Si la prise de poids gestationnelle est normale et recommandée pendant la grossesse, la question de savoir quel gain pondéral suggérer à quel stade de la grossesse selon l’IMC des patientes reste d’actualité. En France, la recommandation actuelle, basée sur des préconisations américaines de 2009 (détaillées en Tableau), recommande un gain pondéral par semaine identique aux 2e et 3e trimestres de grossesse, qui varie selon l’IMC. Enfin, ces guidelines ne précisent pas de recos pour le 1er trimestre.
Pour proposer des repères plus complets, des scientifiques américains ont réalisé une analyse secondaire de la cohorte prospective multicentrique américaine NuMoM2b. Cette dernière avait recruté des femmes nullipares entre 6 et 13 SA, qui avaient rapporté leur poids pré-grossesse avant d’être pesées. Deux autres mesures de poids avaient été effectuées (16 - 21 SA, puis 22 - 29 SA).
Dans leur analyse secondaire de ces données, les chercheurs ont estimé le changement pondéral hebdomadaire des participantes – défini comme la prise de poids divisé par le nombre de semaines entre deux visites avec prise du poids – aux 1er, 2e et 3e trimestres. Pour évaluer le changement de poids optimal à ces étapes, ils ont utilisé comme critère de jugement principal les complications de la grossesse, dont les troubles hypertensifs (HTA gravidique, prééclampsie, hémolyse, enzymes hépatiques élevées, thrombopénie, éclampsie), la naissance prématurée (< 37 SA), la mortinatalité, et le petit poids par rapport à l’âge gestationnel. L’analyse statistique a pris en compte la présence de facteurs confondants connus des complications de la grossesse (âge maternel, race, hypertension chronique, tabagisme, prédiabète gestationnel, etc.).
Des recos plus permissives
Les résultats sont parus en mars 2025 dans American Journal of Obstetrics & Gynecology. Sur 8 121 patientes incluses (âge moyen = 27,1 ans ; IMC moyen pré-grossesse = 24,5), 53,8 % avaient un IMC < 25, 24,7 % étaient en surpoids (25 ≤ IMC < 30), et 21,5 % en obésité (IMC ≥ 30, dans cette étude : depuis 2025, une nouvelle définition de l’obésité, plus complexe, existe).
Les changements pondéraux par semaine associés aux moindres complications de la grossesse étaient respectivement :
- Au 1er trimestre, 0,7 kg/semaine (si IMC pré-grossesse < 30) et 0,6 kg/semaine (IMC ≥ 30) ;
- Au 2e trimestre, 0,7 kg/semaine (IMC < 25) et 0,5 kg/semaine (IMC ≥ 25) ;
- Au 3e trimestre, 0,5 kg/semaine (IMC < 25) et 0,4 kg/semaine (IMC ≥ 25).
Tout en suggérant pour la première fois des valeurs pour le 1er trimestre, ces propositions s’avèrent donc plus permissives que les anciennes recos pour toutes les catégories de poids. Les auteurs suggèrent que cela s’explique en partie par une meilleure balance entre risques pour la mère (surtout associés à une prise de poids trop importante) et risques pour le fœtus (associés à trop peu de prise de poids).
Toutefois, l’étude a des limites : malgré sa cohorte prospective large et diverse de femmes disposant d’un bon suivi des critères de jugement, elle reste une analyse secondaire. Ce qui signifie que cette publication n’a pu que tester une association, et pas un lien de causalité entre prise de poids gestationnelle et complications de la grossesse. De plus, malgré la prise en compte de facteurs confondants, des variables non testées comme la santé métabolique ou la nutrition ont pu jouer un rôle sur le poids gestationnel et sur le résultat de la grossesse. Enfin, l’étude n’inclut que des femmes nullipares, rendant nécessaire l’étude du cas des femmes multipares.
Institute of Medicine and National Research Council. Weight Gain During Pregnancy: Reexamining the Guidelines. Chapter: 7 Determining Optimal Weight Gain. 2009.
Haut Conseil de la santé public. Avis relatif à la révision des repères alimentaires pour les femmes enceintes et allaitantes. 18 janvier 2022.
Pour en savoir plus :
Delorme P, Codaccioni C, Azria É. Item 23. Grossesse normale. Rev Prat 2024;74(1):83-8.
Ciangura C, Coupaye M. Grossesse après une chirurgie bariatrique. Rev Prat 2022;72(2):185-7.
Maître C. Sport et grossesse. Rev Prat 2024;74(6):622-6.