Les agrumes appartiennent à la famille des Rutacées. On compte parmi eux :
- l’orange : Citrus sinensis
- le pamplemousse : Citrus paradisi
- le citron : Citrus limon
- la mandarine : Citrus reticulata
- le yuzu : Citrus junos
Les principaux allergènes sont indiqués dans l’encadré ci-dessous.
Allergies IgE-médiées : de l’urticaire à l’anaphylaxie
Les symptômes – urticaire, œdème ou réaction anaphylactique sévère – apparaissent au maximum dans les deux heures après la consommation. Ces réactions peuvent survenir de façon inaugurale, être induites par l’effort (anaphylaxie) ou encore résulter d’une allergie croisée avec le pollen de cyprès ou d’autres aliments.
Le yuzu (agrume japonais) peut également déclencher une réaction anaphylactique chez une personne allergique en cas de contact cutané.
Les agrumes japonais aussi !
Le Citrus unshiu est une variété d’agrumes japonais, sans pépins, qui résiste à des températures froides (jusqu’à - 10 °C). En 2017, une publication rapporte le cas d’une fille de 12 ans ayant eu de multiples épisodes anaphylactiques déclenchés par l’exercice après des repas et favorisés par la prise d’acide salicylique. L’analyse de son alimentation permet d’incriminer les agrumes, en l’occurrence le Citrus unshiu. Parallèlement, les tests cutanés étaient positifs avec les autres agrumes.
Le yuzu, cultivé au Japon, est un agrume particulièrement prisé par les restaurateurs, utilisé frais ou sous forme de jus. Ce fruit est le résultat d’une hybridation entre une mandarine (Citrus reticulata) et un citron (Citrus ichangensis). Une équipe française publie en 2015 le cas d’une femme de 42 ans ayant eu une réaction allergique au yuzu (pas de réaction aux autres agrumes) ; les tests cutanés se sont révélés positifs pour la pulpe et le jus de yuzu, alors que le test avec le zeste du fruit était négatif. Une analyse supplémentaire avec le sérum de la patiente a permis d’isoler un allergène de 23 kDa présent dans le jus de yuzu, ayant une homologie de structure avec l’allergène Cit s1 de l’orange.
Allergies aux pépins
La sensibilisation aux pépins d’agrumes (plutôt qu’à leur pulpe) a été évoquée pour la première fois en 1989, après l’observation, chez 26 patients, d’un prick-test positif à un extrait de pépins d’orange alors que le test réalisé avec le jus d’orange était négatif. Certains de ces patients pouvaient consommer la pulpe d’agrumes sans pépins alors qu’ils avaient des symptômes allergiques lorsqu’ils étaient en contact avec des pépins broyés.
Les pépins sont aussi responsables d’allergies croisées.
Un cas clinique de 2021 décrit un enfant de 7 ans avec des antécédents d’allergie à la noix de cajou et à la pectine ayant eu une réaction anaphylactique après avoir pris un bain contenant une préparation à base de yuzu. Le bilan allergologique (réalisé à distance de l’épisode aigu) a révélé des réactions positives à la noix de cajou, à la pistache, au yuzu et à un produit laitier fermenté contenant de la pectine, confirmant existence d’une réaction croisée.
La citrine, identifiée en 2023, est en effet un allergène commun aux pépins de citron, d’orange et de pamplemousse, qui est également présent dans la pectine d’agrumes. La structure de cette globuline 11S a une certaine similitude avec les allergènes Ana o2 de la noix de cajou et Pis v2 de la pistache, ce qui explique le risque de réaction croisée entre ces fruits à coque, les graines et la pectine d’agrumes.
Par ailleurs, les personnes allergiques au poivre de Sichuan (Zanthoxylum bungeanum) ont dans 53,3 % des cas des antécédents d’allergies aux pépins d’agrumes ; en cause : la globuline 11S (Zan b2) ou l’albumine 2S (Zan b1.01) contenues dans ce poivre.
Faire le diagnostic
À ce jour, on dispose de dosages des IgE spécifiques dirigés contre chaque agrume, mais il n’y pas la possibilité de doser les IgE spécifiques pour un allergène spécifique.
Les prick-tests sont effectués avec la pulpe du fruit frais, son jus et son zeste.
Des immunoblots et/ou un test d’activation des basophiles sont des outils complémentaires pour le bilan biologique, utilisés à des fins de recherche par des équipes hospitalières.
Phytophotodermatoses induites par le citron vert
Les phytophotodermatoses résultent de l’interaction entre certaines plantes et les rayons ultraviolets, en particulier les UVA (longueur d’onde se situant entre 320 et 380 nm). Elles se manifestent par des lésions cutanées : érythème, sensation de brûlure, apparition de bulles accompagnées d’un œdème ; une hyperpigmentation résiduelle peut persister plusieurs semaines voire des années. Ces réactions sont de nature phototoxique et ne mettent pas en jeu un mécanisme immunologique.
Une phytophotodermatose appelée « lime dermatitis » peut apparaître lors de la confection, au soleil, de guacamole ou de mojito ou autres cocktails à base de citron. En cause : les furocoumarines contenus dans le citron vert.
Une forme particulière est le « syndrome de la bière mexicaine », réaction cutanée provoquée par l’exposition au soleil après avoir été en contact avec des gouttelettes de bière contenant du citron vert. Lorsque l’on insère un morceau de citron vert dans le goulot d’une bouteille de bière (comme cela se fait couramment avec la Corona) et que l’on bouche l’ouverture de celle-ci avec son pouce avant de la retourner, le citron va au fond de la bouteille ; lors de cette manipulation, de fines gouttelettes peuvent être propulsées sur la peau. Si la peau est exposée au soleil, les furocoumarines contenues dans le citron vert interagissent avec les rayons UV provoquant une phytophotodermatose dont la topographie suit la répartition des gouttelettes.
Allergènes contenus dans les agrumes
Pour l’orange :
- Cit s1 (germine-like protein) : glycoprotéine de 24 kDa (allergène majeur)
- Cit s2 (profiline) : même si habituellement les profilines sont considérées comme des allergènes mineurs, il s’agit, dans le cas précis de cette profiline, d’un allergène majeur.
- Cit s3 LTP (allergène mineur) : explique l’allergie croisée avec LTP de l’arachide et peut déclencher anaphylaxie à l’ingestion de jus d’orange pressé (pas de réaction au jus d’orange industriel). Réaction croisée possible également avec Pru p3 de la pêche.
- Cit s7 (gibberellin-regulated protein) : explique les allergies croisées avec Pru p7 de la pêche, Cup s7 du pollen de cyprès (Cupressus sempervirens).
Pour la mandarine : Cit r3.01.01.
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