Les parcours de santé complexes des patients le sont aussi pour les professionnels de santé : de nouveaux dispositifs d’appui à la coordination (DAC) pour les soins primaires ont pour mission d’aider les praticiens dans leur prise en charge, replaçant chaque acteur dans son cœur de métier, dans une démarche centrée sur le patient.

L’importance des maladies chroniques, par leur fréquence et leur gravité, interroge quant à la stratégie de soins, son efficience selon les différents modes de prise en charge individuelle et collective des patients.

La notion de parcours de soins impliquant les acteurs de la ville et les établissements de santé répond à l’émergence de nouveaux besoins pour l’organisation du suivi des maladies chroniques. Il s’agit d’une vision sanitaire bien différente de celle de la prise en charge d’un ­patient pour la gestion d’une crise aiguë, non programmée, base de la construction du système de soin occidental des années 1970.

Historique de l’offre de santé

L’arrivée du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), à la fin des années 1980, a incité le corps médical hospitalier à innover. Le manque de proposition thérapeutique ainsi que des profils de patients peu habituels en services d’infectiologie, ajouté à l’urgence de la mise en place des mesures de santé publi­que pour la protection des individus sont les trois facteurs ayant impulsé la création d’une coordination médico-sociale entre médecins hospitaliers, médecins traitants, pharmaciens, paramédicaux et des premiers liens avec les services sociaux dits «  de secteur  », pour tout ce qui concerne la vie citoyenne (Éducation nationale, bailleurs, soutien social, etc.).

Les personnes séropositives pour le VIH ou atteintes du sida bénéficient aujour­d’hui d’une prise en charge efficace grâce aux évolutions de la science médicale mais aussi grâce au développement des suivis psychosociaux et à la puissance d’associations de patients qui ont su aider à leur déstigmatisation dans la ­société.

Néanmoins, l’adaptation de l’offre de santé en 2025 n’est pas encore aboutie concernant l’accueil des patients atteints de maladies chroniques, souvent polypathologiques. En effet, si une meilleure connaissance des maladies chroniques ­permet de ralentir leur progression, la prise en charge au long cours d’un nombre croissant de patients nécessitant un soutien dans le maintien à domicile est encore expérientielle.

Les prises en charge intègrent désormais des axes prophylactiques et comportementaux favorisant l’adhésion du patient à son traitement médicamenteux, pour potentialiser son efficacité. L’association de compétences professionnelles complémentaires agit en synergie, avec le patient, pour une prise en charge globale. Le suivi médical seul ne suffit plus.

Quel accompagnement spécialisé et personnalisé proposer sur le long terme aux personnes les plus fragiles, dans le cadre du maintien à domicile  ?

Au fil des quatre réformes du système de santé, l’aide aux professionnels de santé de ville dans la mise en place de parcours renforcés et complexes s’est structurée progressivement  ; les parcours sont à construire en continuité et en alternance avec les établissements de santé et les services sociaux.

Des lois successives en faveur des parcours de santé

Loi n° 2002 - 303 du 4 mars 2002

Relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ce texte1 a permis la création des réseaux de santé thématiques, promouvant la création de parcours de soins alliant exercice hospitalier spécialisé et continuité des soins en ambulatoire.

Loi n° 2009 - 879 du 21 juillet 2009

Intitulée HPST (hôpital, patients, santé, territoires), cette loi2 a créé les agences régionales de santé (ARS), pour une planification territoriale de l’offre de soins. Afin d’améliorer les parcours dans lesquels le médecin généraliste était déjà considéré comme «  pivot  », la communication transversale ville-hôpital est encouragée via des systèmes d’information partagés.

Loi n° 2016 - 41 du 26 janvier 2016

Cette loi de modernisation du système de santé3 a redéfini les parcours de santé en insistant sur les enjeux de coordination des soins. Elle a préfiguré les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) de professionnels de santé libéraux et les plateformes territoriales d’appui (PTA) pour l’accompagnement psychosocial et territorial de situations individuelles complexes.

Le parcours de santé est dit complexe lorsque l’état de santé, le handicap ou la situation sociale rend nécessaire l’intervention de plusieurs catégories de professionnels de santé, sociaux ou médico-sociaux.

La coordination des soins vise alors à faire bénéficier le patient de la bonne réponse médicale, médico-­sociale, sociale, au bon endroit, au bon moment.

Loi n° 2019 - 774 du 24 juillet 2019

Relative à l’organisation et la trans­formation du système de santé cette loi4 a créé les dispositifs d’appui à la coordination (DAC). Les DAC viennent en appui à tout professionnel de santé ou du secteur social confronté à des situations complexes pour des patients cumulant plusieurs fragilités. Ils sont issus de la fusion de plusieurs dispositifs : réseaux de santé, plateformes territoriales d’appui (PTA), méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins (MAIA) et centres locaux d’information et de coordination notamment.

Vingt ans d’historique des parcours de santé

Dès 2002, l’hôpital et la ville ont organisé des parcours liés aux affections chroniques. Il s’agissait des premières modélisations de suivi. L’enjeu était de ralentir la progression des maladies chroniques en engageant le patient dans une démarche d’autonomisation. Puis la loi HPST a considérablement modifié le paysage sanitaire, via les incitations à mieux articuler les parcours ville-hôpital. Depuis 2019, les DAC aident à la prise en compte des composantes psychosociales, auxquelles les praticiens sont confrontés quotidiennement. Dès lors, la mise en œuvre d’accompagnements holistiques, centrés sur le patient, nécessite une organisation partenariale, intersectorielle décloisonnée par territoire.5,6

Fonctionnement d’un dispositif d’appui à la coordination

Un DAC a trois missions  : informer et orienter les professionnels de santé lors d’accompagnements complexes, aider à l’organisation opérationnelle des suivis sanitaires et sociaux, et soutenir des projets de santé territoriaux.

La personnalisation des suivis proposée implique l’identification précoce des caractéristiques sociales et environnementales comme autant de facteurs de risque. L’inclusion des aidants dans les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) participe à l’évolution vers de nouvelles «  équipes hors les murs  » dont la mission principale est la préservation de la qualité de vie des patients et le maintien dans leur environnement de vie. Les référents DAC de parcours complexes sont majoritairement des infirmiers et des assistants sociaux. Après avoir réalisé une évaluation multidimensionnelle avec la personne concernée et les acteurs de son suivi, ils favorisent les interactions entre acteurs de santé, mobilisent les compétences psychosociales d’autosoin du patient et priorisent le type d’accompagnement nécessaire.7,8

Comment le joindre  ?

Il existe au moins un DAC par département, inscrit sur le site de l’ARS. Les actions des DAC sont gratuites pour tout professionnel ou usager. Les données du patient sont soumises au secret professionnel et sécurisées dans un système d’information partagé.

À qui s’adresse-t-il  ?

Le DAC s’adresse aux personnes à domicile, en situation complexe, en perte d’autonomie ou en rupture de soins, sans distinction d’âge ou de pathologie. Il est destiné également aux professionnels médico-sociaux, sanitaires et sociaux confrontés au suivi de patients en situation complexe.

Les aspects psychosociaux peuvent représenter des obstacles pour les médecins dans leur travail quotidien. Les DAC développent des ­actions concrètes et ont un rôle de soutien pour les professionnels de santé ou les patients. Ils ont pour but de favoriser une prise en charge intégrée et personnalisée.

Quelles informations le médecin doit-il transmettre  ?

Pour initier le recours à ce dispositif, le médecin doit commencer par compléter une fiche d’orientation à adresser au DAC. Elle comprend l’identité de la personne, des éléments administratifs disponibles, les coordonnées des personnes ­référentes, de l’entourage familial ainsi que des professionnels de santé impliqués (médecin traitant, autres spécialistes, infirmiers libéraux, services d’aide à domicile, paramédicaux et travailleurs sociaux). De plus, il est souhaitable de communiquer les informations cliniques, les pathologies actuelles et les antécédents médicaux. Enfin, il est nécessaire de décrire de manière précise le motif de la demande d’appui à la coordination et de préciser l’identification de la rupture.

Le médecin doit-il avertir le patient de cette demande  ?

La personne doit obligatoirement être informée de la sollicitation du DAC et être non opposante à l’accompagnement par le dispositif.

Comment se passe le suivi renforcé dans un parcours complexe  ?

Toute demande d’appui pour une situation complexe est prise en compte. La réponse est ensuite graduée selon les besoins  : information, orientation, accompagnement. Si la demande relève d’une coordination renforcée avec visite à domicile, le référent de parcours réalise, après accord du médecin référent, une évaluation multidimensionnelle des besoins avec la personne concernée et les acteurs de son suivi, détermine les orientations, puis priorise, toujours avec la personne sollicitant de l’aide, le type d’accompagnement à mettre en place. Cette évaluation est formalisée par un plan personnalisé de coordination en santé (PPCS) accessible à tous les professionnels impliqués auprès de ce patient.

Il n’y a pas de réponse unique à un problème multifactoriel. Elle doit être pluridisciplinaire et adaptée à l’environnement du patient, à sa culture, à sa littératie en santé.

Facilitateur opérationnel

L’enjeu d’efficience des parcours complexes est important du fait du retentissement social de certaines pathologies, des hospitalisations inappropriées ou évitables et, parfois, du renoncement aux soins des personnes les plus vulnérables. Il s’agit de replacer chaque professionnel dans le cœur de son métier et de mobiliser des compétences complémentaires et de nouvelles collaborations. Les modalités opérationnelles sont à construire et les DAC se positionnent comme facilitateurs opérationnels en soutien aux praticiens et aux patients. Ce travail interdisciplinaire nécessite une appropriation et une acculturation, tant des DAC que des CPTS et des établissements de santé. À l’échelle systémique, ces liens contribuent à une meilleure ­adéquation de l’offre de soins avec les besoins de santé sur un territoire, permettant une réponse tant populationnelle qu’individuelle à des demandes complexes. 

Encadre

Quelques chiffres

  • 12 millions de personnes sont atteintes d’au moins une maladie chronique et bénéficient du dispositif lié aux affections de longue durée (ALD). La prévalence est passée de 14,6  % en 2008 à 17,8  % en 2021 (source  : CNAM, 2023).
  • L’espérance de vie à 60 ans en 2022 était de 27,3 ans (dont 2,9 ans en perte d’autonomie à domicile) pour les femmes et de 23 ans (dont 1,6 an en perte d’autonomie à domicile) pour les hommes (source  : DREES, Études et Résultats, n° 1318 du 14 novembre 2024).
Encadre

Deux exemples de profils concernés

  • Le médecin traitant de Mme M. contacte le dispositif d’appui à la coordination (DAC). L’évolution de cette patiente est complexe, marquée par une perte d’autonomie, un isolement significatif ainsi qu’un parcours de santé incertain. L’intervention du DAC aide le professionnel de santé à optimiser sa prise en charge et à sécuriser son maintien à domicile.
  • M. F. est un patient âgé de 80 ans ; il vit seul, isolé, sans contact avec ses fils. Il est suivi pour un diabète de type 2, associé à une hypertension artérielle et à des troubles cognitifs. L’évaluation n’a pas pu être réalisée en raison du non-respect des rendez-vous pris. Par ailleurs, ses ressources financières sont restreintes, ce qui entrave son accès aux soins médicaux. Un suivi social s’avère nécessaire. Le professionnel de santé référent contacte le DAC pour mettre en place une prise en charge globale.
Références
1. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
2. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
3. Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
4. Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
5. Sebai J. Les plateformes territoriales d’appui : une réforme partielle de plus pour répondre au défi de la prise en charge ambulatoire des patients complexes ? Les Tribunes de la santé 2018;58:103-13.
6. Bloch MA, Bouquet MV, Robelet M. Le dispositif d’appui à la coordination, un nouvel opérateur territorial en quête de légitimité. Rapport PRS2, ARS d’Île-de-France, juillet 2022.
7. Mise en œuvre de la démarche de référent de parcours. Ministère des Solidarités et de la Santé, janvier 2019.
8. Dispositifs d’appui à la coordination. ARS Bourgogne Franche-Comté. https://www.bourgogne-franche-comte.ars.sante.fr/dispositif-dappui-la-coordination-dac-0 

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Résumé

Les notions de parcours de soins et de territoire sont au cœur de l’offre de santé de proximité. Certains patients nécessitent un accompagnement spécifique, au regard de leurs facteurs de risque et de leur vulnérabilité sociale. La législation relative aux parcours de santé complexes a évolué, les services de proximité venant en soutien aux professionnels de santé. Les parcours de santé incluent les besoins médicaux, psychologiques, sociaux, environnementaux de chaque patient. De nouveaux dispositifs d’appui à la coordination (DAC) ont pour mission d’aider les praticiens dans leur prise en charge en replaçant chaque acteur dans son cœur de métier, dans une démarche centrée sur le patient. La mise en commun des compétences complémentaires de la médecine de premier recours et des services médico-sociaux permet d’apporter des réponses personnalisées aux personnes les plus vulnérables, avec des stratégies d’action qui ne sont pas exclusivement médicales.