.

Amputation totale ou partielle avec ou sans dévascularisation : les amputations de la main sont souvent causées par des machines en mouvement ou des objets tranchants. Ces blessures peuvent être très graves et entraîner une invalidité permanente.

Cas particuliers

Accident avec un couteau à huîtres : bien que la plaie soit souvent de petite taille, il existe un risque d’infection ou d’atteinte tendineuse et/ou nerveuse.

Accident causé lors du retrait d’un noyau d’avocat : en voulant retirer le noyau d’un avocat avec la pointe d’un couteau, celui-ci ripe et vient se planter dans la paume de la main tenant le fruit.

Main de tondeuse : sous-estimée en fréquence et souvent très grave. Il ne faut pas enlever à la main l’herbe ou le branchage bloquant la lame de l’appareil au risque de la libérer brutalement alors qu’elle a encore de l’énergie rotatoire.

Doigt d’alliance ou ring finger : Le « doigt d’alliance » ou « ring finger »2 est un accident grave, bien connu des chirurgiens de la main mais beaucoup moins du grand public. Le mécanisme lésionnel est simple, la bague s’accroche à un objet et cela arrache le doigt par un mécanisme de dégantage. La situation classique est celle d’un adolescent souhaitant récupérer un ballon passé au-dessus d’un grillage, la bague s’accrochant au grillage lorsqu’il saute. Cette lésion est redoutable car le mécanisme est celui d’un arrachement et non d’une section nette, difficile à réparer en microchirurgie. Il y a environ 400 cas par an en France.

Doigt de porte des enfants : écrasement de l’ongle et de la pulpe avec plaie et parfois fracture de la partie distale de la phalange. Il s’agit d’un accident très fréquent, vu quasi quotidiennement aux urgences.3

Brûlure des mains : elle survient souvent chez les enfants et peut varier en gravité. Les brûlures, en dehors des conséquences esthétiques, peuvent provoquer des rétractions digitales, et les atteintes circonférentielles sont graves.

Références
1. Koch SL. Injuries of the hand. Q Bull Northwest Univ Med Sch 1945;19(4):265‑77.
2. Crosby N, Hood J, Baker G, Lubahn J. Ring injuries of the finger: Long-term follow-up. Hand (NY) 2014;9(3):274‑81.
3. Chang J, Vernadakis AJ, McClellan WT. Fingertip injuries. Clin Occup Environ Med 2006;5(2):413‑22.
4. Hart RG. Hand injury prevention. Ann Emerg Med 2005;45(6):636‑8.
5. Leixnering M, Quadlbauer S, Szolarcz C, Schenk C, Leixnering S, Körpert K. Prevention of hand injuries. Current situation in Europe. Handchir Mikrochir Plast Chir 2013;45(6):339‑43.
6. Gerberding JL, Quebbeman EJ, Rhodes RS. Hand protection. Surg Clin North Am 1995;75(6):1133‑9.
7. Mullins J. Lawn mower injuries: A review. J Emerg Nurs 2010;36(1):83‑4.
8. Pinsolle V, Pelissier P. Open the oyster, not the hand.J Hand Surg Br 2006;31(5):576.
9. Rahmani G, Martin-Smith J, Sullivan P. The avocado hand. Ir Med J 2017;110(10):658.

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Résumé

Les progrès des techniques chirurgicales et l’organisation en services SOS mains ont contribué à améliorer la prise en charge des accidents de la main. Ceux-ci restent cependant nombreux et peuvent entraîner des séquelles fonctionnelles, esthétiques et avoir des conséquences socioprofessionnelles. La prévention des accidents de la main est donc fondamentale. Elle s’organise en trois volets : la prévention primaire pour éviter la survenue de l’accident, la prévention secondaire pour orienter et prendre en charge au mieux le patient, et la prévention tertiaire afin d’éviter une déprofessionnalisation et accompagner les séquelles physiques et psychologiques éventuelles.