La teigne est une dermatose infectieuse du cuir chevelu et des follicules pileux due à un dermatophyte (champignon filamenteux ayant une affinité pour la kératine), qui touche le plus souvent les enfants d’âge scolaire, principalement entre 6 et 10 ans. Elle est ubiquitaire, mais a une prévalence plus élevée dans les pays à faible indice de développement. Elle représente un véritable enjeu de santé publique compte tenu de sa fréquence dans le monde, de sa contagiosité et de ses potentielles complications si elle est prise en charge tardivement.
Les principaux dermatophytes impliqués appartiennent aux familles des Trichophyton et des Microsporum, l’écologie des germes étant différente selon les pays. Parmi les dermatophytes incriminés, certains sont anthropophiles (transmission strictement interhumaine), d’autres zoophiles (transmission par des animaux comme les cochons d’Inde, chats, chiens, animaux de la ferme, etc.) et plus rarement géophiles.1,2
Modalités diagnostiques
Le diagnostic de teigne repose sur l’examen clinique, l’examen microscopique et la culture.
Examen clinique
Il existe trois grandes formes cliniques de teigne :
- la teigne dite tondante, peu inflammatoire, est la plus fréquente ; elle est due à Trichophyton ou à Microsporum (fig. 1A). Cette forme de teigne provoque une cassure du cheveu. La teigne tondante trichophytique prend classiquement la forme de multiples plaques de petite taille ; les lésions ne sont pas fluorescentes sous la lampe de Wood. La teigne tondante microsporique est habituellement caractérisée par la présence d’aires érythémato-squameuses alopéciques d’assez grande taille, prenant une fluorescence verte sous la lampe de Wood. Toutefois, malgré la distinction théorique entre teignes trichophytiques et teignes microsporiques, l’identification clinique des germes n’est pas très discriminante : un prélèvement est nécessaire pour établir un diagnostic microbiologique précis ;
- la teigne inflammatoire, appelée kérion,3 provoquée principalement par des dermatophytes zoophiles ou géophiles, prend l’aspect d’un macaron inflammatoire, douloureux, surmonté de pustules (fig. 1B). Le kérion est souvent confondu avec un abcès d’origine bactérienne, d’autant plus qu’il est souvent compliqué de surinfection à Staphylococcus aureus. Il peut entraîner des séquelles locales à type d’alopécie définitive ;
- la teigne favique est une forme chronique de teigne devenue exceptionnelle en Europe, mais encore prévalente dans certains pays d’Asie. Elle est due à Trichophyton schoenleinii (germe anthropophile). Il s’agit d’une forme très contagieuse, débutant par des lésions érythémateuses qui se transforment en « godets faviques » (cupules millimétriques coalescentes), induisant une alopécie définitive.
La trichoscopie (ou examen dermoscopique) peut être utile dans le diagnostic de teigne, lorsqu’elle trouve certains signes évocateurs, comme la présence de :
- cheveux dits « en virgule » ;
- cheveux « en tire-bouchon » ;
- cheveux « en zigzag » ;
- cheveux « en code-barres ».
Un entraînement est nécessaire pour reconnaître ces signes. Toutefois, ils ne permettent pas d’orienter vers le type de germe impliqué.
Examen microbiologique
La confirmation du diagnostic et l’identification du germe en cause se font grâce aux prélèvements de cheveux et de squames, examinés au microscope, puis mis en culture.
L’examen direct permet une première orientation étiologique selon le parasitisme observé. Trois types de parasitisme sont possibles, caractéristiques de l’espèce dermatophytique :
- parasitisme endothrix, dans lequel le dermatophyte colonise l’intérieur du cheveu, orientant vers certains champignons du genre Trichophyton ;
- parasitisme endo-ectothrix, dans lequel le cheveu contient des filaments mycéliens et est entouré d’une gaine dense constituée de spores, orientant vers un champignon du genre Microsporum ;
- parasitisme favique, dans lequel de nombreux filaments en paquets sont observés dans le cheveu.
La culture sur milieu de Sabouraud permet d’obtenir l’identification de l’espèce après trois à quatre semaines.
Complications
La principale complication des teignes est la surinfection bactérienne, principalement due à Staphylococcus aureus. Une alopécie définitive est possible dans les formes inflammatoires (kérions) et les teignes faviques. Enfin, la contamination de l’entourage lors de teignes anthropophiles est également à prendre en compte.
Trois grands types de diagnostic différentiel
Les principaux diagnostics différentiels de la teigne sont les autres causes d’alopécie (telles que la pelade ou la trichotillomanie), les causes d’atteinte croûteuse du cuir chevelu (comme les croûtes de lait chez le nourrisson, la fausse teigne amiantacée ou la folliculite du cuir chevelu) et les dermatoses inflammatoires du cuir chevelu (telles que le psoriasis ou la dermatite atopique).
Traitements systémique et local conjoints
La prise en charge de la teigne consiste en l’association d’un traitement systémique, qui peut être initié de manière probabiliste après la réalisation de prélèvements, et d’un traitement local (fig. 2). La durée de traitement doit être d’au moins quatre semaines.
Choix du traitement systémique en fonction du germe
En France, les traitements systémiques actuellement disponibles sont la terbinafine et l’itraconazole, à dose adaptée au poids de l’enfant. La griséofulvine n’est plus disponible en France et le fluconazole n’est pas un traitement de première intention des teignes.4,5
Le choix de la molécule dépend de l’identification du germe :
- Trichophyton : la terbinafine est prescrite pour quatre semaines, en première intention ;
- Microsporum : l’itraconazole est préféré chez les adultes et les enfants de plus de 20 kg, avec une durée de traitement allongée à six semaines.
Les principaux effets indésirables rapportés sont des troubles digestifs, des vertiges et des céphalées. Quelques cas d’hépatite ont été rapportés sous itraconazole. Un bilan biologique (hémogramme, fonction hépatique, créatininémie) est recommandé en cas de traitement prolongé ou de maladie préexistante.
La prise en charge de la teigne chez les enfants de moins de 10 kg est peu codifiée. Le centre de preuves de la Société française de dermatologie préconise une prise en charge hospitalière.
Toujours associer un traitement local
Un traitement local antifongique (crème, lotion, shampoing : imidazole, terbinafine, ciclopirox ou amorolfine) est associé, une ou deux fois par jour, pendant quatre semaines ; il permettrait une décontamination plus rapide mais n’est pas suffisant à lui seul.
Éviter réinfestation et contagion
Les mesures de décontamination, le dépistage de l’entourage et des animaux de compagnie (pour les formes zoophiles) sont également nécessaires. Néanmoins, une fois le traitement initié, l’éviction scolaire n’est pas utile.
Évolution
Une consultation à quatre semaines est recommandée afin d’évaluer l’efficacité du traitement (et l’adapter au résultat de la culture), sa tolérance et l’observance. En cas d’inefficacité, si l’observance est bonne, il s’agit, puis d’envisager une potentielle résistance ou un diagnostic différentiel.
2. Gupta AK, Friedlander SF, Simkovich AJ. Tinea capitis: An update. Pediatr Dermatol 2022;39:167-72.
3. Deng R, Chen X, Zheng D, et al. Epidemiologic features and therapeutic strategies of kerion: A nationwide multicentre study. Mycoses 2024;67:e13751.
4. Maruani A, Barbarot S, Gangneux JP, et al. Management of tinea capitis in children following the withdrawal of griseofulvin from the French market: A fast-track algorithm proposed by the Center of Evidence of the French Society of Dermatology. Ann Dermatol Venereol 2022;149:238-40.
5. Centre de preuves en dermatologie. Teignes : algorithme de prise en charge des teignes de l’enfant. Décembre 2024. https://bit.ly/409DY2J