Pourquoi certaines maladies neurologiques, comme la sclérose en plaques (SEP), s’installent-elles dans la durée ? Pourquoi, même en l’absence d’agression extérieure évidente, l’inflammation persiste, progresse et finit par causer des dégâts irréversibles ? Une piste de réponse semble se trouver dans le système immunitaire, et plus précisément au sein d’une population de cellules longtemps ignorée : les lymphocytes T résidents mémoires (TRM). Ces cellules, une fois installées dans un tissu – ici, le cerveau ou la moelle épinière – n’en bougent plus. Elles restent sur place, en état d’alerte, prêtes à réagir. Toutefois, elles peuvent aussi entretenir une inflammation chronique, même en l’absence de nouvel envahisseur. Ces TRM, qu’ils soient CD8 + ou CD4 +, sont très présents dans les lésions de SEP mais aussi dans d’autres maladies neuro-immunes. On les retrouve dans le liquide céphalorachidien, dans la substance blanche et même dans des zones du cerveau qui semblent, à première vue, épargnées. Dans des modèles expérimentaux chez la souris, ces lymphocytes T infiltrent des zones clés du cerveau (comme l’hypothalamus), s’y installent durablement, adoptent le profil TRM et provoquent une perte neuronale progressive. L’inflammation recule quand on les supprime. Les lymphocytes TRM représentent une fraction importante des cellules infiltrant le système nerveux central lors d’affections inflammatoires chroniques. Ce sont des acteurs tissulaires, qui ne circulent plus ; ils ont un fort potentiel inflammatoire et participent activement à la chronicité du processus.Cette découverte offre un nouveau regard sur la persistance de certains symptômes ou séquelles neurologiques. Elle ouvre aussi la voie à de futures cibles thérapeutiques innovantes.
Roland Liblau, laboratoire d’immunologie, hôpital Purpan, CHU de Toulouse ; équipe « neuro-immunologie », Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires Inserm UMR 1291, CNRS UMR5051, université Toulouse III, CHU Purpan, Toulouse, France
1er avril 2025