L’hypernatrémie, définie par une concentration plasmatique de sodium supérieure à 145 mmol/L, est le signe biologique d’un déficit en eau occasionnant une déshydratation intracellulaire. Ce déficit hydrique peut être consécutif soit à un excès de perte d’eau (rénale ou extrarénale), soit à un déficit d’apport, ou exceptionnellement à un excès d’apport de sel. L’augmentation, même modérée, de la natrémie s’accompagnant d’une sensation de soif, est fréquemment observée chez des patients âgés à l’autonomie altérée, chez les nourrissons ou chez les patients hospitalisés en réanimation. En dehors de ces cas, les pertes d’eau sont compensées par les apports, et le signe clinique prédominant est celui d’une polyurie, dont la démarche diagnostique est la même que celle d’une hypernatrémie. Il s’agit d’un trouble hydroélectrolytique grave, dont les complications sont avant tout neurologiques. La prise en charge relève surtout de la correction du déficit hydrique, en parallèle du bilan étiologique. 

Physiopathologie de l’hypernatrémie

Le sodium étant le cation majoritaire dans le plasma, sa concentration est le meilleur reflet de l’osmolarité plasmatique (concentration de soluté dans le plasma). On peut d’ailleurs calculer l’osmolarité par la formule : Osm = (Na+ × 2) + glycémie. 

L’osmolarité plasmatique est identique à l’osmolarité cellulaire, puisque la membrane cellulaire est perméable à l’eau. Une variation de l’osmolarité plasmatique s’accompagne toujours d’une variation de l’osmolarité cellulaire, qui est elle-même sensible uniquement aux mouvements hydriques. Une augmentation de l’osmolarité plasmatique (par perte d’eau ou excès de sel) entraîne un mouvement d’eau de la cellule vers le plasma, faisant le lit d’une déshydratation intracellulaire.

En réponse à une augmentation de l’osmolarité plasmatique, l’organisme sécrète l’hormone antidiurétique (ADH), dont le rôle est de favoriser la réabsorption d’eau du canal collecteur rénal vers la circulation sanguine. Cela se traduit biologiquement par une concentration des urines, définie par une osmolarité urinaire supérieure à 600 mOsm/L : OsmU = (Na+ + K+) × 2 + urée.

Une hypernatrémie apparaît donc :

  • soit quand le déficit hydrique dépasse les capacités d’adaptation du rein ;
  • soit quand les mécanismes de concentration des urines sont défaillants.

Principales causes

Devant toute hypernatrémie, il faut rechercher un manque d’accès à l’eau. En effet, tant que la sensation de soif et l’accès à l’eau sont préservés, un individu, même avec un diabète insipide, garde une natrémie normale, au prix d’une polyurie.

Les causes d’hypernatrémie peuvent être distinguées selon leur mécanisme (figure) : 

  • déficit en apport hydrique (difficultés d’accès à l’eau ou perte de la sensation de soif) ;
  • perte d’eau ;
  • excès d’apport de sel.

Déficit en apport d’eau

Le déficit en apport hydrique est relativement simple à diagnostiquer à l’interrogatoire et à l’examen clinique. Les exemples les plus fréquents sont les âges extrêmes et notamment les personnes âgées institutionnalisées, dépendantes (d’autant que la sensation de soif diminue avec l’âge).

Perte d’eau

Les pertes d’eau sont schématiquement divisées en deux cas de figure : pertes rénales ou pertes extrarénales.

Perte d’eau d’origine rénale

Il peut s’agir :

  • d’un défaut de concentration des urines (OsmU < 600 mOsm/L) comme dans le diabète insipide (toxicité médicamenteuse, déficit en ADH, maladies auto-immunes, néphropathies interstitielles) ;
  • d’une diurèse osmotique (diabète, mannitol, levée d’obstacle) ; dans cette situation, un agent osmotiquement actif dans les urines (sucre dans le diabète ou mannitol) entraîne une perte d’eau et donc une déshydratation intracellulaire. Dans le cas de la levée d’obstacle, la perte du gradient osmotique corticopapillaire empêche une concentration adéquate des urines.

Perte d’eau d’origine extrarénale

Les causes digestives (diarrhées hydriques) et cutanées (brûlures) peuvent en être à l’origine. 

Excès d’apport de sel

Les excès d’apport de sel sont généralement simples à identifier : excès de perfusion, ingestion d’eau de mer, etc.

Démarche diagnostique

Devant une hypernatrémie

En général, l’enquête anamnestique permet assez facilement d’identifier une carence d’apport d’eau, un excès d’apport de sel ou une perte extrarénale. 

Ensuite, il convient de réaliser un bilan urinaire comprenant les dosages des sodium, potassium, urée et créatinine afin de calculer l’osmolarité et identifier un trouble de concentration des urines.

Devant une polyurie

Il est indiqué d’éliminer les causes évidentes telles que le diabète ou l’hypercalcémie, puis de réaliser un test de restriction hydrique en milieu spécialisé. Ce dernier permet de différencier un excès d’apport d’eau (potomanie) d’un diabète insipide. Un test au Minirin peut être nécessaire afin de distinguer un diabète insipide néphrogénique (absence de réponse rénale à l’ADH) d’un diabète insipide central (réponse rénale à l’ADH : la perfusion d’ADH s’accompagne d’une diminution de la diurèse et d’une concentration des urines).

Réhydrater en premier lieu

La prise en charge repose en premier lieu sur la réhydratation par de l’eau libre (sans soluté), soit par voie orale si cela est possible, soit par voie intraveineuse. Il convient dans ce cas d’utiliser du glucosé à 5 % (ou 2,5 % chez le patient diabétique). La quantité à apporter est estimée par la formule suivante : déficit d’eau libre = (Na patient/145 - 1) × 0,6 × poids du patient.

Le traitement de la cause dépend ensuite du mécanisme de l’hypernatrémie. Les patients ayant un diabète insipide nécessitent une prise en charge spécialisée, souvent multidisciplinaire, par endocrinologues et néphrologues. Cette maladie, extrêmement rare en pratique clinique, se manifeste habituellement par une polyurie plutôt que par une hypernatrémie. Toute polyurie sans cause évidente (diabète sucré, hypercalcémie) doit faire demander un avis spécialisé, notamment chez l’enfant, afin de ne pas méconnaître une néphropathie interstitielle. 

Pour en savoir plus
Adrogue Horacio J, Madias Nicolaos E. Hypernatremia. N Engl J Med 2000;342(20):1493‑9. 
Muhsin SA, Mount DB. Diagnosis and treatment of hypernatremia. Disturb Water Electrolyte Balance 2016;30(2):189‑203. 
Yun G, Baek SH, Kim S. Evaluation and management of hypernatremia in adults: Clinical perspectives. Korean J Intern Med 2023;38(3):290‑302. 
Édition professionnelle du Manuel MSD. Hypernatrémie - Troubles endocriniens et métaboliques. https://msdmnls.co/4bmEmOa 

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