Orienter correctement les patients au sein du système social contribue à améliorer leur quotidien et celui de leurs aidants. Outre le remboursement des frais médicaux, il existe des aides dont ils peuvent bénéficier, sous réserve de remplir les critères exigés : minima sociaux, aides financières, humaines et techniques, structures d’hébergement, etc. 

Le non-recours aux aides sociales est une situation fréquente : 30 % des 10 millions de personnes éligibles à la complémentaire santé solidaire (CSS) n’y ont pas recours.1,2 Il en est de même pour le revenu de solidarité active (RSA).3 Ce non-recours est lié majoritairement à un défaut d’information, à la complexité des démarches à entreprendre ou à la peur de répercussions négatives3 avec, pour conséquence, un renoncement aux soins médicaux.2,4 L’ensemble de ces freins est réversible et passe par un meilleur accompagnement des personnes dans leurs démarches sociales. 

À l’heure où le non-recours aux droits persiste, il paraît indispensable pour la communauté soignante de se saisir pleinement des enjeux sociaux. L’évaluation des problématiques sociales est essentielle à la prise en charge de chaque patient, quel que soit son mode d’entrée dans le système de santé. Ces actes peuvent être cotés et ainsi valorisés.5  

 Il existe de nombreuses prestations sociales et structures d’hébergement éligibles aux différents âges de la vie, à destination de personnes en situation régulière ou non. 

Des systèmes de sécurité sociale garants d’un accès aux soins pour tous 

En France, toute personne présente sur le territoire depuis plus de trois mois – à l’exception des personnes sous visa touristique ou assimilées – peut prétendre à une sécurité sociale, dont la nature varie selon la ­situation administrative et financière. La figure 1 synthétise l’ensemble des aides disponibles.

Protection universelle maladie

La protection universelle maladie (PUMA)  est destinée à toute personne en situation régulière (y compris demandeur d’asile ou titulaire d’un titre de séjour). Il s’agit d’une couverture à 80 %. Pour l’obtenir, il faut impérativement justifier de sa présence sur le territoire depuis plus de trois mois. Une personne en situation régulière depuis moins de trois mois, par exemple un demandeur d’asile, n’a pas de prise en charge avant le 91e jour de présence en France. Cette demande s’effectue auprès de la Sécu­rité sociale du département de résidence et, en cas d’hospitalisation, doit être déposée dans le mois qui suit afin d’obtenir une rétro­activité. Il n’y a pas de certificat médical à remplir.

Aide médicale de l’État

L’aide médicale de l’État (AME) s’adresse à toute personne en situation irrégulière. Elle est soumise à un plafond de ressources de 10 339 euros par an et par personne en métropole (et 11 507 euros dans les DOM) pour une personne seule, d’après le site du service public (mis à jour le 1er avril 2025) https ://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F3079, ce qui signifie qu’elle n’est accessible qu’aux personnes qui ont un revenu inférieur à 861 euros alors en métropole et 958 euros dans les DOM. Pour l’obtenir, il faut pouvoir justifier de sa présence sur le territoire depuis au moins trois mois. L’AME doit être renouvelée tous les ans. Elle est également accessible aux ressortissants européens qui ont un revenu inférieur à celui du RSA français. Elle correspond à une couverture sociale quasi totale, excluant la procréation médicalement assistée et les soins relevant de l’esthétique. La demande d’AME s’effectue auprès de la Sécurité sociale du département de résidence6 et, en cas d’hospitalisation, doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la sortie afin d’obtenir une rétroactivité. Le médecin n’a pas de certificat à remplir.

Prise en charge à 100 % dans le cadre d’une affection de longue durée

À destination de toute personne en situation régulière même de manière temporaire (demandeur d’asile ou avec un titre de séjour), il s’agit d’une prise en charge dans le cadre de maladies chroniques reconnues parmi une liste prédéfinie.7

Il est aussi possible d’obtenir une prise en charge à 100 % en dehors de la liste prédéfinie, à la suite du diagnostic d’une pathologie aiguë avec des thérapeutiques coûteuses prévisibles sur une durée supérieure à six mois (ALD 31) ou dans un contexte de polypathologies chroniques avec des soins onéreux au long cours (ALD 32). 

Seul le médecin peut en faire la demande pour le patient à l’aide d’un formulaire Cerfa.8 Cette demande est ensuite transmise au médecin-conseil de la Sécu­rité sociale du département de résidence. En cas d’hospitalisation, elle couvre la part de ticket modérateur mais le patient reste redevable du forfait journalier (20 euros par jour).

Mutuelle

Toute personne en situation régulière peut adhérer à une mutuelle. C’est au patient de faire la démarche auprès de l’organisme qu’il souhaite. La souscription à une mutuelle peut être réalisée lors d’une hospi­tali­sation pour un patient qui n’en bénéficiait pas ­auparavant et être rétroactive à la date du jour de demande du devis.

Complémentaire santé solidaire

Toute personne en situation régulière, même de manière temporaire (demandeur d’asile ou avec un titre de séjour), peut y prétendre. C’est un équivalent de mutuelle gratuite ou à faible participation (1 euro par jour et par personne). La CSS (sans participation financière) est soumise à un plafond de ressources de 10 339 euros d’après le site ameli (chiffres de la métropole mis à jour le 1er avril 2025). Pour l’obtenir, il faut justifier de sa présence sur le territoire depuis plus de trois mois. Cette demande s’effectue auprès de la Sécurité sociale du département de résidence et, en cas d’hospitalisation, doit être déposée dans les deux mois qui suivent afin d’obtenir une rétroactivité.

Dispositifs exceptionnels 

Deux dispositifs exceptionnels selon le degré d’urgence des soins permettent de prendre en charge les patients en situation irrégulière présents sur le territoire français depuis moins de trois mois : 

  • soins urgents et vitaux (SUV) : il s’agit d’un dispositif dont peut bénéficier toute personne en situation irrégulière qui ne peut pas prétendre à l’AME à cause d’une arrivée récente sur le territoire ou d’une absence de justificatif de présence de plus de trois mois. Cela permet de régulariser des hospitalisations faites pour répondre à un risque vital ou éviter la propagation d’une patho­logie contagieuse. Cette demande doit être adressée à la Sécurité sociale du département de résidence dans les trois mois qui suivent la sortie de l’hospitalisation et nécessite l’appui d’un certificat médical. Cela n’ouvre pas de droits au patient mais lui permet d’éviter le paiement d’une facture ;
  • concernant les patients séjournant sur le territoire français depuis moins de trois mois ou en attente d’ouverture de droits (par exemple AME) et ne nécessitant pas de soins urgents, il est possible de les orienter vers les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) dont les coordonnées sont disponibles sur le site de chaque agence régionale de santé (ARS).

Minima sociaux, garants d’un revenu pour tous 

Le système de protection sociale français permet à toute personne sans emploi en situation régulière de béné­ficier d’un revenu. La figure 2 résume les dispositifs disponibles selon l’âge et la situation du demandeur.

Revenu de solidarité active 

Ce revenu minimum peut être perçu par toute personne de plus de 25 ans et jusqu’à l’âge de la retraite. Actuellement, il est de 635 euros par mois. 

Il est soumis à la signature de contrats d’engagement réguliers visant la réinsertion professionnelle et/ou sociale.

Allocation aux adultes handicapés

Toute personne reconnue handicapée à un taux de 80 % ou plus peut prétendre à l’allocation aux adultes handicapés (AAH). 

Elle équivaut à 1 033 euros par mois. Elle s’obtient en remplissant un dossier, avec une partie administrative, et un certificat médical. 

La demande est à déposer auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). En fonction des départements, les délais de réponse peuvent atteindre un an, sans rétroactivité.

Allocation de solidarité aux personnes âgées

L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) est un revenu minimum pour toute personne retraitée, qu’elle soit en couple ou non. Elle équivaut à 1 034 euros par mois pour une personne seule. Elle se demande directement auprès de la caisse de retraite.

Aides quotidiennes pour les personnes en perte d’autonomie et d’indépendance fonctionnelle 

En France, il existe des aides à la vie quotidienne pour les personnes en perte d’autonomie.

Allocation personnalisée d’autonomie (APA)

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est versée par le département aux personnes qui emploient des associations d’aide à domicile ou directement aux associations d’aide à domicile employées. Elle est accessible à toute personne en situation régulière et est calculée sur des conditions de ressources et sur le degré d’autonomie précisé dans le certificat à remplir par un médecin. Les personnes sont alors catégorisées dans un groupe iso-ressources (GIR) selon leur degré de dépendance.9 

Portage de repas

Pour toute personne en situation régulière, il s’agit de se faire apporter un, deux ou trois repas par jour par la mairie ou une structure privée, autant de jours dans la semaine que souhaité. Les repas peuvent être adaptés aux pathologies médicales ou aux croyances (sans sucre, sans sel, casher, sans porc, etc.) et le coût est calculé selon les ressources. Les dossiers sont disponibles dans les centres communaux d’action sociale (CCAS).

Télé-alarme  

Ce dispositif est accessible pour les personnes en situation régulière. Il s’agit d’un bouton, souvent mis en place par les CCAS, qui permet aux personnes, lorsqu’elles chutent ou ne se sentent pas bien, d’avoir accès rapidement à un intervenant des services d’urgence.

Service de soins infirmiers à domicile

L’intervention conjointe d’un infirmier diplômé d’État et d’un aide-soignant sur prescription médicale et remboursée par la Sécurité sociale permet à la fois l’aide à la toilette, l’aide au lever et les soins médicaux. Toutes les personnes allocataires de la PUMA ainsi que celles bénéficiaires de l’AME peuvent prétendre à un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). 

Services d’aide à domicile

Pour toute personne en situation régulière, il s’agit de structures souvent privées ou associatives qui aident au quotidien les personnes âgées et handicapées. Si elles peuvent être financées par l’APA, elles n’en restent pas moins accessibles à toute personne qui en a besoin mais à condition de payer le plein tarif, sans autre aide que la défiscalisation, à hauteur de 50 %.

Prestation de compensation du handicap

Toute personne en situation régulière peut demander une aide technique, humaine ou matérielle visant à améliorer ou permettre la réalisation des actes de la vie quotidienne des personnes à domicile en cas de handicap.

Structures d’hébergement : à adapter à chaque étape de la vie 

En France, lorsque l’on ne peut plus vivre à domicile, il existe diverses structures d’accueil (fig. 3).

Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et unités de soins de longue durée 

Les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les unités de soins longue durée (USLD), payants, sont accessibles à toute personne de plus de 60 ans, parfois avant avec une dérogation d’âge. Il existe deux modalités : à titre payant et au titre de l’aide sociale. Comme il y a parfois des listes d’attente, il est souhaitable d’anticiper la demande. Celle-ci peut être réalisée lors d’une hospitalisation, mais les délais varient selon les places, avec des dispositifs qui peuvent exister selon les départements.

Aide sociale à l’hébergement

Lorsqu’une personne n’est pas ou plus en capacité ­financière de payer son établissement et que ses enfants ou petits-enfants n’ont pas la possibilité de le faire au titre de l’obligation alimentaire, elle peut demander à l’État de l’aider. Cette aide est accordée pour cinq ans et doit être renouvelée au-delà si nécessaire. Elle se demande auprès du département de son lieu de vie après l’entrée en institutionnalisation (y compris après plusieurs années d’institutionnalisation). Les formulaires sont disponibles sur internet ou auprès du département. Il s’agit d’une aide récupérable par l’État sur succession, notamment en cas de bien immobilier du demandeur, ce qui signifie qu’elle est réclamée aux héritiers après le décès.

Maisons d’accueil spécialisées

Ce sont des lieux de vie pour personnes handicapées, accessibles entre 18 et 60 ans. Les potentiels bénéficiaires doivent être reconnus et orientés par la MDPH.

Il existe aussi des systèmes pour prendre en charge les personnes sans domicile fixe avec ou sans besoin de soins.

Numéro 115

Le 115 est le numéro d’urgence pour toute personne sans-abri, la demande peut être appuyée par un ­travailleur social via la plateforme du service intégré d’accueil et d’orientation. Il faut appeler tôt le matin ou tard le soir pour maximiser ses chances.

Lits halte soins santé

Les lits halte soins santé (LHSS) sont des structures d’accueil temporaire gérées par le 115 ou par quelques associations et sont destinées aux personnes sans domicile fixe sortant d’hospitalisation avec des soins importants. À l’issue de la guérison, il y a un risque de retour à la rue.

Lits d’accueil médicalisés 

À l’inverse des LHSS, les structures d’accueil dites LAM (lits d’accueil médicalisés) sont pérennes et bénéficient aux personnes sans domicile fixe qui ne peuvent plus vivre dehors et qui sont en perte d’autonomie. Chaque structure de LAM dispose de son propre formulaire de demande. 

Encadre

Que dire à vos patients ? 

Quel que soit votre statut administratif, vous avez accès à des soins et, à partir de trois mois sur le territoire, une possibilité d’ouverture de droits à la Sécurité sociale.

Des assistants sociaux peuvent vous aider, dans les hôpitaux en cas de soins hospitaliers, et dans les mairies le reste du temps.

Quel que soit son état de santé et en cas de besoin, chacun a le droit à des ressources pour compléter son revenu ou financer des aides à domicile.

Références
1. Pierre A, Rochereau T. L’absence de couverture par une complémentaire santé en France en 2019. Questions d’économies de la santé Irdes 2022:268.
2. Caro M, Carpezat M, Forzy L. Le recours et le non-recours à la complémentaire santé ­­solidaire - une étude qualitative des profils et des trajectoires des bénéficiaires.  Les dossiers de la Drees n° 107, mars 2023.
3. Piruis C. Prestations sociales : pour quatre personnes sur dix, le non-recours est principalement lié au manque d’information. Rapport Drees, avril 2023;1263
4. Guthmuller S, Jusot F, Renaud T,et al. Comment expliquer le non-recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ? Questions d’économie de la santé Irdes 2014:195.
5. Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. Les facteurs socio-environnementaux : concept et codage pour le PMSI. Janvier 2022. 
6. Coordonnées disponibles sur le site ameli.fr
7. Décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de prise en charge des frais de santé en cas de maladie ou de maternité des bénéficiaires de la protection universelle maladie. JORF décembre 2015:0303.
8. Formulaire accessible sur le site du service public. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R15682 
9. Groupe iso-ressources. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1229 

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essentiel

En tant que médecin, il est possible d’agir sur la situation sociale des patients en identifiant les droits auxquels ils sont éligibles, en les orientant vers les organismes ad hoc et en rédigeant les certificats médicaux adéquats.

La Sécurité sociale est ouverte à toute personne, sauf à celles présentes sur le territoire depuis moins de trois mois. Ces dernières peuvent être prises en charge au titre des soins urgents et vitaux ou, en l’absence d’urgence, dans les permanences d’accès aux soins de santé.

Il existe des minima sociaux pour les personnes inactives, en situation de handicap ou dont le montant de la retraite n’est pas suffisant pour subvenir à leurs besoins.

Les places en hébergement sont rares, il est indispensable d’anticiper les demandes de préadmission en Ehpad avant l’arrivée de la dépendance ou, pour les demandes de logement social, avant la sortie d’hospitalisation. Communiquer le numéro 115 à toute personne vivant dans la rue est un premier recours d’urgence.