Bien équilibré, l’ego donne une force dans l’existence. L’ego caractérise les aspects de la personnalité en lien avec l’estime de soi et les capacités relationnelles. Il comprend, d’une part, la manière d’être et, d’autre part, les forces internes en équilibre avec les exigences de la réalité extérieure. À côté d’un ego harmonieux existent depuis longtemps des distorsions, dont les egos surdimensionnés, surtout retrouvés dans les pathologies narcissiques. Des avancées sur des données biologiques, d’imagerie, des neurosciences et des éléments psychologiques complètent ces traits de caractère.L’empathie constitue un élément central de l’ego, avec l’endurance existentielle (avoir une constance dans la vie, supporter les péripéties existentielles). Inversement, une vision égoïste du monde, un manque d’intérêt pour autrui et une faible endurance existentielle sont des traits de personnalité des egos démesurés. Les personnalités narcissiques sont des anomalies de l’ego qui se caractérisent par deux dimensions : une estime grandiose de soi-même et une vulnérabilité aux critiques. Trois sous-types de narcissisme semblent prédominants : le sous-type « grandiose » dans lequel les individus se surestiment, le sous-type « vulnérable » qui associe des dimensions de retrait à une estime élevée de soi et un sous-type « brillant » qui comprend des sujets ayant une perception élevée d’eux-mêmes et dont la réussite professionnelle et sociale est forte.Les personnalités narcissiques représentent entre 0,2 et 6 % d’une population générale. Les taux les plus élevés sont observés dans les pays ayant de fortes attentes de réussite et des valeurs hiérarchiques fortes.Le narcissisme est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, à l’adolescence et chez les sujets jeunes. Certaines dimensions comme les idées grandioses, l’extraversion ou le manque d’empathie peuvent être corrélées à des aspects génétiques. Des allèles du promoteur 4 du récepteur à la dopamine (DRD4P) et du gène de la catécholamine-O-méthyltransférase (COMT) affectent la transmission synaptique de la dopamine et semblent prédominants chez les traders. Au niveau biologique, les dimensions de grandeur et de vulnérabilité peuvent s’accompagner de modifications de la réactivité au stress (sécrétion du cortisol). Une augmentation de la testostérone a été retrouvée sur un échantillon d’hommes ayant des tendances grandioses. Une dérégulation de la dopamine a été évoquée. Plus les taux de sérotonine augmentent dans le cerveau, plus l’agressivité se réduit chez les personnalités narcissiques. Il a été montré qu’une personnalité narcissique peut être associée à des anomalies structurelles et fonctionnelles des régions du cortex préfrontal, du cingulum dorsal antérieur, du cortex cingulaire et de l’insula. L’apparition d’un narcissisme pathologique relève aussi de facteurs familiaux et éducatifs. Tous les événements traumatiques facilitent l’apparition d’une impulsivité, de pensées irrationnelles, d’un retour sur soi avec des éléments de grandeur.Des études sont nécessaires pour préciser les comorbidités les plus fréquentes, l’histoire naturelle du narcissisme au fil de l’existence et les facteurs favorisants, comme l’utilisation des réseaux sociaux et du numérique.

Laurent Schmitt, psychiatre, Toulouse, France

22 octobre 2024