En vente libre depuis 2015 en France, les produits contenant du cannabidiol (CBD) – qui est un cannabinoïde non psychotrope – sont vendus sous différentes formes : huiles, tisanes, bonbons, gâteaux, e-liquides pour cigarette électronique, comprimés… Ce ne sont pas des médicaments, mais ils sont souvent consommés pour leurs effets réels ou supposés sur le bien-être, et ils affichent parfois des allégations de santé, souvent sans réglementation.
Plusieurs des cas d’intoxication, y compris des cas graves, ont été signalés entre 2017 et 2023 (une soixantaine, sans doute fortement sous-estimés). L’ANSM avait alors alerté sur le risque d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses liés à la consommation de ces produits.
Aujourd’hui, elle confirme qu’il y a une augmentation significative des intoxications depuis 2024 : plusieurs centaines ont été signalées aux centres antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV) ou aux centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A).
La composition des produits diffère souvent de celle annoncée
Dans la majorité des cas, elles ont été causées par la présence dans ces produits de substances interdites à l’insu du consommateur (cannabinoïdes de synthèse) ou des taux de THC supérieur à 0,3 %. En effet, lorsqu’un produit contient des cannabinoïdes de synthèse (HHC, HHC-O, H4 -CBD, H2 -CBD, MDMB-PINACA…) ou du THC à un taux supérieur à 0,3 %, il est classé comme stupéfiant et sa vente, achat et consommation est interdite, quel qu’en soit l’usage (ingérer, vapoter, fumer…).
De plus, jusqu’à 8 produits à base de CBD sur 10 auraient une teneur en CBD différente de celle indiquée sur l’étiquetage, selon une étude soutenue par la Mildeca et menée en 2023 par les CEIP de Lyon, Paris et Montpellier.
Quels effets indésirables ?
Les symptômes rapportés sont variés et parfois graves : fatigue, somnolence, nausées, maux de tête, anxiété, vertiges, vomissements, tachycardie, crise d’angoisse aiguë, état d’agitation accompagné d’hallucinations, perte de connaissance, idées ou comportements suicidaires, crise d’épilepsie… Ils peuvent se produire quelles que soient la durée, la fréquence et la forme sous laquelle le produit a été consommé.
Dans l’Union européenne, les aliments contenant du CBD ne sont d’ailleurs pas autorisés à la vente ; tous sont considérés comme à risque pour la santé.
Enfin, même lorsqu’ils respectent les compositions légales, ces produits peuvent aussi entraîner des effets indésirables :
- le CBD seul peut aussi engendrer les symptômes cités ci-dessus, et comporte un risque d’interaction avec de nombreux médicaments (v. encadré ci-dessous) ;
- même en quantité limitée, le THC peut entraîner une somnolence ou une léthargie. La consommation de ces produits est donc déconseillée aux travailleurs exposés à des risques industriels, les conducteurs de machines et aux usagers de la route ;
- une attention particulière doit être portée aux produits étiquetés comme « puissants », susceptibles d’être encore plus dangereux.
Que dire à vos patients ?
Arrêtez de consommer le produit dès lors que vous ressentez des effets inattendus ou indésirables.
En cas de risque de détresse vitale (perte de connaissance, malaise…), appelez immédiatement le 15.
En présence d’autres symptômes, consultez un médecin ou appelez un centre antipoison au 01 45 42 59 59 (numéro d’urgence 24/24, 7/7).
Maintenez ces produits hors de la portée des enfants : l’ingestion accidentelle de produits à base de CBD, dont la présentation est parfois attractive, peut entraîner des effets particulièrement graves chez les plus jeunes.
En cas d’effet indésirable, abus, dépendance ou usage détourné : déclarer sur le portail de signalement des événements sanitaires indésirables : signalement.social-sante.gouv.fr et prendre conseil auprès du centre antipoison ou du CEIP-A de sa région (valable aussi bien pour les consommateurs que pour les professionnels de santé informés de ces effets).
Conservez ce qu’il vous reste du produit, quel qu’il soit (e-liquide, herbe, bonbon), pour qu’il puisse éventuellement être analysé par le système d’identification national des toxiques et des substances (SINTES) de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
Si vous avez du mal à réduire ou à arrêter votre consommation, contactez dès que possible un médecin ou un centre spécialisé dans la prise en charge des addictions. Les coordonnées et informations utiles sont disponibles sur le site : drogue-info-service.fr.
Liste non exhaustive des médicaments pouvant interagir avec le CBD
Analgésiques : tramadol, morphine, diflunisal
Anesthésiquesgénéraux : propofol
Antiarythmiques : digoxine
Anticoagulants : warfarine, coumarines, fluindione, dabigatran
Hypolipémiants : gemfibrozil, fénofibrate, statines
Antidiabétiques oraux : répaglinide
Hormones thyroïdiennes : lévothyroxine
Immunosuppresseurs : évérolimus, tacrolimus, sirolimus
Inhibiteurs de la pompe à protons : oméprazole, ésoméprazole
Antibiotiques : rifampicine, rifabutine
Antifongiques : griséofulvine
Myorelaxants : tizanidine
Antidépresseurs : amitriptyline, citalopram, escitalopram, bupropion
Antiépileptiques : acide valproïque, lamotrigine, phénytoïne, carbamazépine, oxcarbazépine, phénobarbital, topiramate, stiripentol
Antipsychotiques : clozapine, lithium
Hypnotiques et benzodiazépines : zolpidem, ramelteon, tasimelteon, clobazam, lorazépam
Traitement de substitution des opiacés : méthadone
Attention : le CBD est susceptible d’interagir avec d’autres types de médicaments qui ne sont pas encore identifiés.