Dans le contexte épidémique actuel, la question de la prise en charge des patients sous immunosuppresseurs/immunomodulateurs ou biothérapies se pose : faut-il les arrêter ? Doit-on renouveler les ordonnances de ces patients ? 

 

Les traitements immunosuppresseurs/immunomodulateurs les plus prescrits* dans les maladies inflammatoires en dermatologie sont le méthotrexate, la ciclosporine, les anti TNF-alpha (étanercept, adalimumab, infliximab, certolizumab), les anti-IL-17 (sécukinumab, ixekizumab), les anti-IL-12/23 (ustékinumab) et les anti-IL-23 (guselkumab, risankizumab). 

D’après les recommandations des sociétés savantes et des groupes thématiques en France et en Europe1-2 et aussi aux États-Unis,3 à l’heure actuelle, il n’existe aucun argument indiquant que le Covid-19 soit plus sévère chez les patients sous ces traitements. En revanche, il est bien connu qu’un arrêt « abrupt » d’une de ces molécules dans une maladie inflammatoire chronique comme le psoriasis ou le rhumatisme psoriasique pourrait induire une rechute voire un rebond de la maladie.

Nous avons essayé de synthétiser ces recommandationsafin de les partager avec les confrères qui prescrivent ces traitements ou renouvellent les ordonnances.

Pour les patients qui devraient bénéficier d’une de ces thérapeutiques, il est conseillé de reporter son initiation après l’épidémie de Covid-19.

Pour ceux en cours de traitement, il n’y a pas d’argument pour l’interrompre à but préventif. Ces patients, en plus des règles communiquées par tous les médias (lavages fréquents des mains, mouchoirs à usage unique, distance d’un mètre lors des courses, télétravail), doivent respecter rigoureusement le confinement.

Pour les patients sous traitement et confirmés positifs Covid-19 ou ayant des symptômes évocateurs (fièvre, toux, signes respiratoires, anosmie, dysgueusie) et/ou des manifestations non spécifiques mais rapportées fréquemment (acrosyndromes, engelures, éruptions varicelliformes ou de type érythème polymorphe…), et/ou en contact proche d’un cas infecté : arrêter le traitement immunosuppresseur/immunomodulateur. 

La décision du maintien/renouvellement ou du changement de thérapie peut être adaptée pour les patients en cours de traitement :

– devant un psoriasis bien contrôlé, aucun changement n’est conseillé ;

– chez des patients ayant un risque élevé d’infection par le SARS-CoV-2 (professionnels exposés, personnes non-confinées) et aussi en tenant compte des différents effets immunosuppresseurs/immunomodulateurs, et de la rémanence possible de l’effet thérapeutique, les dermatologues ayant initié ces thérapies pourront décider soit un arrêt temporaire soit un changement de molécule, sachant que :

# le méthotrexate et la ciclosporine sont considérés plus immunosuppresseurs que les biothérapies ;2

# parmi les biothérapies ayant le moins de risque d’infection, figurent les anti-IL-232, puis les anti-IL-17 (faible risque de candidose), ensuite l’anti-IL-12/23 (suppression de l’IL-12 – salmonelloses décrites) et enfin les anti-TNF-alpha3. Le Professeur Marc Lebwolh de l’Hôpital « Mount Sinaï » de New York conseille à ses équipes – en cas de doute sur le risque d’infection – un éventuel switch de l’anti-TNF vers un anti-IL-23 ou anti-IL-17.3

Ces recommandations/conseils son bien évidemment susceptibles d’évoluer en fonction des connaissances en rapide évolution du Covid-19. 

*L’acitrétine, les traitements anti-phosphodiéstérase-4 (aprémilast), les biothérapies prescrites dans la dermatite atopique (dupimulab) et dans l’urticaire (omalizumab), ne sont pas considérés comme immunosuppresseurs et ne font pas l’objet des conseils cités ci-joint

Dr Marius-Anton Ionescu, dermatologue (Polyclinique de dermatologie, pôle maladies inflammatoires, CHU « Saint Louis », Paris).

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